L’hiver sans ski : Les Mondiaux de ski alpin en France peuvent-ils passionner le grand public ?

PLANTER DE BÂTON (2/6) « 20 Minutes » lâche son tire-fesse et imagine à quoi pourraient ressembler des hivers sans chausser les skis, et à quel point les championnats du monde de ski alpin, à Courchevel et à Méribel, pourraient faire vibrer les Français

Jérémy Laugier
Le public tricolore va-t-il répondre présent à partir de ce lundi à Courchevel et à Méribel (Savoie) ?
Le public tricolore va-t-il répondre présent à partir de ce lundi à Courchevel et à Méribel (Savoie) ? — Yves Perret / www.ypmedias.com
  • Qui dit vacances de février, dit, pour environ 13 % des Français, vacances au ski et marques de bronzage autour des yeux. Enfin disait. Avec le réchauffement climatique et l’inflation galopante, la pratique du ski alpin pendant les vacances d’hiver court le risque de disparaître peu à peu.
  • Conscient du danger, le secteur, qui revendique un chiffre d’affaires d’1,5 milliard d’euros par an, tente de s’adapter aux attentes des usagers en station et de développer des alternatives au tout ski.
  • Chaque semaine jusqu’à la fin des vacances scolaires pour toutes les zones, 20 Minutes s’interroge sur l’avenir du ski alpin en France. Ce lundi, on se consacre au lancement des championnats du monde de la discipline, qui se déroulent du 6 au 19 février entre Courchevel et Méribel (Savoie).

Yves Perrissin Fabert (38 ans) est dans les starting-blocks, comme plusieurs dizaines de membres du fan-club de Tessa Worley. Depuis sa première descente de Coupe du monde, en 2007 à Sölden (Autriche), l’emblématique skieuse tricolore est suivie dans toute l’Europe par ces passionnés d’alpin originaires comme elle du Grand Bornand, petite commune haut-savoyarde de 2.000 habitants. Ils ont évidemment prévu un car pour rejoindre Courchevel-Méribel mercredi (jour de Super-G féminin), à l’occasion des championnats du monde de ski alpin en France (du 6 au 19 février).

« Si Tessa devient championne du monde pour la troisième fois, ça montrerait son extraordinaire régularité, s’emballe Yves Perrissin Fabert, le président de son fan-club. Même si la période est compliquée pour nous tous, car nous sommes en pleine saison sur le plan professionnel, on ne peut pas passer à côté de Mondiaux en France. J’avais 8 ans quand nous étions allés assister aux JO d’Albertville avec mon école. J’avais des étoiles plein les yeux, et chaque grande compétition de ski est un moment fort pour tout notre village. »


80.000 vacanciers par semaine aux 3 Vallées

Car oui, même s’ils semblent destinés à un succès contrasté sur le plan médiatique, les championnats du monde qui débutent ce lundi ont leurs milliers d’aficionados. Les organisateurs espèrent ainsi jusqu’à 150.000 spectateurs pendant treize jours, dont une jauge de près de 6.000 places payantes par jour (65 % de ces places en tribunes ou debout au pied des pistes, de 20 à 60 euros, ont trouvé preneur). « C’est très loin des 600.000 spectateurs qu’attire un événement comme Roland-Garros, souligne Magali Tézenas du Montcel, directrice générale de Sporsora, organisation cherchant à développer l’économie du sport. Mais Roland-Garros est plus facile à fidéliser car annuel, avec une base de licenciés plus large, une accessibilité bien différente et un bassin de population incomparable. »

Les Mondiaux de ski bénéficient tout de même d’un sacré atout pour leur fréquentation, puisque leurs dates coïncident avec les vacances scolaires. « Les 3 Vallées rassemblent habituellement jusqu’à 80.000 vacanciers par semaine, donc l’un des enjeux est de les attirer pour certaines journées de la compétition », indique Marie Marchand-Arvier, responsable communication et animation des Mondiaux et vice-championne du monde du Super-G en 2009 à Val d'Isère, pour la précédente édition française de ce rendez-vous majeur du ski alpin. Afin de tenter de faire grimper la popularité la discipline, les organisateurs se sont inspirés du « show planétaire qu’est Kitzbühel », en Autriche, pour installer quatre fan-zones gratuites à Courchevel et à Méribel au plus près des pistes. Marie Marchand-Arvier nous détaille la réflexion.

Cette configuration est assez rare. On veut rendre ce sport beaucoup plus accessible en permettant aux détenteurs de forfaits sur la station de venir tester une véritable expérience sensorielle. Ils vont se trouver à moins de 10 mètres des filets de bord de course. Là, ils pourront entendre le souffle des skieurs et le bruit de leur réception de sauts. »
Le public français pourra pousser ses athlètes, à partir de ce lundi à Méribel (Savoie).
Le public français pourra pousser ses athlètes, à partir de ce lundi à Méribel (Savoie). - Courchevel - Méribel 2023

Des navettes à 10 euros depuis Lyon et Grenoble

Un spectacle qui promet « dans le plus grand domaine skiable du monde ». Le président de la Fédération française de ski (FFS) Fabien Saguez va dans le même sens : « Il fallait remettre l’humain au centre de l’événement. L’ambiance se voudra plus festive que dans le passé, avec des animations et des cadeaux ». Un esprit Tour de France avec « un vrai melting-pot des populations » visé. Les efforts conséquents effectués par les organisateurs pour faciliter l’accessibilité, au-delà des habitués de la montagne, pourraient entraîner un brassage grand public.

« On savait que les possibilités de logements constitueraient un frein, donc on a opté pour un plan mobilité, confie Marie Marchand-Arvier. Celui-ci permet aux gens d’effectuer l’aller-retour en car à la journée depuis Annecy, Albertville, Chambéry, et même Grenoble et Lyon, pour 10 euros de partout. » Ce tarif attractif doit permettre de briser un cliché tenace : « Même si nous avons tout fait pour rendre accessible au plus grand nombre ce terrain de jeu magique, nous sommes peut-être un peu pénalisés par l’image très haut de gamme de ces deux stations », insiste Marie Marchand-Arvier.

« Le ski alpin reste chez nous un microcosme »

PDG de l’Annapurna, un hôtel cinq étoiles de Courchevel, Claude Pinturault est bien placé pour savoir que si son établissement affiche complet en février, ce n’est pas directement lié aux Mondiaux. « Non, ce n’est pas la raison de la venue de tous ces vacanciers, explique le père d’Alexis Pinturault. La fréquentation est extrêmement chargée sur cette période, avec ou sans cet événement, car ça correspond aussi à une semaine de vacances scolaires en Angleterre. L’intérêt fondamental pour nous, c’est de bénéficier des 500 millions de téléspectateurs dans le monde entier pour faire connaître les 3 Vallées de partout, afin de conquérir par exemple de nouveaux marchés comme les pays du Golfe. »

Claude Pinturault reste par ailleurs lucide quant à la place de cette discipline dans le paysage médiatique français, même à l’occasion d’un événement inédit depuis quatorze ans dans l’Hexagone, et retransmis par France Télévisions (en plus d’Eurosport) : « Le ski alpin reste en France un microcosme, comme tous les sports hormis le football, qui bénéficie d’un suivi quotidien dans les médias. Si déjà on pouvait limiter le ski bashing auquel on a le droit toutes les cinq minutes… » Et si Tessa Worley, Alexis Pinturault, Clément Noël voire d’autres pouvaient se hisser sur un podium sur ces Mondiaux, cela ne pourrait pas faire de mal au ski alpin, qu’il faut encore un peu dépoussiérer en France.