Basket : L’équipe de France peut-elle sérieusement se priver de Marine Johannès pour l’Euro puis les JO ?
BASKET FEMININ•Tout juste titrée lundi avec Lyon Asvel Féminin, la meilleure joueuse tricolore pourrait se voir privée d’Eurobasket, mais également de Jeux olympiques à Paris, en raison d’un voyage à New York pour y signer son contrat WNBAJérémy Laugier
L'essentiel
- Titré en 2019, Lyon Asvel Féminin est redevenu champion de France lundi soir, en remportant le troisième match décisif de la finale contre Villeneuve d'Ascq (74-68), dans une Astroballe bouillante.
- Encore éblouissante lors de cette belle de LFB avec 16 points inscrits, Marine Johannès risque pourtant de manquer cet été l’Euro avec l’équipe de France.
- La Fédération française de basket ne lui permet en effet pas de manquer quelques jours du stage de préparation des Bleues, ce que la joueuse de 28 ans va faire en rejoignant cette semaine New York pour y signer un contrat pour la saison de WNBA. Même sa présence aux Jeux olympiques de Paris est clairement menacée, ce qui a fait réagir lundi soir Tony Parker et Nicolas Batum.
Marine Johannès avait-elle réellement des larmes de bonheur, lundi soir à l’Astroballe, en devenant championne de France de basket pour la deuxième fois de sa carrière ? Eblouissante sur le terrain durant les deux succès lyonnais d’une finale de haut niveau contre Villeneuve d'Ascq (74-68 lors de la belle lundi), avec à chaque fois 16 points inscrits, la joueuse de 28 ans a en effet craqué ensuite au micro de Sport en France. « Je suis exténuée, ça fait quatre ans qu’on attend ce titre, a confié la spectaculaire shooteuse, qui avait été vivement critiquée pour sa finale 2022 ratée contre Bourges (0-3). Je veux juste fermer des bouches. On le mérite tellement, on a beaucoup travaillé et on a tout donné. »
Si Marine Johannès est apparue à ce point à cran, dans un moment de liesse collective côté lyonnais, c’est avant tout car elle sait depuis quelques jours qu’elle devrait être privée d’Euro avec l’équipe de France féminine cet été (du 15 au 25 juin en Slovénie et en Israël). Comme l’expliquait dimanche L’Equipe, les dirigeants du basket français ont en effet exigé que toutes les Bleues soient disponibles pour le début du stage de préparation le mercredi 24 mai, avant d’affronter la Serbie en amical à deux reprises à Toulouse, les 28 et 29 mai. Or cela ne sera pas le cas de Marine Johannès, qui se prépare à rejoindre les Etats-Unis plusieurs jours cette semaine, afin de signer un contrat pour participer à la saison de WNBA avec le New York Liberty, comme en 2019 et en 2022.
Johannès a pris soin d’éviter Siutat lundi soir
« Je parlerai de ça plus tard, là j’ai juste envie de profiter », s’est contentée d’indiquer lundi soir l’ancienne Berruyère, au sujet de sa probable non-participation, malgré elle, à l’Eurobasket. Car le plan de Marine Johannès, comme pour sa coéquipière de l’Asvel, la Franco-américaine Gabby Williams, était d’enchaîner le championnat de France (plus l’Eurocoupe remportée) à Lyon, puis l’Euro jusqu’à fin juin, avant de basculer sur le championnat américain (qui a débuté la semaine passée mais qui se poursuit jusqu’au 10 septembre)… et rebelote ensuite avec la LFB, et cette fois l’Euroligue, sous le maillot de l’Asvel dès septembre-octobre.
Déterminés à gagner l’Euro coûte que coûte, après cinq défaites de suite en finale dans cette compétition, le nouveau sélectionneur des Bleues Jean-Aimé Toupane et les dirigeants de la FFBB ont donc cherché à optimiser la préparation cette année, en raccourcissant notamment la phase finale de la Ligue féminine pour y parvenir. Comme le précise L’Equipe, la Fédération lie même l’Euro 2023 aux Jeux olympiques de Paris. En clair, si Marine Johannès manque cet Euro « sans raison estimée valable », elle devrait aussi passer à côté des JO dans son pays, que tous les athlètes tricolores voient forcément comme une apothéose de carrière.
Dans ce climat de grosse tension FFBB-Marine Johannès, l’arrière de l’Asvel a pris soin de se tourner vers le maire de Lyon Grégory Doucet, et non le président de la Fédé Jean-Pierre Siutat, présent à l’Astroballe lundi soir, pour recevoir sa médaille de championne de France. Dans la foulée, Tony Parker a pris sa défense en conférence de presse.
« Elle a du sang bleu dans les veines »
« C’est injuste ce qu’il se passe autour d’elle, a lâché le président de l’Asvel. C’est une fille incroyable. Elle a envie de jouer pour l’équipe de France et elle n’a pas loupé un rendez-vous depuis 2015. On veut l’équipe de France avec Marine. Elle est championne d’Europe et de France et tu veux faire un Euro sans elle ? C’est n’importe quoi. Nous, les garçons, on pouvait aller faire des allers-retours pour signer nos contrats. C’est arrivé plein de fois. Elle ne louperait même pas un match officiel. J’adore Toupane et Siutat mais à un moment donné, pour cinq jours… J’ai essayé de peser. Elle veut jouer en équipe de France, il faut bien le dire. » Capitaine de l’équipe de France masculine et directeur des opérations basket à l’Asvel, Nicolas Batum a pris position de manière encore plus tranchante pour soutenir « quelqu’un qui lui est très cher », lundi soir dans l’émission de basket First Team sur YouTube.
« C’est une gamine qui depuis ses 15 ans, n’a pas loupé une seule fois l’équipe de France. Là, elle demande une semaine pour gérer un truc contractuel. Qu’on mette autour de sa tête un ultimatum sur les JO, je trouve ça extrêmement dégueulasse. Si elle n’était pas allée jusqu’en finale LFB, son aller-retour aux Etats-Unis n’aurait pas causé de problème, sauf qu’elle va au bout. Arrêtez de faire chier bordel, elle va venir, on a besoin d’elle. Cette fille est passionnée. Elle a du sang bleu dans les veines, elle vit pour l’équipe de France. Elle veut tout faire, laissez-là gérer bordel ! Elle était en pleurs à la télé. Je sais que je vais me faire engueuler mais je m’en fous. » »
Autant dire que ça va sérieusement dépoter dans les prochains jours à la tête du basket français, au vu de l’énorme coup de gueule de l’ailier des Clippers. Il reste une autre question en toile de fond, propre au basket féminin : combien de temps des joueuses comme Marine Johannès (28 ans) et Gabby Williams (26 ans) peuvent-elles enchaîner des compétitions à très haute intensité sans véritables vacances pour couper ? « On est KO, la saison était interminable », a ainsi confié Marine Johannès lundi soir. Elle souhaiterait pourtant enchaîner dans les prochaines semaines Euro, WNBA et LFB/Euroligue.
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