Le hashtag, l’obscure touche du téléphone entrée dans le langage courant

ANNIVERSAIRE Dix ans après sa popularisation sur Twitter, le hashtag - c’est-à-dire le sigle # suivi d’un mot ou d’une expression - est entré dans le langage courant…

C.Po.
— 
Le hashtag, un nouveau mot à la mode.
Le hashtag, un nouveau mot à la mode. — Flickr/Quinn Dombrowski
  • Le hashtag, qui sert à réunir des internautes autour d’un même sujet de conversation, fête ses dix ans.
  • Il a été popularisé sur Twitter grâce à un ingénieur américain.
  • Il est peu à peu entré dans le langage oral.

C’est l’histoire d’un sigle qui n’était probablement pas voué à un destin si médiatique. Pendant longtemps, le caractère dièse « # » est resté associé à une touche sur le téléphone dont on ne savait pas vraiment à quoi elle servait. Jusqu’au 23 août 2007. Chris Messina, un ingénieur informatique américain, propose sur Twitter d’y accoler un mot ou une expression. Objectif : permettre des groupes de discussions entre utilisateurs du réseau social sur un sujet de discussion donné. Le hashtag est né et sa popularité n’a cessé de croître, si bien que, dix ans plus tard, il s’en publie 125 millions chaque jour.

« Le hashtag est né sur Twitter mais il s’est rapidement étendu à tous les réseaux sociaux », précise Anthony Babkine, responsable des médias sociaux chez TBWA Corporate. Les posts Twitter, Instagram et même le réseau social professionnel LinkedIn en regorgent. Peu à peu, le mot-dièse (le terme choisi par l’Académie Française et qui doit plus ou moins n’être utilisé que par ses membres) a envahi les médias. On ne compte plus les articles sur tel ou tel hashtag qui a fait le « buzz ». Sur le site et la chaîne d’information Franceinfo, le hashtag est même devenu un moyen de rubriquer l’information.

« C’est un moyen d’appuyer un mot, un état d’esprit »

Le « hashtag » a même envahi le langage oral. Untel raconte une anecdote gênante et termine son histoire par « hashtag malaise ». Un autre narre une journée ennuyeuse et la ponctue de « hashtag JPP » (JPP = j’en peux plus)… « Comme sur les réseaux sociaux, c’est un moyen d’appuyer un mot, un état d’esprit », explique Anthony Babkine. La linguiste et sémiologue Marie Treps, auteur de Maudits mots, abonde. « C’est un raccourci pour dire ce que l’on ressent. On entre instantanément dans une rubrique. C’est à l’image d’Internet, tout doit aller vite ».

Avant le hashtag, d’autres termes propres à Internet sont entrés dans le langage courant. Depuis Facebook, on « like » à tout bout de champ. On mime même le pouce en l’air, symbole du réseau social, pour dire qu’on est d’accord. Les acronymes MDR (mort de rire) ou PTDR (pété de rire), leur équivalent anglais LOL sont des réminiscences du langage MSN des années 2000. « Il y a un effet de mode dans l’utilisation de ces termes, le langage évolue avec l’air du temps, c’est une sorte d’éponge de notre époque », précise la sémiologue.

Impossible d’évaluer l’ampleur du phénomène mais selon Anthony Babkine, les utilisateurs de cette expression ne sont pas aussi jeunes que l’on imagine. « On a souvent tendance à penser que le websocial est une affaire d’ados mais sur Facebook la moyenne d’âge est d’environ 40 ans. » En clair : puisque le hashtag n’est pas cantonné à un réseau social spécifique, il est à même d’être utilisé par tous, ou tout du moins d’être compris de tous. Preuve en est : le réseau social souvent associé aux adolescents ou jeunes adultes Snapchat n’utilisent pas ce système de hashtag. « Il y a une sorte de snobisme à utiliser le hashtag à l’oral. On montre ainsi qu’on est dans le camp de la modernité. On passe son temps sur Internet et on veut le faire savoir », précise la sémiologue.

Lol et MDR, « Hashtag Ringard »

Doit-on alors s’inquiéter de cette porosité entre le langage internet et la langue de Molière ? « Il y a toujours des nouveautés, des choses qui se répandent, assure Marie Treps. Cela ne pose pas de problèmes tant que cela ne devient pas un tic de langage, il faut avoir conscience des différents registres. C’est exactement la même problématique que le langage SMS. » Mais qu’on se rassure, l’utilisation du terme hashtag dans les conversations n’a probablement qu’une durée de vie limitée. « Pour les plus jeunes générations, les termes LOL ou MDR sont ringards. Ils viennent d’une époque et d’outils sociaux qu’ils n’ont pas connu », assure Anthony Babkine. Reste désormais à savoir quelle fonctionnalité, peut-être aujourd’hui à l’état embryonnaire, prendra une ampleur telle qu’il entrera dans le langage commun.