INTERVIEWLe PS veut « bousculer le gouvernement » lors de sa niche à l’Assemblée

« Nous bousculons le gouvernement », assure le socialiste Boris Vallaud avant sa niche parlementaire

INTERVIEWLe président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale veut « ramener des victoires aux Français » à l’occasion de sa journée de niche parlementaire, ce jeudi
Le député des Landes (PS), Boris Vallaud, président du groupe socialiste, lors d'une interview dans son bureau à l'Assemblée nationale, à Paris, le 27 février 2024.
Le député des Landes (PS), Boris Vallaud, président du groupe socialiste, lors d'une interview dans son bureau à l'Assemblée nationale, à Paris, le 27 février 2024. - Olivier Juszczak / 20 Minutes / 20 Minutes
Rachel Garrat-Valcarcel

Propos recueillis par Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Le Parti socialiste tient ce jeudi sa « niche » parlementaire, journée entière pendant laquelle son groupe à l’Assemblée nationale a la main sur l’ordre du jour.
  • Boris Vallaud, le président du groupe socialiste, assure à 20 Minutes que les socialistes veulent faire voter des textes « utiles à la vie quotidienne » des Françaises et Français.
  • Plusieurs textes pourraient effectivement être adoptés, dont un définitivement, une rareté pour un groupe d’opposition.

Ce jeudi, ce sont les socialistes qui tiennent l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, via leur journée annuelle de « niche » parlementaire. Leur président, Boris Vallaud, a voulu établir un programme pour « faciliter la vie des gens ». Il présente ses propositions dans 20 Minutes, sachant que plusieurs d’entre elles ont de bonnes chances d’être votées par les députées et députés.

Quelle est la philosophie globale de votre niche parlementaire ?

Notre ligne, c’est de ramener des victoires aux Français, d’obtenir des avancées utiles à leur quotidien. On a choisi des textes courts et susceptibles d’être adoptés, parfois avec la majorité, parfois contre elle. Nous proposons par exemple de lutter contre les pénuries de médicaments, un sujet quotidien d’inquiétude croissant. Nous proposons aussi d’encadrer les frais bancaires dans le cadre des successions, avec Christine Pirès-Beaune. Certaines sont confrontées à des frais bancaires totalement déraisonnables.

La vie quotidienne, c’est aussi quand nous proposons avec Mélanie Thomin que les retraités touchent leur pension dès le premier jour, là où ils sont parfois obligés d’attendre et de liquider leur épargne ou de casser leur assurance-vie.

Nous allons également faire adopter à titre définitif, grâce à Claudia Rouaux, une proposition de loi visant à protéger les mineurs des violences sexuelles dans le sport. Une mesure qui rassurera les familles alors que l’on sait les dégâts dont malheureusement certaines fédérations ont été accusées. Je peux continuer ainsi sur les autres propositions : les tarifs réglementés de l’électricité, le scandale du chlordécone, les tarifs des transports durant les JO, la garantie universelle des loyers, la facilitation du bénévolat ou encore la lutte contre la précarité alimentaire… On veut faciliter la vie des gens.

Vous avez bon espoir de faire voter au moins les cinq premières propositions. Mais ne sont-elles pas plus symboliques qu’autre chose, ou pas très engageantes parce qu’il y a peu de chances qu’elles soient définitivement adoptées ?

Je vais vous démentir tout de suite, par exemple avec notre proposition qui vise à réduire les factures d’électricité et à lutter contre le démembrement d’EDF : c’est parce qu’on a battu le gouvernement par deux fois avec Philippe Brun, et qu’on peut à nouveau la faire adopter demain contre son avis, qu’il est enfin prêt à négocier avec nous. Ce sera la première loi examinée ce jeudi et les discussions avancent. C’est une victoire pour les Français, car rétablir le tarif réglementé pour les PME de moins de 10 salariés qui n’en bénéficient pas, c’est les protéger, et même les sauver en cas de nouvelle explosion des tarifs. Souvenez-vous de nos boulangers aux abois. Aujourd’hui, ça va concerner aussi nos agriculteurs.

Nous sommes, à travers nos propositions de loi, les témoins des difficultés du terrain que le gouvernement ne voit pas. Et, d’une certaine manière, leur porte-parole. Sur ce sujet, comme sur les pénuries de médicaments avec Valérie Rabault, nous bousculons le gouvernement et nous le faisons bouger parfois. Ça ne solde pas le sujet mais ça fait avancer des causes.

Vous êtes en train de discuter avec le gouvernement sur le texte sur l’énergie, il pourrait in extremis le soutenir. N’est-ce pas la preuve que le texte a été largement édulcoré ?

Je ne crois pas. La question du tarif réglementé [évoqué plus haut], par exemple, n’était pas dans notre texte initial, c’est un amendement adopté pendant le débat parlementaire. Si le gouvernement se rallie à notre proposition, tant mieux, et c’est parce que la réalité l’a rattrapé. La crise agricole est passée par là avec la question criante du revenu. Le coût de l’énergie n’est pas un petit sujet pour les agriculteurs. L’électricité représente 30 % de la facture énergétique des exploitations, 71 % pour les éleveurs porcins !

Le député des Landes (PS), Boris Vallaud, président du groupe socialiste, lors d'une interview dans son bureau à l'Assemblée nationale, à Paris, le 27 février 2024.
Le député des Landes (PS), Boris Vallaud, président du groupe socialiste, lors d'une interview dans son bureau à l'Assemblée nationale, à Paris, le 27 février 2024. - Olivier Juszczak / 20 Minutes

Vous proposez une reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans le scandale de la chlordécone aux Antilles. Mais la proposition ne prévoit que des objectifs vagues de dépollution et d’indemnisation…

Ce qui n’engage à rien, c’est de ne rien faire. On n’a pas fixé ligne à ligne le montant de l’indemnisation, mais ce vote fera avancer la cause de l’indemnisation grâce à Élie Califer.

Et ce combat, c’est aussi un droit de suite. Serge Letchimy, ancien député de notre groupe, aujourd’hui président de la région Martinique, a fait une commission d’enquête lors de la précédente législature dans laquelle il établit assez clairement des responsabilités. Le fait qu’aujourd’hui, il y ait une proposition de loi qui le reconnaisse, c’est un grand progrès. Est-ce que ça épuise le sujet ? Certainement pas. Mais nous refusons qu’une question aussi importante pour les territoires d’Outre-mer soit enterrée.

Sur le logement, vous proposez le retour de la garantie universelle des loyers. Est-ce le sujet de la crise actuelle ? S’il y a peu de biens sur le marché privé, c’est parce qu’il y a la concurrence des locations de courte durée, de type Airbnb, un refus ou l’impossibilité de faire les travaux nécessaires pour que les biens soient toujours louables…

Sur Airbnb, vous avez raison, et c’est le député socialiste Iñaki Echaniz qui mène cette bataille essentielle de régulation. La garantie universelle des loyers n’est donc pas le seul sujet, mais il est bien réel alors que le logement est en panne et qu’on n’a jamais construit aussi peu de logements sociaux. Résultat : les personnes se tournent vers le marché privé.

Or, la garantie universelle des loyers, portée par Stéphane Delautrette, permet de répondre d’un côté aux propriétaires qui s’inquiètent de ne pas voir leurs loyers payés, et de l’autre aux locataires auxquelles des garanties inaccessibles sont demandées. Et puis, si ça ne passe pas, au moins on a mis ce débat sur la table.

Vous avez dit que la philosophie de votre niche était d’être utile aux Français, à la vie quotidienne. Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI, avait eu la même formule dans les colonnes de 20 Minutes pour parler de sa propre niche parlementaire en novembre. La coordination de la Nupes a-t-elle repris sans nous prévenir ?

Que la gauche, à l’unisson, cherche à être utile aux Françaises et aux Français, ça me paraît naturel. Et je ne crois pas qu’on ait besoin de se coordonner pour dire ça et de tout faire pour le mettre en œuvre.

L’union de la gauche, dans le périmètre de l’ex-Nupes, reste-t-elle pour vous un objectif ?

Oui. L’union de la gauche la plus large qui soit : l’union de la gauche partisane, de la gauche dans la société, à travers toutes les mobilisations sociales, les acteurs de la société civile, les intellectuels et les organisations syndicales, les ONG, le mouvement d’éducation populaire, le mouvement mutualiste… Que toutes ces Françaises et tous ces Français qui se sentent de gauche, ont une forme de révolte au cœur et croient encore à la possibilité du progrès se mobilisent.

On a été à un moment donné devant le constat que nous n’étions pas en train de construire une alternative. Est-ce que ça veut dire qu’on renonce à la construire ? Non, il faudra s’y mettre.

Le député des Landes (PS), Boris Vallaud, président du groupe socialiste, lors d'une interview dans son bureau à l'Assemblée nationale, à Paris, le 27 février 2024.
Le député des Landes (PS), Boris Vallaud, président du groupe socialiste, lors d'une interview dans son bureau à l'Assemblée nationale, à Paris, le 27 février 2024. - Olivier Juszczak / 20 Minutes

La campagne des européennes commence doucement à gauche avec une controverse au sujet de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Y êtes-vous favorable ?

Je le suis. Est-ce que ça veut dire qu’on le fait dans n’importe quelles conditions ? Évidemment que non. Est-ce que nous considérons que la guerre en Ukraine est une guerre en Europe et contre l’Europe ? Oui. Est-ce que l’Ukraine a sa place, parce qu’elle est européenne, dans l’Union européenne ? Je le crois aussi.

Mais il faudra régler un certain nombre de questions sur la loyauté de la concurrence, l’harmonisation des règles en matière de traitement phytosanitaire de l’agriculture autant que sur les libertés individuelles, les normes sociales ou environnementales.

Le président de la République a laissé entendre lundi soir que, à un horizon non précisé, il pourrait y avoir des troupes, des soldats européens en Ukraine. S’est-il trop avancé ?

J’ai trouvé qu’il y avait une improvisation assez stupéfiante dans cette sortie, qui a surpris jusqu’à nos alliés. Nous avons demandé un débat au Parlement sur la question de l’aide à l’Ukraine, il aura lieu, c’est nécessaire. Nous demandons depuis des mois que la France tienne son rang en matière de livraisons d’armes et de munitions, qui sont demandées par l’Ukraine. Pour que la question de l’engagement de forces d’autres pays ne se pose jamais, il faut que l’on donne aux forces ukrainiennes les moyens de leur défense et de la reconquête de leur souveraineté dans les frontières de 1994.

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