La Coupe du monde, vue par les joueurs de boule anglaise

SPORT A Port-Elizabeth, certains adeptes de ce sport pratiqué dans les pays du Commonwealth, découvrent le football depuis un mois...

Romain Scotto, à Port-Elizabeth
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Des joueurs de boule anglaise, au sein du club sélect de Port-Elizabeth, le 3 juillet 2010.
Des joueurs de boule anglaise, au sein du club sélect de Port-Elizabeth, le 3 juillet 2010. — R.S/20Minutes

De notre envoyé spécial à Port-Elizabeth (Afrique du sud),

Cela ressemble à un étrange croisement entre la pétanque et le curling.  Avec une pointe d'élégance en plus. «Ici, c'est l'endroit des gentlemen,  Monsieur.» L'accueil est toujours obséquieux, paraît-il, au Bowling  club de Port Elizabeth, l'un des onze clubs de boule anglaise de la  ville. Mais aussi le plus ancien du pays, créé en 1882. Au coeur de la cité côtière, l'endroit accueille tous les jours  quelques retraités, adeptes de ce jeu de boules sur herbe, également appelé «boulingrin» en français. «Un vrai  sport», nous précise-t-on, pratiqué dans tous les pays du Commonwealth.


Ici, le dress code ferait le bonheur d'Eddie Barclay. Interdiction formelle de  mettre un pied sur l'un des terrains gazonnés sans le pantalon et le  polo blancs qu'arborent tous les licenciés. Un petit Wimbledon,  dans une ville qui vit au rythme de la Coupe du monde depuis tout juste  un mois. «Vous savez, on préfère tous le rugby ici, mais on suit quand  même les matchs» explique, Julian Bornstein, un habitué des lieux.



Dans le club house, c'est la première fois que les discussions tournent  autour du ballon rond. Sur les tables, traîne Die Burger, le principal  quotidien afrikaner, dont la Une est consacrée à la victoire des Pays-Bas  la veille face au Brésil. «Bien sûr qu'on supporte cette équipe,  s'insurge Jan Coetzee, avec son verre de Black Label entre les mains.  Dans tous les sports, on suit les Pays-Bas. On suit souvent le hockey  sur gazon, mais le football, c'est aussi génial.» Avec une semaine de  retard, certains dissertent encore sur la nécessité d'introduire la  vidéo pendant les matchs. Apparemment, l'élimination de l'Angleterre a  fait très mal.


Dans le groupe, très peu sont pourtant capables de décrypter la règle du  hors jeu ou de citer quelques clubs européens, en dehors de ceux de la  Premier League. L'OM, le PSG? Des acronymes farfelus. Du football  français, les puristes du club de «P-E» n'ont retenu que les insultes de  Nicolas Anelka. «C'est vraiment incroyable de parler comme ça à son  coach, s'étonne Piter Wildman, un autre adepte de la boule sur gazon. En  plus, son capitaine l'a défendu. C'est encore plus étonnant.» Cela  n'aurait-il pu arriver dans une équipe de rugby? «Non, balaye Julian  Bornstein. Dans le rugby, il y a plus de respect et moins de triche.»  Sur ce point, tous refusent le débat.



Le foot n'incarnerait pas les valeurs idéales, mais il y a quelques  jours, certains ont trinqué à la santé des Bafana après leur victoire  face aux Bleus. «On était là et on a fêté ça, explique Terry Bulkan,  autre membre du très sélect club de P-E. C'était la première fois. Le  football reste le sport des noirs, mais ce n'est pas politique. C'est  culturel. Et vous savez, il y a aussi des noirs qui jouent avec nous au bowling. C'est un sport ouvert à tous.» A condition de  s'acquitter des 800 euros de cotisation annuels. Et de payer la location  de son terrain à chaque partie. Dans un pays où le salaire moyen  tourne autour de 300 euros par mois, il y a encore un peu de chemin.