Le site créé par des anti-IVG «simoneveil.com» est-il légal?

INTERNET Les militants anti-avortement « Les Survivants » ont acheté un nom de domaine intitulé « simoneveil.com » pour diffuser leurs revendications contre l’IVG…

Hélène Sergent
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Capture d'écran du site créé par le collectif anti-avortement utilisant l'image et le nom de Simone Veil.
Capture d'écran du site créé par le collectif anti-avortement utilisant l'image et le nom de Simone Veil. — DR

L’idée trottait visiblement depuis plusieurs mois dans la tête d’Emile Duport, le leader du mouvement anti-avortement « Les Survivants ». Extrêmement actif sur les réseaux sociaux, le collectif s’est « spécialisé » ces deux dernières années dans les campagnes illégales dans les transports en commun. Ce mercredi, quelques heures après l’hommage national rendu à Simone Veil aux Invalides, un site créé au nom de l’ex-ministre de la Santé était mis en ligne. Intitulé « Forever », le texte qui retrace son histoire s’oppose ouvertement à l’IVG tel qu’il est encadré en France.


« Découvrez la vérité sur Simone Veil, celle d’une femme trahie dans ses intentions puisque sa loi n’existe plus tant elle a été modifiée et parce que la légalisation de l’avortement n’a pas amélioré la santé des femmes bien au contraire », peut-on lire notamment. Une récupération dénoncée depuis par de nombreux internautes. Une telle pratique est-elle pour autant légale ?

L’article 9 du Code civil 

Contacté par 20 Minutes, Emile Duport dans un premier temps, assume : « J’ai acheté le nom de domaine courant 2016. Pas pour une occasion particulière mais parce que dans le débat sur l’IVG, les gens invoquent toujours la loi Veil comme un marqueur culturel. Or elle est caduque depuis plus de 20 ans. On ne salit pas son nom, on lui rend hommage. » Et l’intéressé revendique le « coup de com' » : « Je suis un professionnel de la communication, évidemment je n’allais pas lancer ce site pendant la présidentielle. »

Visiblement décomplexé, le leader des Survivants peut-il pour autant déposer n’importe quel nom de domaine pour un tel usage ? « Non », assure Isabelle Landreau, avocate au barreau de Paris, spécialiste des nouvelles technologies : « Ça s’appelle un dépôt frauduleux par un tiers. On ne peut pas déposer un nom de domaine qui soit un nom patronymique, que la personne soit vivante ou décédée. Selon l’article 9 du Code civil, c’est une atteinte au droit au respect de la vie privée. Les ayants droit peuvent demander, par lettre recommandée que cette personne retire le nom de domaine frauduleux. »


Plusieurs internautes, visiblement outrés par la démarche des Survivants, s’interrogeaient sur les recours existant en la matière : « Il y a un site, qui s’appelle signalement.gouv.fr où l’on peut déposer une alerte d’un dépôt frauduleux. Enfin, les proches d’une personne décédée peuvent s’opposer à la reproduction de son image après son décès dès lors qu’ils en éprouvent un préjudice personnel en raison d’une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort », précise Isabelle Landreau.

Les données des propriétaires d'un nom de domaines sont publiques et accessibles en ligne.
Les données des propriétaires d'un nom de domaines sont publiques et accessibles en ligne. - DR

Interrogé sur d’eventuelles suites judiciaires, Emile Duport rétropédale : « Je n’ai pas eu l’accord de Simone Veil, ni de sa famille. Mais je croyais qu’après le décès d’une personne, n’importe qui pouvait acheter le nom de domaine. D’ailleurs, c’est pas moi qui ait pris le nom de domaine officiellement. » La justice pourrait exiger du collectif de retirer le site si les fils de Simone Veil formulaient cette demande. La suppression des pages Facebook associées pourraient en revanche poser plus de difficultés aux ayants-droit.