Coupe du monde 2018: Comment le Portugal est devenu sexy sans prévenir

FOOTBALL Le Champion d’Europe en titre a su intégrer des talents offensifs qui rendent l’équipe encore plus compétitive en Russie…

J.L. avec W.P.
— 
Bernardo Silva est l'une des nouvelles armes du Portugal.
Bernardo Silva est l'une des nouvelles armes du Portugal. — Francisco Seco/AP/SIPA

De notre envoyé spécial à Moscou,

D’après ce qu’on lit partout, il semblerait que le Portugal soit champion d’Europe. Il paraît même que le Ballon d’Or joue là-bas, ce qui ne saute pas les yeux dans les rues de Moscou, où personne n’a saturé l’espace visuel de photos des abdos de CR7 célébrant un de ses 638 sponsors. Le seul qui a droit à un peu de lumière ? Toujours cet irréductible petit argentin, associé à une marque de téléphone locale qui ressemble vaguement à Vodafone, même si Messi n’a pas pris la peine de descendre d’un bus pour consoler un enfant  en larmes d’avoir raté son idole. Rarement vu un champion d’Europe passer aussi inaperçu la veille de ses débuts en Coupe du monde.

Une confidence quand même : certains confrères portugais se sont tombés dans les bras quand ils ont vu le sketch monté par la fédération espagnole en mondovision à deux jours du match contre le grand frère à Sotchi. Agaçant grand frère, qui fait sa crise d’adolescence au pire moment, alors que le cadet faisait lui aussi l’intéressant : quatre joueurs du groupe des 23 (Rui Patricio, William Carvalho, Gelson Martins et Bruno Fernandez) ont rompu leur contrat avec le Sporting Portugal pour se tirer de ce guêpier au plus vite. Evidemment du pipi de chat à côté du Knysna espagnol.

Une équipe plus offensive qu’à l’Euro ?

Parlons un peu de sport, quand même. On s’était quittés fâchés avec la Seleçao pour une sombre histoire de frappe de loin trop loin de Lloris, justement, et ses supporters français ne nous ont toujours pas pardonné un titre un peu grossier sur la flamboyance toute relative du jeu offert par les hommes de Fernando Santos pendant leur séjour victorieux en France (par contre on a vraiment kiffé la chanson, merci). Ça va faire deux ans, et si l’architecte du bloc-équipe-bien-en-place-mais-chiant-à-regarder est toujours là, figurez-vous que le Portugal a changé. En bien.

>> Leonel Pontes, ancien adjoint du Portugal et commentateur sur Sport tv

« A l’Euro, c’était une équipe seulement défensive, elle ne dominait pas les matchs. Elle gagnait grâce à son organisation et l’esprit de solidarité des joueurs qui composaient le collectif. Maintenant il y a plus de technique, de versatilité tactiquement parlant. Le sélectionneur a maintenant la possibilité de varier les schémas tactiques parce qu’ils disposent de joueurs avec des caractéristiques différentes. Cette sélection est très complète dans tous les secteurs, il y a des joueurs de top avec une qualité technique au-dessus de la moyenne ».

Diable. Autant de compliments, on n’était pas prêts. Un coup d’œil au onze titulaire de Santos à deux ans d’intervalle montre pourtant une certaine continuité.



 



Il faut regarder au-delà des apparences, nous intime ce bon Leonel. Lequel nous indique gentiment où regarder. Plus du côté de Nani, définitivement cramé pour le foot, plus trop non plus du côté de Quaresma et de ses extérieurs délicieux, mais plutôt du côté d’un trio tout nouveau. Bernardo Silva, Gonçalo Guedes et Bruno Fernandes.

Guedes et Bernardo Silva, les deux hommes qui peuvent tout changer

S’il n’a pas joué beaucoup de matchs importants avec City cette saison, Bernardo a pris une autre dimension lors de sa dernière année monégasque. Il fait désormais partie des meilleurs milieux créatifs d’Europe. Brillant avec Valence, Guedes apporte lui ses qualités de vitesse dans la profondeur, tandis que Bruno Fernandes se révèle comme le Corentin Tolisso portugais, à la fois récupérateur, passeur et danger offensif constant. Pontel : « Ces trois-là sont les "nouveaux" qui peuvent apporter de l’incertitude aux adversaires. On peut aussi ajouter Gélson Martins qui apporte de la vitesse et une très grande efficacité sur les situations de un contre un. Ce qui est intéressant, c’est que malgré leur jeunesse, ils sont habitués aux grands rendez-vous et ont déjà beaucoup d’années de football dans des clubs de très haut niveau ».


Tout ça en deviendrait presque un peu trop excitant. Vincent Sasso, défenseur à Belenenses et grand habité de la Liga Nos, confirme la bonne impression générale au pays :

« Il y a beaucoup de qualité. C’est une équipe capable de jouer un joli football. C’est un peu paradoxal par rapport à 2016 où c’était plus pragmatique. J’ai hâte de voir ce que ça va donner. J’en parlais avec des potes qui n’y croient pas forcément encore récemment. Ils sont un peu en dessous des gros favoris mais cette position d’outsider leur convient bien. C’est une équipe imprévisible, tu sais jamais à quoi t’attendre. Et puis ils ont Ronaldo. C’est comme Messi avec l’Argentine, c’est un gars capable de faire la différence tout seul sur un ou deux matchs. »

Le « tu ne sais jamais à quoi t’attendre est important ». Le Portugal a la fâcheuse manie de surprendre quand on ne l’attend pas (rarement) et de décevoir quand il est espéré (souvent). Entre la demi-finale de l’Euro 2012 et la victoire en 2016 ? Une élimination piteuse au Brésil consommée en une demi-heure contre l’Allemagne en ouverture. C’était déjà le premier choc de la compétition, et il avait conditionné tout le reste. La déconfiture de la Seleçao et le titre de la Mannschaft. Il y a des chances que la dynamique soit inversée pour cette fois.