Angleterre-France : Entre Fabien Galthié et Eddie Jones, qui joue le plus gros dans ce Crunch ?
RUGBY Entre contreperformances côté anglais et « Bubblegate » chez les Français, les sélectionneurs des deux équipes sont sous pression avant ce sommet du Tournoi des VI Nations
- L’Angleterre et la France se retrouvent ce samedi à Twickenham, dans des situations sportives très différentes.
- Le XV de la Rose a déjà perdu deux matchs dans ce Tournoi des VI Nations, alors que les Bleus peuvent viser le Grand Chelem.
- Pour des raisons très différentes, les sélectionneurs Eddie Jones et Fabien Galthié jouent gros lors de ce Crunch.
Il n’y a pas que dans le foot où tout va très vite. Prenez le rugby et les cas d’Eddie Jones et Fabien Galthié, qui se retrouveront face à face ce samedi à Twickenham. Début décembre, le sexagénaire australien était le sélectionneur d’un XV d’Angleterre pas toujours séduisant, mais vainqueur du Tournoi des VI Nations puis de la baroque Coupe d’Automne.
Le Lotois dirigeait quant à lui parfaitement sa « flèche du temps », à la tête d’une équipe de France en pleine renaissance après une décennie noire. Au talent de la génération Dupont se mariait une profondeur de banc inespérée, révélée à Twickenham en décembre dernier malgré une bataille perdue à la mort subite (22-19) avec les Ducat, Moefana ou encore Neti sur le terrain.
Trois mois plus tard, v’là-t-y pas que la populace réclame la guillotine pour les deux monarques, place de Grève ou devant le palais de Whitehall, c’est selon. Avant le Crunch, la Rose a simplement battu l’Italie (41-18) — le minimum syndical donc — mais a perdu contre l’Ecosse à domicile (6-11, une première depuis 38 ans) puis pris une rouste au pays de Galles (40-24). « Ce match contre la France, c’est celui que l’on attend vraiment » a expliqué Jones dans un communiqué plus que convenu de la fédération anglaise, publié jeudi avec le XV de départ.
La com selon Galthié
Le même jour, Galthié se présentait en visioconférence de presse, flanqué du manager Raphaël Ibañez, pour annoncer ses titulaires et ses « finisseurs », selon le jargon en vigueur depuis sa prise de fonctions. Mais plus que du choix de Jalibert au détriment de Ntamack à l’ouverture, ou de la possibilité de gravir une marche supplémentaire vers le premier Grand Chelem depuis 2010, il a été question du rôle du sélectionneur dans le « Bubblegate ». Cette histoire de bulle sanitaire crevée a fait tomber le rugby français de son petit nuage, avec au passage 17 cas positifs au Covid-19 et le report du match face à l’Ecosse.
D’une voix monocorde, le patron tricolore, qui ne s’était pas encore publiquement exprimé sur le sujet, a renvoyé ses interlocuteurs vers le rapport interne qui le disculpe, malgré ses sorties avérées et pas vraiment secrètes loin de Marcoussis. Trois fois, Galthié, guéri après avoir contracté la maladie, a sorti la même réplique : « Le protocole nous protège bien mais le risque zéro n’existe pas. »
Mike Brown, pourfendeur d’Eddie Jones
À chaque question un peu personnelle, il a préféré le « nous » au « je ». « Absolument tous nos agissements l’ont été dans le respect du protocole. » Le message du binôme Galthié-Ibañez est clair : oubliez la polémique, sortez vos drapeaux bleu blanc rouge et supportez-nous quoi qu’il en coûte face à la perfide Albion.
Jones, lui, a absolument besoin d’un succès sur l’ennemi héréditaire pour repousser, au moins un temps, les critiques qui portent sur les tristes prestations de son équipe. Et rabattre le caquet de l’ancien arrière international Mike Brown, toujours en activité du côté des Harlequins, mais aussi chroniqueur dans le Daily Mail :
« Je n’en peux plus de ce jeu au pied de pression incessant et je suis sûr que les téléspectateurs n’en peuvent plus non plus », avait lâché après la douche écossaise le chouchou de Christian Jeanpierre, fâché avec Jones depuis sa non-convocation pour la Coupe du monde 2019 au Japon.
Trop stéréotypé, pas assez créatif, les reproches de Brown et d’autres suiveurs britanniques concernent le jeu, mais aussi la personnalité de l’autoritaire sélectionneur. L’arrière au crâne rasé de près appelle même ses anciens coéquipiers « à avoir le courage de le défier ». Pas sûr que les joueurs des Saracens (Farrell, George, Itoje, les frères Vunipola…) aient trop l’envie ni même la légitimité de le faire actuellement, tant leur manque de compétition, alors que leur club a été rétrogradé en deuxième division et commence à peine sa saison, se fait cruellement sentir.
Chez les Bleus, officiellement, tout roule
Le « leadership » d’Eddie Jones, tant vanté avec le Japon puis avec l’Angleterre finaliste du Mondial 2019, passe donc pour de l’autoritarisme lorsque les résultats ne sont plus au rendez-vous. Mardi, devant la presse (ou plutôt devant les écrans des journalistes), Jones avait toutefois bien voulu concéder que sa formation « traversait une période de transition » à l’issue de laquelle « 70 % de cette équipe [irait] jusqu’à la Coupe du monde, mais cela dépendra de l'envie des joueurs, de leur forme, de leur condition physique ». Cela fait quand même près d’un tiers de sélectionnés actuels sur le carreau, et de futures frustrations à gérer.
Rien de tout cela côté Bleu, juré, craché. Le groupe s’est retrouvé dimanche soir après neuf jours loin du CNR contaminé. On y a causé un peu rapport interne et protocole sanitaire, puis la semaine s’est déroulée « dans la bonne humeur », selon tous les joueurs appelés à en témoigner à distance, mardi puis mercredi. Le numéro 8 Grégory Alldritt a qualifié de « rumeurs » les bruits sur un agacement du groupe vis-à-vis de certaines libertés prises par Galthié. Pas sûr toutefois que la nouvelle doctrine gouvernementale ceinture et bretelles résiste à une première victoire à Twickenham depuis 2007.