Portugal-France : Exercices sensoriels, prières, vaudou... Comment aider Benzema à planter son premier but à l'Euro ?

FOOTBALL Karim Benzema court toujours après son premier but en Bleu depuis son retour en grâce

Aymeric Le Gall
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Nooooooon , pas l'exter Karim !
Nooooooon , pas l'exter Karim ! — Alex Pantling/AP/SIPA
  • Un péno manqué et un poteau en match de prépa, un but hors jeu contre l’Allemagne, Karim Benzema est maudit face au but depuis son retour en équipe de France.
  • Si l’entourage du joueur affirme qu’il ne se prend pas la tête avec ça, on sent tout de même que Benzema aimerait vite scorer pour jouer plus libéré.

Connaissez-vous la théorie de la bouteille de ketchup ? Non ? C’est tout bête : on a toutes et tous un jour été confronté à ce problème en face de notre plat de pâtes – le plus souvent en lendemain de soirée –, quand le pot ketchup est à moitié vide et qu’on a beau taper sur le cul comme un sourd sans que rien ne sorte. Jusqu’au grand « splash » libérateur. C’est exactement là où en est Karim Benzema en équipe de France à quelques heures de France-Portugal, à attendre le premier but, celui de la libération, du déclic. « Dès qu’il va en mettre un, le robinet sera ouvert et ça va couler », assurait, dans un autre style, Antoine Griezmann l’autre jour en conférence de presse.

« Le contexte l’affecte forcément »

On a bien cru que le moment tant attendu était enfin arrivé face aux Hongrois, samedi, sur ce magnifique service en talonnade de Kylian Mbappé. Avouez que, vous aussi, vous vous êtes levé du canapé pensant que l’affaire était pliée. Mais ce ballon, que le KB9 du Real aurait expédié au fond d’un plat du pied sécurité, le KB(1)9 des Bleus l’a pris de l’extérieur et envoyé à côté. « Sur l’action, c’est un mauvais choix de surface du pied, peut-être qu’au fond de lui il cogite et que c’est pour ça qu’il ne le prend pas bien », songe son ancien coéquipier à Lyon Frédéric Piquionne.

Pour Dimitri Foulquier, le défenseur de Granada (32 matchs et quatre passes dé' en Liga cette saison) qui croise régulièrement la route de Benzema sur les terrains espagnols, on ne peut analyser ce raté en faisant fi du contexte particulier qui entoure l’ancien banni des Bleus : « C’est impossible qu’il soit aussi serein au moment de conclure avec équipe de France qu’avec le Real. Là-bas, il est capitaine, titulaire indiscutable, même s’il ne marque pas pendant dix matchs il continuera d’avoir la confiance du coach. En France, avec tout ce qu’on a dit depuis son retour, le contexte l’affecte forcément, il sait qu’il y a énormément d’attentes sur lui. »

Au bout du fil, Guy Roux ne dit pas autre chose. « Depuis qu’il est revenu, il est sujet à de fortes secousses puisqu’il est devenu l’objet central de toute l’attention médiatique et de l’opinion publique française. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus confortable pour être serein dans un jeu comme le football. Et même si on dit qu’il n’est pas crispé, même si tout le monde est gentil avec lui, on sent qu’il n’est pas le même qu’à Madrid. »

Deschamps lui accorde toute sa confiance

L’ancien taulier de l’AJA Auxerre fait référence à ce proche du Madrilène qui assurait chez nos confrères de L’Equipe que « Karim ne se prend pas la tête » par rapport à ça. Si Piquionne croit lui aussi que la confiance que Benzema a en lui est plus forte que la pression qu’il se met, il n’exclue pas que ça trotte forcément dans un coin de sa tête. « C’est évident, il doit sentir qu’il manque un truc pour définitivement lancer son Euro, analyse le consultant RMC pour l’Euro. Mais le principal c’est qu’il se crée des occasions. S’il ne s’en était pas procurée une seule, j’aurais eu tendance à dire que c’est chaud, mais ce n’est pas le cas. Il joue, il fait jouer, il a des occases, ça va finir par payer ».

« On dirait même qu’il joue de malchance, songe Guy Roux. Il trouve le poteau en amical, après il se blesse, ensuite il revient et marque un but contre l’Allemagne qui est annulé pour un hors-jeu qui n’est pas de son fait. » Sans oublier ce foutu péno raté face aux Gallois qu’on a vu arriver à quinze bornes et qui aurait pu tout débloquer. « On n’aurait jamais dû le lui donner, tranche l’ex-entraîneur auxerrois. Les joueurs font ce qu’ils veulent mais ils ont oublié la charge émotionnelle terrible dont il est l’objet sur ce penalty. Karim c’est un cœur pur et je ne peux pas croire que le contexte émotionnel n’a pas au moins un peu joué. »

Interrogé sur Téléfoot au lendemain du nul face à la Hongrie, Deschamps n’a pas cherché à esquiver, évoquant notamment « le poids sur lui qui est lourd malgré son expérience et son vécu ». Mais comme à l’époque de la grande disette de Benzema, avec ces fameuses 1222 minutes sans planter, le sélectionneur a tenu à lui réaffirmer qu’il gardait « toute [sa] confiance, c’est le plus important ». « Ce sont des mots forts, c’est ce que Karim a besoin d’entendre en ce moment, salue Piquionne. Mais c’est sûr que ça serait pas mal qu’il ne tarde pas trop à marquer. » Ça lui permettrait aussi de ne pas rattraper le record d’Andrès Iniesta et ses 34 tirs consécutifs sans marquer pendant un Euro (après ses deux tirs samedi, Benzema en est à 30).

Benzema reste sur 30 tirs consécutifs sans marquer durant un Euro.
Benzema reste sur 30 tirs consécutifs sans marquer durant un Euro. - Alex Pantling/AP/SIPA

Franck Sylvestre, le bout de bois et le but du tibia

Pour ne pas que ça se produise, on a demandé des petits tips à nos spécialistes. Le premier, simple, basique, à trait à la perception sensorielle du but et vous est offert par le coach au bonnet. « Quand j’avais des attaquants qui traversaient des périodes sans marquer, je leur faisais faire des petits exercices très simples à l’entraînement pour enchaîner les buts, confie Guy Roux. Je voulais qu’ils entendent le bruit du filet, qu’ils se reconnectent à lui. » « C’est ce que je dis aux jeunes que j’entraîne dans mes stages, rigole Piquionne. Ecoutez le bruit du filet, tchac ! Entendre ça, ça te remet direct en confiance ».

Et si ça ne marche pas, il restera toujours les sciences occultes ou le vaudou. Une technique qui a fait ses preuves à l’AJA avec Franck Sylvestre qui, malgré une détente de kangourou et un excellent jeu de tête, ne plantait jamais sur corner. Guy Roux : « Un jour j’ai reçu une lettre d’un Sénégalais, il avait glissé un petit bout de bois dedans. Il me dit " mettez ça dans ses protège-tibias et il va marquer ". La logique aurait voulu que je jette le bout de bois mais ça m’a trotté dans la tête, je rumine, et quand les joueurs reviennent de l’échauffement, je décide finalement d’en parler à Franck. Il accepte, le match commence, premier corner, Sylvestre monte comme d’habitude, il s’élève au-dessus des autres, le ballon retombe, tape dans son tibia et rentre dans les buts. » Il traîne toujours quelque part ce bout de bois, au fait ?