JO de Paris 2024 : « Faire les Jeux à la maison, il n’y a pas plus beau clap de fin », pour le poloïste Mehdi Marzouki
Interview Qualifiée d’office pour les Jeux olympiques de Paris en 2024, l’équipe de France de water-polo, emmenée par Mehdi Marzouki espère faire quelque chose de grand
- Chaque jeudi, « 20 Minutes » reçoit un ou une athlète qui rêve de podium aux JO 2024 dans son émission Twitch LCTC. Cette semaine, il s’agit de Mehdi Marzouki.
- A 36 ans, le poloïste va disputer ses deuxièmes Jeux, après ceux de Rio en 2016, et espère décrocher une médaille à Paris.
- Après plusieurs années en dents de scie, le water-polo français revient avec beaucoup d’ambitions.
Ils sont focus sur la Coupe du monde. Avant le coup d’envoi du Mondial au Japon, mi-juillet, l’équipe de France de water-polo a commencé une longue période de stages. D’abord dans le sud de la France, à Canet-en-Roussillon, puis il y aura l’Insep, à Paris, avant de partir au Monténégro et en Serbie. Bien se préparer pour essayer, déjà, de marquer les esprits avant les Jeux à Paris, pour lesquels ils sont qualifiés d’office.
A 36 ans, Mehdi Marzouki affronte ces dernières batailles avec un maximum d’ambitions. Et le but, non caché, de décrocher une médaille, chez lui, en Seine-Saint-Denis, où il a grandi et joué. Détenteur du nombre de buts en une saison, avec 104 réalisations (répond à ça Kylian Mbappé), le Noiséen s’est confié, dans « Les Croisés tu connais », sur son parcours et ses prochains objectifs.
On parle de Kylian Mbappé, mais vous, le footballeur que vous avez adoré, c’est Ronaldo. Vous avez même le n° 9 sur votre bonnet en hommage au Fenomeno…
Quand j’étais petit, j’étais fan de Ronaldo, et c’est pour ça que j’ai décidé de prendre le n° 9, que j’ai toujours aujourd’hui. J’aimais sa technique, sa vitesse, ses buts… C’était l’époque du Brésil, du joga bonito. C’était le joueur qui m’inspirait. Quand je jouais au foot, j’essayais de faire comme lui, et quand je me suis lancé dans le water-polo, j’ai pris direct son numéro.
Alors, pourquoi le water-polo plutôt que le football ?
En fait, au foot, je jouais avec mes potes, mais pas en club. Moi, j’ai fait du judo, mais je n’étais pas vraiment bon. On habitait à 300 mètres de la piscine de Noisy-le-Sec et ma mère nous avait inscrits à la natation. J’en ai fait un an, mais je trouvais ça un peu ennuyant. Après, le coach m’a dit de venir découvrir le water-polo, que pratiquait déjà mon frère.
J’ai essayé, ça m’a plu, et je n’ai pas arrêté depuis. La natation, c’était monotone, tu faisais des allers-retours. Là, on est sur un sport d’équipe, un sport de ballon, où il faut marquer des buts, c’est ce que j’aimais. Il me fallait un sport collectif avec de l’enjeu. Mais ce n’était pas commun. Quand je disais que je faisais du water-polo, les gens pensaient que je faisais une blague.
Le water-polo français a été le premier sport collectif français à avoir décroché un titre olympique à Paris en 1924. Mais, depuis 1992, il n’a été aux JO qu’à une seule reprise, en 2016 à Rio. Comment expliquez-vous que la France ait eu autant de trous d’air ?
Le water-polo français est fait de hauts et de bas. Avec l’éclatement de la Yougoslavie, en 1991, qui était le pays le plus fort dans la discipline, on a eu plusieurs pays, comme la Croatie, la Serbie, le Monténégro, donc il y avait moins de places pour les autres pays [qui étaient un peu en dessous]. Mais, petit à petit, on a commencé à rattraper notre retard, on s’est qualifiés pour les JO en 2016. On commence à vraiment être bien, et j’espère que ça va continuer après 2024. Au dernier Euro, on a fini sixième, ce qui correspond au top 6 mondial, même si on peut aussi rajouter les Etats-Unis.
L’objectif très ambitieux, c’est donc une médaille à Paris ?
Oui, c’est ambitieux, mais les Jeux sont à la maison, on a une belle équipe, avec des jeunes très performants, des rescapés de Rio 2016. On se doit d’avoir de grandes ambitions, ça sera devant nos familles, nos fans. On ne peut pas arriver et être juste contents d’être là, comme à Rio. Au Brésil, la qualification, c’était un peu déjà notre médaille. Là, à Paris, on a dit qu’il fallait qu’on fasse quelque chose de grand, et c’est à notre portée, on le sent. D’année en année, on progresse. Il n’y a pas de raisons de ne pas rêver.
Et ça serait aussi une belle fin pour vous…
Pour moi, en clap de fin, on ne peut pas faire mieux que faire les JO chez soi, devant sa famille et ses amis. Il n’y a pas plus beau, si ce n’est avoir une médaille autour du cou à la fin. Et c’est le truc qui me donne toute cette énergie, cette motivation à s’entraîner tous les jours.
Ce n’est pas facile comme quand j’avais 20 ans, on récupère beaucoup moins bien, on doit faire plus attention à son hygiène de vie, son sommeil, les blessures. S’il n’y a pas une extra-motivation à cet âge-là, tu peux vite tomber dans la machine à laver. Quand j’étais plus jeune, je mangeais un peu n’importe quoi, et je ne dormais pas assez. C’est maintenant que je suis le plus professionnel.
C’est quoi une journée type d’un poloïste ?
Le matin, on va s’entraîner deux heures à la piscine, en faisant de la natation, du cardio, de la technique avec des passes et des shoots. Le soir, on s’entraîne trois heures, dont une pour de la musculation. Après, on va dans l’eau, où on répète les gammes techniques, tactiques. C’est vraiment intense, surtout que c’est un sport avec énormément de contacts. Nous, ce n’est pas comme le basket, où quand on touche, il y a faute. Sous l’eau, il y a une grosse partie avec pas mal de coups, d’accroches, on s’attrape le maillot de bain. L’arbitre va arbitrer en fonction de ce qu’il voit, donc pas vu pas pris.
La faute d’antijeu type, c’est quand on part en contre-attaque après avoir récupéré la balle, si t’as ton adversaire près de toi, tu vas lui mettre un chassé pour lui faire mal, et prendre appui sur lui pour partir plus vite. Après, il y a la classique tentative de noyade. »
Les Mondiaux, ça va être un peu une répétition générale pour les JO pour vous, vu que vous êtes qualifiés d’office ?
On va se jauger par rapport aux autres équipes, c’est toujours bien de savoir où on se situe. On y va pour aller le plus loin possible, mais aussi pour montrer qu’on est là, qu’il va falloir compter sur nous pour Paris 2024. On doit envoyer un message aux adversaires, aux arbitres, au monde du water-polo.
Il y a un gros programme mis en place par Paris-2024 pour promouvoir la natation, notamment en Seine-Saint-Denis, qui est un département où les enfants savent très peu nager (46 % d’enfants avant le CM2 savent nager). C’est quelque chose aussi que vous souhaitez mettre en avant ?
Je pense que le 93, c’est le département avec le moins de piscines. On a déjà un manque d’infrastructures, et le problème commence là. Je me rappelle, quand j’allais au bassin avec mon école, on était 30 par classe, on y allait vingt minutes et on repartait. Aujourd’hui, c’est un peu la même chose, ils sont tellement qu’il n’y a pas le temps d’apprendre à nager. Or, apprendre à nager, c’est comme apprendre à marcher, c’est super important, car ça permet déjà de limiter le nombre de noyades. C’est quelque chose qu’il faut démocratiser. Mais, depuis que j’ai commencé le water-polo, je sens que ça change, avec une mixité dans les piscines, qu’il n’y avait pas avant.
Les JO à Paris, ça va aussi permettre aux enfants de mettre les enfants au sport, et j’espère que ça va être un start pour le sport en France, et notamment la natation. Quand Laure Manaudou a fait des résultats, il y a eu un pic incroyable d’inscriptions à la natation, parce que les petits la regardaient à la télé. A nous de montrer la voie au water-polo pour déclencher des passions chez les enfants. Moi, j’aurais aimé, quand j’ai commencé, avoir un modèle pour m’identifier. Maintenant, les petits de Noisy-le-Sec ou Tourcoing peuvent s’identifier à plusieurs d’entre nous.