JO 2022 : De « Morpion » à « Robocop », comment Quentin Fillon Maillet est devenu le GOAT du biathlon mondial
BIATHLON Depuis ce dimanche, Quentin Fillon Maillet est l’athlète français le plus titré sur une édition des Jeux olympiques d’hiver
- Dimanche lors de la poursuite, Quentin Fillon Maillet a remporté sa quatrième médaille de ces Jeux olympiques de Pékin, la deuxième en or.
- Le Jurassien s’affiche comme le digne successeur de Martin Fourcade.
- QFM n’était pourtant pas attendu à un tel niveau lorsqu’il a débuté sa carrière.
De notre envoyé spécial à Zhangjiakou,
Entre ici, Quentin Fillon Maillet. En remportant dimanche soir la poursuite, avec un hallucinant 20/20 au tir et malgré un retard de 26 secondes sur Johannes Boe, le tout dans des conditions météorologiques à la limite du supportable pour un ours polaire, QFM est devenu le premier athlète français de l’histoire à remporter quatre médailles en une seule olympiade hivernale.
La veille, il nous expliquait vouloir marquer l’histoire, le lendemain il le fait. Facile, non ? Le pire, c’est qu’il est bien capable d’exploser cela dans les jours à venir puisqu’il lui reste encore deux courses à disputer (Une mass start et un relais). Il nous a d’ailleurs prévenus le plus tranquillement du monde : « Je ne vais pas m’arrêter tant que ça marche ». C’est vrai que ce serait con.
Le plus bizarre dans tout ça, quand on met la béquille et qu’on se range sur le bas-côté pour méditer sur le temps qui passe, c’est qu’on a du mal à voir ce qu’on a raté avec Fillon Maillet. C’est vrai, on va se dire les choses, il y a quelques années encore, quand Martin Fourcade roulait sur le monde du « bibi » et prenait toute la lumière médiatique à lui, on n’aurait pas misé un kopeck sur QFM pour lui succéder. Et puis, en parlant avec ceux qui le connaissent, on se rend compte qu’on n’est absolument pas les seuls dans ce cas. A commencer par le boss himself.
De passage en zone mixte pour marquer le coup, Martin Fourcade se laisse aller aux confessions : « Je ne l’aurais jamais vu arriver à ce niveau. Si on m’avait demandé si Quentin serait capable de faire ça, j’aurais répondu non. Quand je l’ai vu débarquer en 2013, j’ai tout de suite décelé chez lui des qualités mentales, de combativité, c’était un teigneux qui ne lâchait jamais rien. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait le morpion ! Mais jamais je ne l’aurais imaginé avec un tel niveau de maîtrise globale de ce sport. D’ailleurs, rares sont ceux qui peuvent dire qu’ils l’avaient vu venir il y a dix ans. »
Une construction méthodique vers les sommets de l’Olympe
C’est aussi ce que disait Vincent Vittoz avant le début des Jeux : « Quentin n’était pas le plus doué au départ ». C’est ça le truc en fait : à la différence d’un Martin Fourcade qui était comme qui dirait programmé pour être un champion, qui a direct tout explosé sur son passage, Quentin Fillon Maillet a eu besoin de plus de temps pour devenir le monstre qu’il est aujourd’hui.
« Il s’est construit en optimisant son potentiel à son maximum, analyse le triple médaillé d’or à Pyeongchang. Il avait peut-être besoin de plus de temps pour éclore. » Interrogé au soir de sa médaille d’argent lors du sprint, Simon Fourcade tenait plus ou moins le même discours que son frangin au sujet du nouveau patron du biathlon tricolore.
« Je le trouve resplendissant. Il a acquis une maturité et une manière de faire qu’il a su construire et qu’il n’avait pas au départ. C’est quelqu’un qui a su apprendre de ses erreurs pour évoluer année après année sur le circuit mondial. Tous les ans, il a su cocher des cases, une sorte de " to-do list " : arrêter de péter sur la deuxième course de la semaine, check. Ne plus tenir deux semaines mais trois, check. Arriver à gérer les grands événements sans forcément avoir de coup de sang, check. Il a tout mis tout à bout pour devenir ce qu’il est aujourd’hui »
Depuis quatre ans, le quadruple médaillé olympique s’est en effet entouré d’une petite armée de spécialistes pour l’accompagner et le guider vers les sommets. Ici un nutritionniste, là un préparateur mental, QFM n’a rien laissé au hasard dans sa quête de perfection. « Quand j’étais petit, je me rêvais meilleur biathlète du monde, vainqueur olympique, vainqueur du globe de cristal. J’avais envie de marquer l’histoire du biathlon. C’est chose faite aujourd’hui, quatre médailles en quatre courses, c’est bien au-delà de mes rêves », jubile-t-il en zone mixte pendant qu’on danse le sirtaki pour se réchauffer.
Avant de détailler le processus qui a mené à tout ça : « Je ne crois pas trop aux histoires de destin. C’est moi qui suis acteur de tout ça, il y a eu tellement d’investissement dans le passé. J’ai croisé tout au long de cette préparation des personnes qui m’ont permis d’avoir davantage confiance en moi. Et aujourd’hui je n’ai plus peur d’aller jouer, je n’ai plus peur d’avoir de grosses ambitions. Je n’ai plus peur d’aller gagner. »
QFM, cool as a cucumber
Au petit jeu de la comparaison (inévitable bien que pas toujours pertinente) avec son illustre aîné, il y a une chose en particulier qui diffère entre QFM et MF. Laquelle ? « Quentin est beaucoup plus cool et beaucoup plus serein que ce que je pouvais l’être sur les JO. C’est génial de le voir amasser les médailles comme s’il était sur le Grand Prix de Saint-Laurent-en-Grandvaux dans le Jura ! », se marre le jeune retraité.
Compagnon de chambrée du Franc-Comtois sur ces Jeux de Pékin, Simon Desthieux confirme que le bonhomme enchaîne les épreuves (et les médailles) comme Obélix enchaîne les tartes aux Romains. « Avec lui c’est : la course du jour est passée, on passe à la suivante. Il a cette capacité à toujours rebondir et à être mobilisé et à 200 % pour chaque course. C’est assez hallucinant. »
On dit Obélix, mais d’autres lui ont trouvé un surnom bien avant nous : Robocop. Simon Fourcade : « Ce sont des jeunes qui sont montés s’entraîner avec le groupe A ces dernières années qui le lui ont donné à force de le voir répéter les efforts sans jamais mollir. C’est un métronome, il met un tel engagement entraînement après entraînement, et il arrive toujours à garder ce même degré d’exigence. Il ne faiblit jamais. D’où Robocop. »
Quant à savoir s’il peut encore aller plus haut – si tant est que ce soit foutrement possible – Vincent Vittoz, le coach de l’équipe de France, se veut réaliste : « Allez, il a quoi ? 29 ans. Disons qu’il a peut-être une petite marge physiquement, sur le pas de tir ça commence à être de plus en plus solide. Après, les marges sont infimes. On se dit que s’il reste à ce niveau, déjà, ça sera bien suffisant ! ».