Quand la Coupe du monde sort un quartier du ghetto

FOOT A Port-Elizabeth, Parliament Street a changé de visage grâce à l'organisation de la compétition...

Romain Scotto, à Port-Elizabeth
— 
Une voiture de police stationnée sur Parliament Street, une rue de Port-Elizabeth, en Afrique du sud, le 3 juillet 2010.
Une voiture de police stationnée sur Parliament Street, une rue de Port-Elizabeth, en Afrique du sud, le 3 juillet 2010. — R.S./20minutes

De notre envoyé spécial à Port-Elizabeth (Afrique du sud),

Lorsqu'elle fixe son trottoir, sur le palier de sa librairie, June revoit  de vilaines images. Des tessons de bouteilles, des détritus et d'autres  choses encore plus sales. «Les gens les balançaient de leur fenêtre  parfois. Et ça tombait juste là. Il fallait soi-même faire le ménage...»  Cela fait dix-sept ans que cette grand-mère afrikaner s'est installée  sur Parliament Street, une ancienne rue malfamée de Port-Elizabeth où  elle peut aujourd'hui se promener sans raser les murs. Sa bombe lacrymo  reste planquée dans un tiroir du bureau, mais en quelques mois, son  quartier a changé de visage. Avec la Coupe du monde, les autorités  locales ont rénové cette rue, autrefois infréquentable.


«C'était très dangereux ici, se souvient Wonda, un étudiant en  sociologie. Dans les night clubs, il y avait les prostituées et les  dealers nigérians. C'était un endroit glauque. Maintenant, il faut  encore se méfier la nuit. Quand le soleil brille, tout va bien, mais  après, on ne sait jamais ce qui peut arriver.» En réalité, les boîtes de  nuit sont toujours là. Elles sont justes bien mieux surveillées. Sur  Parliament Street, des caméras ont été installées et les rondes de police  sont incessantes. «A 4h du matin, la police dégage tout le monde ici  pour que ce soit sûr la journée, poursuit Wonda. Maintenant, les  policiers tirent beaucoup plus facilement pour tuer les voyous. Oui, il  les tuent.»



Personne ne peut se plaindre d'insécurité dans ce quartier boosté par  l'effet Mondial. C'est d'ailleurs là que l'une des «fan zone» de la  ville a été installée. Les jours de matchs, les supporters sans ticket  s'y retrouvent pour boire et chanter, au pied d'un écran géant. «C'est  très animé», se réjouit Dave, qui tient une laverie dans la nouvelle rue  branchée de la ville. «Regardez, juste avant la compétition, ils ont  refait les trottoirs et la route.»


Dans la rue, certains immeubles ont aussi été rénovés. Ils abritent une  classe moyenne noire, en plein essor dans le pays. Dans les  discothèques, ce sont leurs enfants qui s'amusent à la tombée de la  nuit. «Aujourd'hui, les jeunes filles ne sont plus en pantalon comme  avant, décrit June, la libraire. Elles ont des jupes, des cheveux longs  et elles se saoulent!» Parfois même avec des blancs. A Port-Elizabeth,  la mixité raciale est un fait nouveau. Jusqu'à présent, la ville était  répartie en quartiers, où on ne s'aventurait qu'en fonction de sa  couleur de peau.



L'exemple de Parliament Street peut-il s'étendre à d'autres quartiers?  Ici, beaucoup en doutent. Une fois le barnum de la Coupe du monde  évacué, il n'est pas certain que l'endroit conserve sa tranquillité. «Ce  que je crains, c'est que la police ne soit pas aussi présente», soupire  June qui n'a jamais autant apprécié le football. Au cas où, la bombe  lacrymogène est toujours en bonne place dans le bureau.