Ryder Cup: Pourquoi l’Europe gagne à chaque fois à la maison (Et Paris ne fera pas exception)
GOLF Les Etats-Unis n’ont pas réussi à remporter la compétition à l’extérieur depuis 1993…
Un petit truc infaillible à sortir en soirée quand on vous demande de citer une seule raison qui vous rend fier d’être européen (pas de notre faute si vous en arrivez là, fallait mieux choisir où passer votre samedi soir, mais c’est un autre débat).
ET BIEN FIGUREZ-VOUS QUE CA FAIT 25 PIGES QUE LES RICAINS ONT PAS GAGNE LA RYDER CUP CHEZ NOUS !!!!! ET PAM. ALORS ILS REPONDENT QUOI LES EUROSCEPTIQUES LA ??? ON VOUS ENTEND PLUS
En vrai, on n’a jamais pensé à ça au moment crucial, et c’est un argument qui menace de partir en fumée tous les deux ans. Depuis 1993, l’armada américaine, presque toujours composée des meilleurs joueurs du monde sur le papier, n’arrive plus à gagner loin de chez elle, et il ne faudrait pas que la série s’arrête en France ce week-end. C’est une question d’orgueil national, déjà qu’on n’a pas été fichus de trouver un représentant tricolore pour faire la maille dans l’équipe européenne. Un peu comme en tennis, où on peut choisir la terre battue pour embêter son adversaire en finale de Coupe Davis (et paumer lamentablement à chaque fois ou presque, mais là encore, ne digressons pas), organiser la Ryder Cup permet de prendre ses aises avec le parcours.
Ainsi, ce bon Thomas Bjorn, capitaine de la « Team Europe » a pu faire passer quelques consignes en douce aux jardiniers du Golf National de Saint-Quentin en Yvelines pour favoriser ses hommes selon deux principes simples
- Les joueurs américains sont des gros bourrins qui envoient la balle à 3 kilomètres mais qui en mettent partout
- Les joueurs européens passent moins de temps à la muscu et sont moins puissants mais se révèlent plus précis à la tombée de la balle.
Explications de Grégory Havret, joueur tricolore membre du staff européen:
« Ce n'est pas un parcours moderne, avec des fairways très larges qui correspondent au jeu des grands frappeurs d'aujourd'hui. C'est un parcours qui peut se gagner sans utiliser le driver une seule fois [le club qui permet d’envoyer la balle le plus loin, seulement utilisé au départ]. Olazabal l'a fait il y a quelques années. Evidemment, les Américains vont compenser pendant les parties d'entraînement, mais c'est un vrai parcours qui demande de la réflexion et de la stratégie ».
Sous-entendu, les bombardiers yankees qui flinguent à 300 mètres vont se retrouver bien emmerdés sur un parcours tout minus cerclé d’eau de part en part. Et on ne vous cause pas des roughs incroyables sur les bords de chaque trou [partie où l’herbe est la plus haute], où personne n’a passé la tondeuse depuis que papy et mamie sont partis en maison de retraite.
Surtout que les golfeurs américains découvrent souvent le parcours d’une Ryder Cup pour la première fois quand ils jouent à l’extérieur. Prenez Phil Mickelson, recordman cette semaine du nombre de participations en Ryder Cup (12). Jamais venu à Paris. Tiger Woods ? Venu une seule fois disputer les championnats du monde amateur…en 1994. Thomas Levet, retenu pour disputer la compétition en 2004, en rigolerait presque :
«Si on veut piéger la Ryder pour les Américains, on va leur faire que des steaks saignants, que des escargots et des huîtres à manger pendant cinq jours, et là les Américains ils vont se dire "Putain on n’est pas chez nous on veut rentrer à la maison". C’est un sentiment diffus, mais d’un coup, leur jeu n'est plus là. Ca leur arrive de temps en temps ».
On touche ici à l’origine du mal. Les Américains n’ont pas besoin de mettre un pied en dehors de chez eux pour gagner leur croûte, un peu comme si toute la saison de tennis se disputait entre Los Angeles et New York (à l'exception du British Open, seul majeur en Europe), alors que de leur côté, les meilleurs européens noueraient des liens plus naturellement entre eux puisqu’ils voyagent souvent ensemble sur le circuit... américain. Une fraternité presque impalpable qui ferait la petite différence supplémentaire en Ryder Cup. « Les Américains n'ont pas toujours abordé cette compétition dans le bon état d'esprit ces dernières années, confirme Grégory Havret. Ils on rarement réussi a créer une osmose collective comme les joueurs européens, peut-être parce qu'ils pensaient être meilleurs intrinsèquement et que ça suffirait ».
Les Américains ne connaissent par le Golf National
Cela conduit à chaque fois à des petits psychodrames familiaux et des polémiques à n’en plus finir côté américain. Au point que les joueurs prennent des précautions de diplomates suisses au moment d’évoquer cette malédiction européenne. «J’essaie d’en parler ouvertement, tente Mickelson, mais les gens ont l’impression à chaque fois que j’essaie de désigner des coupables. Je ne vais rien dire de ce genre. Pour résumer, ce qui compte, c’est la préparation. Plus il y a de questions qui ont déjà trouvé une réponse en amont, plus vous avez du temps pour préparer vos matchs la semaine de Ryder Cup. Tout le monde joue un trôle essentiel. Les vice-capitaines, les caddies, les épouses…On a une équipe de qualité, toutes les chances de réussir, mais il faut jouer notre meilleur golf au meilleur moment ».
Encore une spécificité européenne que le monde nous envie. Des gars comme Sergio Garcia ou Ian Poulter ne sont les pas joueurs les plus réguliers du circuit, mais ils parviennent plus facilement à atteindre cet état transcendantal les week-ends de Ryder Cup. La fameuse sainte-trouille de se faire ouvrir en deux par les Blacks du golf ? Plutôt une préparation minutieuse en amont. On se souvient de Paul Mc Ginley, capitaine de l’Europe en 2014, qui avait pris sur lui d’aller voir Victor Dubuisson pendant trois jours chez lui à Cannes dans la saison pour apprendre à mieux le connaître et construire les bases d’un bon management lors de la compétition.
La fin d'une exception?
Voilà pour la vue d’ensemble un peu sépia. La réalité du moment, à Paris, décrit une équipe américaine complice et presque injouable, en plus d'être renforcée par l’aura mystique d’un revenant, Tiger Woods, vainqueur dimanche dernier de son premier tournoi depuis cinq longues années. « L’ogre américain est énorme, reconnaît Thomas Levet. Ca ressemble à ce qu’on a affronté à Lille en tennis avec l’équipe de France. Federer et Wawrinka, 1er et 3e mondial ». Un autre mec blessé au dos qui ressort de nulle part pour venir nous pourrir l’ambiance ? On a déjà donné, merci.