JO 2021 : Menacée de rapatriement en Biélorussie, une sprinteuse obtient un visa polonais

JEUX OLYMPIQUES Krystsina Tsimanouskaya affirme que les autorités biélorusses ont tenté de la ramener de force au pays après ses critiques contre la fédération d’athlétisme

A.L.G. avec AFP
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Krystsina Tsimanouskaya a demandé l'aide du CIO et du Japon après les menaces qu'elle aurait subies de la part des autorités biélorusses.
Krystsina Tsimanouskaya a demandé l'aide du CIO et du Japon après les menaces qu'elle aurait subies de la part des autorités biélorusses. — Ernesto Vicinanza / SOPA Images//SIPA

L’athlète biélorusse Krystsina Tsimanouskaya, menacée d’être rapatriée de force dans son pays après en avoir critiqué les instances sportives à la suite d’un différend aux Jeux olympiques de Tokyo, a obtenu ce lundi un visa humanitaire de la Pologne. Cette affaire, qui secoue depuis dimanche les JO, intervient après près d’un an de répression féroce de toute contestation en Biélorussie, ex-république soviétique nichée entre Russie et UE et dirigée d’une main de fer depuis 1994 par le président Alexandre Loukachenko. La sprinteuse dit craindre d’être emprisonnée si elle retourne dans son pays, qui a vu des milliers d’arrestations et d’exils forcés d’opposants, ainsi que la liquidation de nombre d’ONG et médias indépendants.

Krystsina Tsimanouskaya avait affirmé, dimanche, avoir été forcée à suspendre sa participation aux Jeux olympiques de Tokyo et à quitter le Japon, après avoir critiqué sa fédération sur les réseaux sociaux. « Je demande au Comité international olympique de m’aider, j’ai subi des pressions et on essaye de me faire partir du pays sans mon accord », déclarait l’athlète de 24 ans  dans une vidéo sur Instagram.

« Le CIO a vu les articles dans les médias, étudie la situation et a demandé des explications au CNO [comité national olympique] » biélorusse, déclarait un porte-parole du CIO. Selon la Fondation biélorusse de solidarité sportive, Krystsina Tsimanouskaya se trouvait dimanche soir à l’aéroport Haneda de Tokyo, terminal 3. « L’athlète biélorusse est en train d’être évacuée de Tokyo par la force », affirmait cette Fondation sur Telegram, en précisant avoir sollicité l’intervention de la police japonaise pour empêcher ce départ.


Refusant ce retour forcé, de « peur » de se retrouver en prison, la sprinteuse s’est finalement rendue ce lundi dans l’ambassade de Pologne à Tokyo, et Varsovie a confirmé lui avoir accordé un visa humanitaire.

« Elle tient bon »

La jeune femme n’était guère connue avant cette affaire, mais elle avait publiquement exprimé par le passé sa sympathie pour le mouvement anti-Loukachenko. L’athlète « a reçu un visa humanitaire. La Pologne va faire tout le nécessaire pour l’aider à poursuivre sa carrière sportive », a écrit sur Twitter le vice-ministre polonais des Affaires étrangères Marcin Przydacz, dont le pays accueille de nombreux dissidents biélorusses.

Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a lui dénoncé la « tentative criminelle d’enlever l’athlète » et la « l’agression commise par les services biélorusses » lors des JO. « Nous avons assuré la sécurité de Krystsina Tsimanouskaya à l’ambassade de Pologne à Tokyo et, si nécessaire, nous lui offrirons également la possibilité de poursuivre sa carrière », a-t-il ajouté sur Facebook.

Son époux, Arseni Zdanevitch, contacté par téléphone par l’AFP, a dit avoir rejoint l’Ukraine à cause du conflit entre son épouse et les autorités biélorusses, qui menaçait la « sécurité » du couple. Il compte la rejoindre en Pologne. Selon Alexandre Opeïkine, directeur exécutif de la Fondation biélorusse pour la solidarité sportive (BSSF), organisation soutenant les sportifs dans le collimateur du pouvoir de Minsk, Krystsina Tsimanouskaya « tient bon », bien qu’étant dans « une situation stressante ». Elle devrait rejoindre la Pologne mercredi, a indiqué l’ONG d’opposition « Maison biélorusse » à Varsovie.

La représentation diplomatique américaine en Biélorussie a salué sur Twitter les « mesures rapides des autorités japonaises et polonaises », qui ont permis à la sportive « d’échapper aux tentatives du régime d’Alexandre Loukachenko de (la) discréditer et (de l') humilier » pour avoir « exprimé ses opinions ».

Tentative d'« enlèvement » ?

La figure de proue de l’opposition biélorusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa, a accusé les responsables olympiques de son pays de vouloir « enlever » l’athlète. « Pas un seul Biélorusse qui a traversé les frontières du pays n’est en sécurité, car ils pourraient essayer de les enlever », a-t-elle écrit dans un message sur Telegram, appelant à des sanctions internationales plus fortes contre Minsk.

Le Comité olympique biélorusse, dirigé par le fils du président Loukachenko, Viktor, a de son côté assuré lundi dans un communiqué que les entraîneurs de l’équipe d’athlétisme avaient décidé de suspendre la sprinteuse en raison de son « état émotionnel et psychologique ». « Nous avions des signaux comme quoi il y avait quelque chose qui se passait avec cette fille », a critiqué l’entraîneur Iouri Moïssevitch, dénonçant à la télévision biélorusse le fait que Tsimanouskaya ait « transformé son passage à Tokyo en un scandale grandiose ».

Plus tôt lundi, le Comité international olympique (CIO) avait confirmé que la sprinteuse était « en sécurité » au Japon. Le gouvernement japonais « va continuer à coopérer étroitement avec les organisations concernées et prendre les mesures appropriées », en traitant ce cas « conformément à la loi », avait déclaré lundi le porte-parole du gouvernement nippon Katsunobu Kato.