JO 2021: Lavillenie, Manaudou, Agbegnenou, qui a le plus de chances d’être élu porte-drapeau à Tokyo ?

JEUX OLYMPIQUES Ils sont douze pour deux places et le privilège unique de rentrer en premier dans le stade olympique le 23 juillet

Julien Laloye
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Clarisse Agbegnenou, Renaud Lavillenie et Florent Manaudou sont candidats pour être porte-drapeau à Tokyo.
Clarisse Agbegnenou, Renaud Lavillenie et Florent Manaudou sont candidats pour être porte-drapeau à Tokyo. — SIPA / Montage 20 Minutes
  • A J-100 des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo (normalement), l'équipe de France a organisé une grande journée médias mercredi.
  • A cette occasion, les athlètes candidats pour le rôle de porte-drapeau se sont déclarés.
  • 20 Minutes évalue les chances des favoris: Renaud Lavillenie, Florent Manaudou, Melina Robert-Michon, et Clarisse Agbegnenou

C’est un honneur qui pèse parfois sur les esprits, y compris les mieux préparés, même si Teddy Riner a prouvé à Rio que la malédiction du porte-drapeau n’était pas une fatalité. Et puis cette fois, ils seront deux, un homme et une femme, à partager la charge d’être présents partout, pour soi et pour les autres. Douze candidats, sept femmes et cinq hommes, ont accepté d’être mis en avant par leurs fédérations. Ils seront départagés, in fine, par les 59 ambassadeurs des fédérations engagées à Tokyo. 20 Minutes évalue les chances des favoris : Renaud Lavillenie, Florent Manaudou, Melina Robert-Michon, et Clarisse Agbegnenou.


Le plus évident : Renaud Lavillenie

« Bonjour, je suis Renaud Lavillenie, membre de l’équipe de France depuis plus de dix ans, deux médailles olympiques dont une en or à Londres, j’ai détenu le record du monde pendant six ans ». En dix secondes de présentation, le sauteur à la perche donne des airs de victoire inéluctable à sa candidature. Il reconnaît qu’il ne faisait pas le poids au Brésil tant Teddy Riner « était le candidat idéal », mais Lavillenie a le droit d’estimer qu’il est un peu le Riner de 2021.

« Avec toute l’expérience que je peux avoir, et la pression en moins du résultat, parce que j’ai tout ce que j'ai fait dernière moi, ça peut être une magnifique récompense que de pouvoir diriger cette équipe de France vers toujours plus de succès et la préparer pour France 2024 », dit le perchiste. S’il ne domine plus sa discipline comme à la belle époque, le vétéran de Londres a réglé un éventuel problème de légitimité sportive en revenant à un très bon niveau depuis six mois. La nouvelle formule est un cadeau du ciel (finie l’alternance classique homme/femme qui l’aurait condamné), et il a une réponse toute faite pour ceux qui pensent que la présence de Robert-Michon chez les femmes peut le desservir : « Peut-être que l’un de nous deux sera lésé, mais ça fait depuis Marie-Jo Pérec en 1996 que l’athlétisme, le sport n°1 des Jeux, n’a pas eu de porte-drapeau en France. »

Points forts : Le palmarès, le discours, et un concours pour l’éternité qui reste dans le cœur de tous les amateurs de sport à Londres. Les planètes sont alignées pour le Clermontois.

Points faibles : Comme Manaudou, il a pu trimballer un temps une image individualiste, mais il s’investit depuis longtemps dans les instances (membre de la commission de l’IAAF), et la façon dont il a encaissé la concurrence dans son sport démontre une forme de maturité, qui en fait un Estanguet en puissance quand il aura rangé les perches.

La plus méritante : Melina Robert Michon

On savait plus ou moins l’âge de la grande spécialiste du lancer du disque français (41 ans), mais tout de même : on est tombés de notre chaise quand la Lyonnaise nous a appris qu’elle était déjà dans les effectifs aux JO de Sidney, en 2000. « Je me revois derrière David Douillet, avec des grands yeux. Pour moi, il était dans une autre dimension. Porte-drapeau, c’était un truc inaccessible, jamais j’aurais pu m’imaginer être candidate un jour dans ce rôle. »

C’est presque un argument de campagne. Le parcours de vie de Robert-Michon peut avoir valeur d’exemple pour tous les jeunes athlètes qui pensent que les Jeux, ce n’est pas pour eux, ou alors juste pour prendre des photos et raconter l’escapade comme un voyage Erasmus à la famille en rentrant. « Je vais disputer mes sixièmes JO, et ça m’a pris beaucoup de temps pour ramener une médaille. Cela montre qu’il n’y a pas de parcours tout tracé, qu’il y a plein de moyens d’arriver au plus haut niveau. A partir du moment où ne lâche pas l’affaire, tout est possible. »

Evidemment, elle devra composer avec la figure imposante de Renaud Lavillenie, s’il est choisi chez les garçons, puisqu’on imagine mal deux porte-drapeaux issus de l’athlétisme, mais ça ne l’inquiète pas : « C’est déjà une grande fierté pour la fédé d’athlé d’avoir deux candidats, je pense. On a un parcours différent, il y a deux places, ça peut être que du positif. »

Points forts : La « maman » de la délégation tricolore, qui a montré qu’on peut être médaillée olympique à force de travail. Un exemple à suivre.

Points faibles : Notoriété faible en dehors de l’athlétisme et l’ombre de Lavillenie.

Le plus détaché (en apparence) : Florent Manaudou

Le champion olympique de Londres aux envies éclectiques a souvent donné l’impression de rouler avant tout pour sa pomme, sans que ce soit forcément péjoratif. A Londres et à Rio, par exemple, il a préféré ne pas participer à la cérémonie d’ouverture pour ne pas griller de cartouches émotionnelles avant l’heure, alors que la natation ouvre les hostilités en première semaine. Avec le recul, il concède qu’une fois dans sa vie, « il aimerait faire partie de fête du début à la fin. J’ai manqué quelques petites choses dans ma carrière parce que j’ai privilégié le sportif ».

Est-il capable de se fondre dans le collectif et de dépasser son propre rôle ? Le petit frère de Laure estime justement qu’il est le grand frère de beaucoup depuis longtemps, déjà, et qu’il a « l’expérience » requise pour être un bon porte-drapeau, après une carrière traversée « à la fois par des moments de gloire et des moments de doute ». Mais on ne le sent pas plus désireux que ça de se lancer dans une campagne effrénée auprès de ses pairs pour décrocher la timbale : « J’aime pas ce mot, ça me rappelle trop la forme des campagnes politiques, qui ne m’intéressent pas. J’espère être élu, mais je sais que si c’est quelqu’un d’autre, il le fera très bien. Et j’ai encore du boulot pour préparer ma propre performance, je n’ai pas envie de pousser ça [sa candidature] au maximum. »

Points forts : Incarne une discipline phare des Jeux, dernier visage connu de la plus glorieuse génération de l’histoire de la natation tricolore, saga familiale ultra-connue des Français.

Points faibles : Toujours considéré comme un soliste jusqu’ici, a-t-il vraiment envie d’incarner pleinement ce rôle d’aller vers les autres en permanence ?

La plus demandeuse : Clarisse Agbegnenou

Dix minutes en visio avec la jeune championne de judo ont suffi à nous convaincre de sa grande motivation pour le poste. « C’est vraiment quelque chose qui vient de moi. J’avais déjà été porte-drapeau pour les Jeux Européens, ça m’avait pris aux tripes de donner cet élan à la délégation, d’être supportrice de tous ces sportifs. A Rio, j’étais allée à la cérémonie d’ouverture contre l’avis de mes entraîneurs et ça a été un moment magique. Si je peux faire celle de Tokyo avec le drapeau, j’espère que je pourrai transmettre aux gens cette lueur dans les yeux que j’ai eue à Rio. »

Et ne vous inquiétez pas pour son épreuve individuelle. La Française n’a toujours pas digéré sa défaite en finale au Brésil – « depuis je me suis fait pardonner avec quatre titres de championne du monde » – et compte sur l’équipe de France pour « l’emmener conquérir la seule médaille qui manque à son palmarès ». C’est peut-être la seule note de prudence qu’on peut ajouter de notre côté. La vice-championne olympique évoque toujours Rio comme « un moment difficile » cinq ans après, alors que 90 % des athlètes tricolores engagés aux Jeux ne verront pas la couleur d’une médaille. Il faudra donc être capable de remonter le moral des copains et des copines même en cas de mauvaise surprise sur le tatami.

Points forts : LA grande favorite de sa catégorie dans le pays qui a inventé le judo, l’équivalent de Riner chez les filles, et une immense volonté d’être choisie.

Points faibles : Elle est tellement sûre d’être championne olympique qu’un échec sur ce plan pourrait enclencher une dynamique négative dans le reste de la délégation.