MUSIQUEPourquoi le festival Panoramas a choisi la voie de la décroissance

« Ne pas être dans la course au gigantisme »… Le festival Panoramas a choisi la voie de la décroissance

MUSIQUEPour des raisons environnementales, mais aussi financières, le festival qui se tient ce week-end à Morlaix a choisi de réduire la voilure en abaissant de moitié sa jauge
Pour sa 26e édition ce week-end à Morlaix, le festival Panoramas se tiendra dans un seul lieu et avec une jauge réduite.
Pour sa 26e édition ce week-end à Morlaix, le festival Panoramas se tiendra dans un seul lieu et avec une jauge réduite.  - David Boschet / Panoramas / 20 Minutes
Jérôme Gicquel

Jérôme Gicquel

L'essentiel

  • Parmi les festivals incontournables en Bretagne, Panoramas se tient ce week-end à Morlaix (Finistère).
  • Pour sa 26e édition, le festival, très branché électro, a choisi de réduire la voilure en changeant de lieu et en abaissant drastiquement sa jauge.
  • Un pari de la décroissance encouragé par David Irle, auteur d’un rapport intitulé « Décarbonons la culture » dans lequel il appelle les grands festivals à une remise en cause de leur modèle.

Calé au beau milieu d’avril, quand le soleil commence timidement à repointer son nez, le festival Panoramas lançait depuis vingt-cinq ans la longue saison des festivals en Bretagne. Cette année, les organisateurs ont opté pour la fin de saison avec une 26e édition qui se tient jusqu’à dimanche à Morlaix (Finistère). Un changement de date mais aussi de lieu avec tous les concerts qui seront regroupés dans une seule salle, la Manufacture des tabacs, « pour une fête encore plus belle et fédératrice », promettent les organisateurs.

Ce n’était à la base pas leur idée de départ puisque le festival devait également investir, comme à son habitude, le parc des expositions de Langolvas pour des afters endiablées. Mais les préventes se faisant poussives, l’équipe de Panoramas a décidé mardi de réunir tout le monde « à la Manu », en plein cœur du centre-ville. Un changement de dernière minute qui n’entame en rien l’enthousiasme des organisateurs. D’abord car la programmation reste inchangée avec tous les artistes prévus à Langolvas qui seront reprogrammés. Cela vient surtout matérialiser le changement de cap qu’ils souhaitaient insuffler pour cette édition 2023.

Le pari « d’un festival à taille humaine, plus petit mais plus beau »

A rebrousse-poil de la plupart des festivals, lancés dans une course effrénée au gigantisme, Panoramas a en effet décidé de réduire la voilure en baissant drastiquement sa jauge. « On a atteint 32.000 festivaliers en 2017 et on tournait autour des 25.000 l’an dernier, souligne Eddy Pierres, directeur de l’association Wart, qui organise le festival. Cette année, la jauge sera réduite de moitié. » Un choix de décroissance assumé par les organisateurs qui font le pari « d’un festival à taille humaine, plus petit mais plus beau. » « On aurait pu encore continuer à grossir pour avoir plus de moyens mais on ne voulait pas être dans cette course au gigantisme, explique Eddy Pierre. On ne voyait pas de sens à tout ça et on était surtout aux limites de ce qu’on souhaitait faire. »

Au sein de l’équipe de Panoramas, ce nouveau virage tient d’abord à des questions environnementales. « Un besoin impérieux de repenser un modèle plus en adéquation avec notre époque et nos valeurs », affirmait-elle en octobre. Pour réduire son empreinte carbone, le festival breton a donc choisi de voir plus petit mais a aussi opté pour une programmation plus locale. Moins de grosses têtes d’affiche et d’artistes étrangers en somme et donc moins de longs déplacements à devoir gérer « On ne dit pas qu’il n’y en aura plus mais il y en aura moins, prévient Eddy Pierre. On fouillera plus dans la scène émergente électro et hip-hop qui est déjà très riche. »

Le secteur culturel invité à se décarboner

Le changement de modèle et d’échelle décidé par les organisateurs de Panoramas relève aussi de considérations financières, le festival perdant de l’argent depuis 2018. Une fragilité financière qui n’est cependant pas propre à Panoramas. « Même les gros festivals n’arrivent plus à être rentables », souligne David Irle.

Consultant indépendant sur les questions d’énergie et du climat auprès du secteur culturel, ce dernier avait jeté un pavé dans la mare fin 2021 avec un rapport intitulé « Décarbonons la culture » dans lequel il appelait de ses vœux à une remise en cause globale. « Tous les indicateurs laissent penser que ce modèle des grands festivals est à bout de souffle, indique-t-il. D’un point de vue économique tout d’abord, avec des cachets d’artistes qui se sont envolés. » Une bulle spéculative dangereuse selon lui pour les festivals, de plus en plus fragilisés également par les aléas climatiques.

Face à tous ses enjeux, aussi bien économiques qu’environnementaux, la survie de beaucoup de festivals passe donc pour David Irle par la décroissance. « Cela sera plus simple pour les festivals de taille intermédiaire, prévient-il. Mais chaque festival va être amené à questionner son modèle. Et réduire la taille d’un festival ne doit surtout pas être perçu comme un échec ! »

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