Crise à la FFF : Noël Le Graët est parti, mais pas la poussière sous le tapis

football La démission du président de la 3F ce mardi a été suivie de commentaires peu rassurants de la part des dirigeants qui vont rester en place au sein du comité exécutif de l’instance

Nicolas Camus
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Noël Le Graët, ici en mars 2021, a démissionné de son poste de président de la Fédération Française de Football, le 28 février 2023.
Noël Le Graët, ici en mars 2021, a démissionné de son poste de président de la Fédération Française de Football, le 28 février 2023. — AFP
  • Comme attendu, Noël Le Graët a démissionné ce mardi matin de son poste de président de la Fédération française de football.
  • Dans leurs réactions face à la presse, les membres du comité exécutif de la FFF ont unanimement salué l’œuvre du dirigeant breton, ne mentionnant à aucun moment sa fin de règne indigne ni les nécessaires changements à apporter dans la gouvernance de l’instance.
  • La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera a quant à elle fait comprendre qu’elle sera attentive à ce que la Fédération prenne la mesure de la crise qui la secoue.

Ceux qui imaginaient le début d’une nouvelle ère à la tête de la Fédération française de football, ce mardi, peuvent aller se rhabiller. Certes, au terme de cette journée, Noël Le Graët n’en est officiellement plus le président, après 11 ans de règne et plusieurs mois d’obstination aveugle alors que les tristes révélations se succédaient les unes aux autres. Mais à voir comment se sont passées les choses, la FFF est certainement passée à côté d’une occasion en or de tout reprendre par le bon bout.

NLG est parti, donc, mais les hauts dirigeants de l’instance ont bien fait comprendre que c’était là une décision contrainte et forcée. Il n’y a qu’à lire le communiqué annonçant la nouvelle pour s’en rendre compte. Une première partie sur « le bilan sportif et économique remarquable » du dirigeant breton, une seconde sur l’audit chargé d’ausculter la gestion de la Fédération ayant abouti « à un dénigrement disproportionné de l’instance »… et puis plus rien. Rien sur les « prises de position publiques déplacées », « le comportement inapproprié vis-à-vis des femmes » ou « la consommation excessive d’alcool » du « Menhir », mis en lumière par l’enquête de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR).

Le bilan sportif de Le Graët ne se discute pas, en effet. Il a été un grand dirigeant du football français. Mais il eut été possible de ne pas tout mélanger, et de saluer le démissionnaire sans pour autant mettre de côté les faits reprochés et étayés par une multitude de témoignages. Au lieu de ça, les membres du Comex n’ont pas hésité à faire dans le pathos, comme si la chute de l’ex-président était totalement injustifiée. Ecoutez Eric Borghini, l’un des 14 membres du comité exécutif, à la sortie de la réunion :

« Le Comex s’est bien passé, la raison l’a emporté. Le président a comme prévu donné sa démission, il a été extrêmement émouvant et nous étions tous très tristes. C’est au moment non seulement historique, mais aussi émotionnellement très fort pour tout le monde. Nous avons remercié le président pour le bilan tout à fait exceptionnel et le grand dirigeant qu’il a été. »

« Une gouvernance ni démocratique ni transparente »

On ose à peine imaginer comment le Comex aurait géré les choses sans les pressions venues de l’extérieur, et notamment du ministère des Sports. D’ailleurs, aucun des membres n’a démissionné à titre individuel, ce qui aurait été, aussi, une manière d’assumer ses responsabilités, alors que l’audit a conclu que cet organe moteur de la 3F n’avait pas joué son rôle face aux dérives de son président.

Une situation pointée du doigt par l’ancien président de la Ligue Frédéric Thiriez, qui s’était présenté face à Le Graët lors des dernières élections fédérales en mars 2021. « Le départ d’un homme ne réglera pas tous les problèmes de la FFF, loin s’en faut, a-t-il estimé auprès de nos confrères de L’Equipe. Il est urgent que la fédération se remette en marche, (…) en changeant sa gouvernance qui n’est ni démocratique ni transparente. »

Le ministère des Sports attentif

La suite, justement, va s’apparenter à un grand jeu de pouvoir. Le président par intérim, Philippe Diallo, va poursuivre sa mission jusqu’au 10 juin, date de la prochaine assemblée fédérale. Cette dernière sera alors chargée de nommer quelqu’un aux commandes jusqu’à la prochaine élection, en 2024. Ce pourrait être Diallo lui-même, mais il ne sera sans doute pas le seul candidat. Le président de la Ligue de Paris-Île-de-France, Jamel Sandjak, a commencé à poser ses pions en fin de semaine dernière en démissionnant du Comex. Une manière de pouvoir jouer, à l’avenir, la carte du changement. « Je ne peux que faire le constat de notre impuissance à nous projeter vers les défis de demain », avait notamment justifié le dirigeant. Les noms de Jean-Michel Aulas, Marc Keller, voire Michel Platini, sont également évoqués pour la prochaine mandature.

Après s’être positionnée en faveur d’un départ de Noël Le Graët, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera a assuré ce mardi qu’elle se fiait aux hommes en place pour sortir de ce bourbier. « J’ai confiance dans l’avenir de la 3F, dans la qualité de ses équipes et dans la capacité de ses instances à tirer les leçons des derniers mois pour en sortir plus fortes, au service du football français, a-t-elle fait savoir via un communiqué. La Fédération va désormais pouvoir repartir de l’avant et tout mettre en œuvre, sous la présidence intérimaire de Philippe Diallo, pour sortir de la crise avec en ligne de mire de prochaines échéances démocratiques. »

Si elle ne pouvait aller plus loin, la ministre, on le comprend, restera attentive aux prochains signaux émis depuis le 87, boulevard de Grenelle. La FFF se doit de prendre la mesure de la crise qui la secoue. Quant à Noël Le Graët, il va pouvoir se concentrer sur sa mission de directeur du bureau parisien de la Fifa, où il avait déjà des responsabilités. « Il a été nommé en raison de ses compétences, son expertise et son expérience », a précisé Eric Borghini. Une sortie par le haut également saluée par Jean-Michel Aulas et Marc Keller, comme si de rien n’était. Apparemment, 81 ans n’est pas un âge où l’on envisage la retraite dans ce monde-là.