« On nous prenait pour des fainéants »… Comment le VTT à assistance électrique est devenu l’un des sports les plus fun

HORS-TERRAIN Depuis quelques années, la pratique du vélo tout-terrain s’est trouvé un second souffle grâce à l’arrivée de l’assistance électrique

Camille Allain
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Le VTT à assistance électrique permet d'accéder à des sentiers très techniques, en descente comme en montée.
Le VTT à assistance électrique permet d'accéder à des sentiers très techniques, en descente comme en montée. — Moustache Bikes
  • Chaque jeudi, dans sa rubrique « hors-terrain », 20 Minutes explore de nouveaux espaces d’expression du sport, inattendus, insolites, astucieux ou en plein essor.
  • Cette semaine, nous nous penchons sur le VTT à assistance électrique, dont la pratique explose en France, portée par l’essor général du vélo.
  • Inexistant il y a dix ans, ce marché connaît une croissance folle parce qu’il offre la possibilité à tous les publics de pratiquer. Mais aussi parce qu’il génère des sensations incomparables, y compris aux pilotes pros. Julien Absalon en est fan.

Certains l’appellent le VTTAE, d’autres le « e-bike ». Peu importe son nom, le VTT à assistance électrique fait l’unanimité chez ses pratiquants. « L’essayer, c’est l’adopter », chantent-ils tous en chœur. Encore confidentielle il y a quelques années, la pratique est en train d’exploser, portée par l’appétit de sportifs plus ou moins aguerris pour ce sport à sensation qui s’ouvre d’un coup à un public large. « Quand j’ai commencé, il y avait une stigmatisation. On nous prenait pour des fainéants. On nous critiquait en disant qu’on n’avait pas besoin de pédaler, que ce n’était pas du sport ». Les mots sont signés du double champion olympique et quintuple champion du monde de VTT Julien Absalon.

Dans l’histoire du sport, on a sans doute vu plus fainéant que le Vosgien. Ce dernier fut l’un des premiers à accepter d’enfourcher une version électrique, avant même de prendre sa retraite en 2018. « Je faisais ma préparation avec. Ça me permettait d’aller plus loin, de rouler plus longtemps, de faire des entraînements plus techniques avec des pneus plus gros et plus de débattement [dans la fourche]. On a regardé et les valeurs de puissance de l’athlète sont similaires. On peut même faire plus de cardio, car la fréquence de pédalage augmente », assure le quadragénaire.

De plus en plus de personnes se laissent tenter par le VTTAE pour explorer la montagne ou la forêt sans l'entraînement d'un champion olympique.
De plus en plus de personnes se laissent tenter par le VTTAE pour explorer la montagne ou la forêt sans l'entraînement d'un champion olympique. - Moustache Bikes

Le champion français n’est pas le seul à s’éclater au guidon de sa machine. Au fil de nos échanges, tous ceux qui nous ont parlé de leur nouvelle bécane nous ont loué le plaisir de la discipline. « Ceux qui pensent que c’est un vélo de vieux n’ont jamais essayé. Il y a un tel plaisir à piloter dans les montées, on peut faire de la technique, ne jamais s’arrêter. On reste tout le temps sur le vélo car on peut presque tout monter, c’est incroyable », explique Nadine Sapin. Installée dans les Alpes Maritimes, cette pharmacienne est l’une des ambassadrices du VTTAE français, qu’elle enfourche depuis cinq ans après une carrière semi-pro en VTT classique. Un moyen d’avaler des dénivelés impensables et de s’évader loin, très loin.

« Certains n’osaient pas, avaient peur que ce soit trop dur. »

Résumer l’explosion de cette pratique aux seuls compétiteurs serait pourtant une erreur. Car partout sur les chemins de France et du monde, les moteurs électriques viennent prêter main-forte à des passionnés de tous niveaux. On pense notamment à Gérard, 79 ans, excellent rouleur à qui on avait conseillé de ralentir la pratique du VTT pour épargner son cœur de presque octogénaire. Le retraité avait investi 3.000 euros pour s’offrir une monture électrique il y a un peu plus de quatre ans. Un achat conséquent qui lui a permis de poursuivre sa passion et de continuer à suivre son ami Michel, presque vingt ans de moins que lui, sur les chemins des marais de Brière, en Loire-Atlantique. Et ça, ça n’a pas de prix.

Sans le savoir, le VTT à assistance électrique est venu gommer les différences d’âge, de niveau, de puissance aussi. On voit ainsi des couples rouler ensemble pour la première fois de leur vie. « On a vite senti qu’il y avait un beau potentiel pour ce que l’on appelle le sport santé. C’est un super outil pour mettre ou remettre des gens au VTT. Certains n’osaient pas, avaient peur que ce soit trop dur. De plus en plus de collectivités ou de stations de sport d’hiver nous contactent pour aménager des circuits. La progression du nombre de pratiquants est très forte », embraye Joaquim Lombard, cadre technique en charge de la discipline au sein de la Fédération française de cyclisme.

Le Britannique Tom Pidcock a remporté les derniers championnats du monde de E-MTB à Leogang, en Autriche. Le tracé a été très critiqué par les pilotes de VTT à assistance électrique.
Le Britannique Tom Pidcock a remporté les derniers championnats du monde de E-MTB à Leogang, en Autriche. Le tracé a été très critiqué par les pilotes de VTT à assistance électrique. - Alex Whitehead/SIPA

Avant même que la fédération n’ouvre les yeux, certains fabricants de vélo avaient flairé le bon filon. La marque française Moustache fut l’une des premières à croire à ce marché de niche, qui ne représentait qu’un infime pourcentage des ventes lorsqu’elle s’est lancée dans la production en 2012. « Quand on a monté nos premiers prototypes de VTT électriques, on s’est vite rendu compte du côté magique. On allait à fond dans les bosses, c’était fantastique. C’était impossible que ça ne marche pas », se souvient Emmanuel Antonot, l’un des deux fondateurs de la marque des Vosges.

Encore aux balbutiements pour la compétition

Depuis dix ans, leur atelier a bien grandi et fait désormais travailler près de 150 personnes, emporté par la vague de l’électrique. « On reçoit parfois des courriers de gens qui nous remercient, que leur vélo a changé leur vie, qu’ils peuvent retourner rouler avec leurs copains, avec leur mari ou leur femme. Et puis on a des gens qui se régalent en pilotage, qui grimpent des pentes folles qu’ils pensaient impossibles. »

Si la pratique loisirs a pris son envol, la compétition reste pour l’heure un peu chaotique. Nadine Sapin garde un goût amer des derniers championnats du monde organisés par l’UCI à Leogang, en Autriche. « Le tracé n’était pas du tout adapté ! On nous avait mis sur le même parcours que le cross-country classique, ça n’avait aucun intérêt ». Elle avait terminé 6e, à un peu plus de douze minutes de la Française Mélanie Pugin, sacrée championne du monde. Chez les hommes, le Français Jérôme Gilloux avait terminé deuxième, preuve de l’excellent niveau des tricolores dans la discipline.

Avec un VTT à assistance électrique, on peut passer partout. Enfin, presque partout...
Avec un VTT à assistance électrique, on peut passer partout. Enfin, presque partout... - Nardus Engelbrecht/AP/SIPA

Pour mieux coller à la demande des pratiquants, la Fédération française a décidé de se distinguer. Le 6 juin, elle organisera son championnat de France à Villard-de-Lans (Isère) en mode « rallye ». Seules certaines portions seront chronométrées et un véritable tracé adapté sera proposé aux pilotes. « Notre ambition, c’est d’attirer des champions, mais aussi des pratiquants moins chevronnés pour faire connaître la discipline. La compétition reste la meilleure vitrine pour faire connaître un sport. On est au tout début de l’histoire de ce sport, c’est une discipline très jeune », rappelle Joaquim Lombard. Faut-il imaginer la rendre un jour olympique ? « Ça c’est impossible. C’est contraire à l’esprit olympique », tranche Julien Absalon.

La ruée dans les magasins

La crise du Covid a provoqué une demande aussi soudaine qu’inattendue de nouveaux vélos. Les VTT ne sont pas exclus de cette tendance et certaines références affichent des délais d’attente de plusieurs mois. Comme tous les fabricants, Moustache galère à se fournir en pièces détachées et doit s’adapter. « Il y a une forte demande et certains fournisseurs incontournables comme Shimano ont du mal à suivre. Parfois, on ne peut pas monter un vélo parce qu’il nous manque une selle, ou un dérailleur. C’est frustrant ». Pour obtenir un modèle de VTTAE neuf, comptez au moins 1.200 euros. Les pratiquants déjà confirmés devront sans doute doubler la somme.