VIOLENCESUn chef d’entreprise suspecté d’avoir commandité l’agression d’une élue

Saint-Denis : Un chef d’entreprise suspecté d’être le commanditaire de l’agression de l’élue Oriane Filhol

VIOLENCESEn découvrant les images de vidéosurveillance après son agression, Oriane Filhol avait reconnu le donneur d’ordres présumé, sans d'abord croire à sa culpabilité
En janvier, trois jeunes hommes de Saint-Denis de 18 ans à 22 ans avaient été arrêtés par la sûreté territoriale pour cette agression.
En janvier, trois jeunes hommes de Saint-Denis de 18 ans à 22 ans avaient été arrêtés par la sûreté territoriale pour cette agression. - T. Coex / AFP / AFP
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

L’affaire avait indigné nombre de responsables politiques. Mi-décembre, Oriane Filhol, l’adjointe du maire socialiste Mathieu Hanotin, avait été agressée en sortant d’une réunion de travail. Trois jeunes hommes de Saint-Denis avaient été arrêtés et avaient pointé un mystérieux commanditaire de l’attaque. L’enquête menée par la police a mené à Mouloud B., 57 ans, qui doit être jugé le 4 juin et a été placé entretemps sous contrôle judiciaire, selon le parquet de Bobigny et la mairie de Saint-Denis, confirmant une information du Parisien.

« Les mois après l’agression ont été difficiles, et c’etait dur aussi entre moment où j’ai développé la certitude que c’était lui et le moment où il a été interpellé, il fallait garder le secret et attendre », se confie auprès de 20 Minutes Oriane Filhol.

Le 20 décembre au soir, Oriane Filhol, sixième adjointe au maire en charge des solidarités, est suivie dans la rue à Saint-Denis par deux hommes alors qu’elle sort d’une réunion de travail et rentre à son domicile. Rattrapée par les individus, elle est passée à tabac. Dans un contexte de recrudescence nationale des violences contre les élus, l’agression provoque un tollé.

En janvier, trois jeunes hommes de Saint-Denis de 18 ans à 22 ans sont arrêtés par la sûreté territoriale pour cette agression. À leur procès, ils expliquent s’être vus promettre 2.500 euros chacun par un mystérieux commanditaire dont ils taisent le nom – un « daron », un « bledard » – pour frapper une personne qu’ils ne connaissaient pas.

« Pour 2.500 euros je frappe, même si c’est une femme »

Les images de vidéosurveillance de la ville montrent un homme, non identifié à l’époque mais aujourd’hui suspecté d’être Mouloud B., désigner du doigt aux exécutants Oriane Filhol au moment où elle sort de sa réunion. « Il fallait juste taper et rien dire, pas de vol, rien. Moi pour 2.500 euros je frappe, même si c’est une femme », raconte aux enquêteurs celui qui a frappé la victime trentenaire.

La justice a condamné les agresseurs à des peines allant de huit mois de prison avec sursis probatoire à 18 mois de prison dont six avec sursis probatoire. Le tribunal a estimé que deux d’entre eux ne connaissaient pas la qualité d’élue de la victime.

« Le genre de mec copain avec tout le monde »

En découvrant les images de vidéosurveillance après son agression, Oriane Filhol croit reconnaître dans le donneur d’ordres Mouloud B., un serial entrepreneur de la ville qui a fait l’objet de plusieurs portraits dans la presse pour son engagement social. Cependant elle écarte aussitôt cette hypothèse car « cela semblait vraiment trop gros ».

« C’est quelqu'un que je croise parfois, qui est chaleureux, qui donne à voir quelque chose de bienveillant », raconte-t-elle samedi à 20 Minutes. « Je l’avais croisé quelques jours après mon agression, il s’était inquiété de mon état de santé, etc. ».

« C’est un entrepreneur de Saint-Denis qui gravite autour de la sphère parapublique, aux confins des sphères publiques et économiques. Il a une boîte d’électricité qui posait des câbles de fibre optique et faisait de la formation de jeunes », développe le maire (PS) de Saint-Denis, Mathieu Hanotin.

« L’intime conviction que c’était lui »

Mais début mars, le chef d’entreprise vient s’asseoir à côté de l’adjointe à un gala de boxe pour prendre de ses nouvelles. De but en blanc, son interlocuteur tente de justifier son absence le soir des faits au conseil d’administration du bailleur social de la ville, dont Oriane Filhol sortait lorsqu’elle a été attaquée.

« Au moment où il s’est assis à côté de moi, j’ai développé l’intime conviction que c’était lui », relate Oriane Filhol, s’apercevant qu’il porte les mêmes chaussures noires à semelle blanche que l’inconnu de la vidéosurveillance.

Un mobile nébuleux

Sur ses indications, l’enquête est alors relancée et, après des recoupements, Mouloud B. interpellé mercredi matin à son domicile. « Il reconnaît qu’il était présent le soir des faits sur les lieux tout en se disant complètement étranger à l’agression », indique à l’AFP le parquet de Bobigny. Selon Oriane Filhol, le suspect se reconnaît aussi sur les caméras de surveillance.

Le mobile du passage à tabac reste encore nébuleux, la mairie et la victime disant ne pas avoir de litige avec l’entrepreneur. « Tout cela nous apparaît complètement flou et incompréhensible », indique Mathieu Hanotin, en espérant que l’audience de juin permettra de faire la lumière sur cette affaire. « J'aimerais vraiment avoir le pourquoi », s'interroge Oriane Filhol: « Est-ce que c’était moi absolument? Ou un des élus? Ou est-ce que ce n’est pas tout simplement plus facile de s’en prendre à une femme? ».

Selon le ministère de l’Intérieur, les agressions envers les élus devraient augmenter de 15 % en 2023, après une hausse de 32 % en 2022 (2.265 plaintes et signalements).

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