Les photos non retouchées de mannequins sont-elles la prochaine tendance des publicités?
MODE La marque de vêtements Asos a récemment fait parler d’elle en dévoilant une photo publicitaire sur laquelle on peut voir les vergetures d’un mannequin…
- Asos a publié des photos de mannequins en maillot de bain, laissant apparaître leurs vergetures.
- Pour Lauréline Pierre, cofondatrice du groupe militant féministe La brigade antisexiste, il reste encore du chemin à parcourir.
- Selon Cécile Pineau, directrice de l’agence de communication Un Oeil sur la Pub, la tendance pourrait à long terme faire évoluer les mentalités.
Tendance ? Mode ? Ou élan féministe ? Fin juin, la marque de prêt-à-porter Asos a fait grand bruit lors de la sortie de sa nouvelle collection de maillots de bain. Cependant, ce ne sont pas les bikinis fleuris ou les une pièce échancrés qui ont fait réagir les internautes, mais les fesses des mannequins. En effet plusieurs internautes ont fait remarquer que les photos publicitaires n’avaient pas été retouchées et que l’on pouvait donc voir les quelques vergetures des modèles.
« C’est un premier pas »
Une petite révolution dans le monde de la mode, déjà initiée par la marque Desigual. En mai dernier, la marque avait en effet dévoilé les photos de son égérie sans aucune retouche.
« Ce qui est bien avec ces publicités c’est qu’elles montrent que « l’imperfection » est naturelle et qu’elle est un signe de vie. Chaque femme pourra par exemple se reconnaître dans ces vergetures et l’image qu’elle aura d’elle ne sera plus celle d’une personne au corps anormal. C’est un premier pas pour que les femmes n’aient plus à ressembler aux couvertures des magazines mais pour que les couvertures des magazines rassemblent aux femmes », estime Lauréline Pierre, cofondatrice du groupe militant féministe La brigade antisexiste, interviewée par 20 Minutes.
Ces campagnes sont-elles de simples coups de buzz ou les prémisses d’un tournant dans l’histoire de la publicité ? « Il y a depuis quelque temps un éveil des consciences sur le féminisme et c’est dans l’air du temps de s’intéresser à ces questions, analyse pour 20 Minutes Cécile Pineau, directrice de l’agence de communication Un Oeil sur la Pub. Les agences de publicité ou de marketing évoluent avec leur époque et rebondissent sur les tendances, mais sans que cela soit forcément malsain ». D’ailleurs pour l’enseignante en sémiologie des médias à l’EFAP, ce genre de communication ne marche pas si le message ne fait pas partie de l’ADN d’une marque depuis longtemps. « Les publicités et les stratégies de communication sont par exemple, de plus en plus décryptées sur les réseaux sociaux. On ne peut pas duper les consommateurs ! »
Changer le monde de la pub
Pour Lauréline Pierre, c’est notamment grâce à l’ampleur des réactions des femmes sur les réseaux sociaux que le monde de la pub a commencé à changer. « Les agences voient bien que ce qu’elles diffusent ne correspond plus aux attentes des femmes. Nous sommes toutes des clientes potentielles et elles, leur objectif est de vendre, donc les deux côtés peuvent y trouver un intérêt. Et si cela marche pour une marque, les autres voudront faire de même ».
Cette tendance de montrer des femmes non retouchées a donc une chance de perdurer, mais peut-être aussi de changer les mentalités. D’autant qu’à partir du 1er octobre prochain, les annonceurs seront obligés « d’accompagner de la mention « photographie retouchée » les photographies à usage commercial des mannequins en cas de traitement de l’image visant à affiner ou épaissir leur silhouette. » « Le fait que la question de la représentation du corps de la femme se retrouve dans différentes sphères, peut faire avancer les choses, analyse Cécile Pineau. Par exemple, la loi Evin, additionnée à des publicités sur la sécurité routière ou encore des campagnes de prévention ont fait évoluer les mentalités sur la consommation d’alcool. »
Avant un changement historique, il reste tout de même du chemin à parcourir. « Les pubs continuent d’afficher le même type de beauté : des femmes grandes, fines, au visage lisse et taille 34. Même avec des vergetures apparentes, les mannequins se ressemblent tous et peuvent véhiculer d’autres complexes », conclut la cofondatrice du groupe militant féministe.