Paris : La diffusion de la vidéo d’un viol sur les réseaux sociaux « pour alerter » divise

INSECURITE La vidéo d’un viol commis le 21 mai dans le 19e arrondissement de Paris a été partagée pendant plusieurs jours sur Twitter avant d’être retirée ce mardi de la plateforme

Hélène Sergent
Mobilisation de riverains le 19 mai dans le quartier de Stalingrad à Paris.
Mobilisation de riverains le 19 mai dans le quartier de Stalingrad à Paris. — AFP
  • Un homme a été interpellé dans la nuit du 21 au 22 mai après avoir été filmé par des riverains en train de violer une femme sur la voie publique, avenue de Flandre, non loin de la place Stalingrad, à Paris (19e). Il a été mis en examen et placé en détention provisoire.
  • Transmise à la police, cette vidéo a également été diffusée sur Twitter par le collectif de riverains à l’origine de l’alerte et partagée par plusieurs centaines d’internautes.
  • Retirée depuis de la plateforme à la demande de Twitter, cette publication a soulevé des critiques.

« Quand j’ai vu cette vidéo, j’ai ressenti un immense dégoût », souffle Patricia. Habitante depuis 40 ans du quartier Stalingrad dans le 19e arrondissement de Paris, la cofondatrice du « collectif19 » peine à cacher sa « foutue colère ». Dans la nuit du 21 au 22 mai dernier, cette Franco-Américaine est alertée par l’une de ses voisines. Cette retraitée âgée lui transmet la vidéo d’une scène qui se déroule sous sa fenêtre, avenue de Flandre. « Elle pensait qu’un couple de toxicomanes faisaient l’amour en pleine rue. Mais quand j’ai regardé sa vidéo, j’ai compris que c’était un viol. La victime criait "Police ! Police !" », raconte Patricia à 20 Minutes.

Mobilisée depuis 2018 contre l’insécurité liée au trafic et à la consommation de crack qui sévit dans son quartier, Patricia décide alors d’alerter d’autres riverains réunis dans un groupe WhatsApp. Le réseau s’active et l’une des membres de ce groupe compose le 17. L’homme suspecté du viol est interpellé quelques minutes plus tard par les forces de l’ordre. Mis en examen pour « viol par personne en état d’ivresse, trafic de stupéfiants et usage de stupéfiants », il a été placé en détention provisoire. « Hors d’elle », Patricia décide le soir même de publier sur le compte Twitter du collectif19 la scène dont elle a été témoin. Un geste qu’elle ne « regrette pas », mais qui a suscité la polémique.

« Je voulais alerter »

Accessible sur Twitter jusqu’à ce mardi après-midi, la vidéo a été partagée par plusieurs centaines d’internautes. « Je trouve ça extrêmement choquant », dénonce Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. « Pour toutes les femmes qui ont vécu un viol, tomber sur ce genre de vidéo peut faire remonter des choses extrêmement douloureuses. Et à aucun moment, même si on ne la reconnaît pas sur la vidéo, on s’interroge pour savoir si la victime est d’accord », avance la militante féministe, qui a signalé le contenu au réseau social.


Bloqué temporairement, le compte du collectif19 géré par Patricia a depuis effacé la vidéo en question. À 20 Minutes, la riveraine explique : « J’étais hors de moi, je voulais alerter sur la réalité de ce que vivent les femmes dans notre quartier et en particulier les femmes usagères de crack et précaires. Mais je comprends aussi les règles en vigueur sur le réseau social et je les respecte, c’est pour ça que j’ai décidé de retirer ce tweet ».

Contacté, un porte-parole de Twitter complète : « Les médias décrivant des comportements sexuels violents ne sont pas autorisés sur Twitter, conformément à notre politique relative aux médias sensibles. Nous prenons des mesures d’application lorsque nous identifions ce type de contenu. »

Réactions politiques et médiatiques

En France, le fait de diffuser des images d’agressions violentes peut être sanctionné pénalement, notamment si ces images sont susceptibles d’être vues par des mineurs, comme c’est le cas sur les réseaux sociaux. Ces atteintes aux mineurs visent par exemple le fait de diffuser un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine.

Patricia, elle, espère désormais que cette dernière alerte, lancée par son collectif, ne restera pas lettre morte. « Je comprends tout à fait que cette vidéo ait pu choquer. Mais nous, on n’en peut plus. Et c’est terrible de se dire qu’il faut qu’un tel événement se passe pour que les médias et les politiques parlent de ce qui se passe dans notre quartier », déplore-t-elle. Depuis le drame, plusieurs élus parisiens ont dénoncé la dégradation sécuritaire constatée dans le quartier. Élu de la 16e circonscription de Paris, le député LREM Mounir Majhoubi réclamait dimanche soir « un état d’urgence local » et un « renfort national exceptionnel ».