Tcheumeo, du terrain de foot au tapis des Mondiaux
JUDO Ceinture blanche il y a cinq ans, la judoka vise une médaille aux championnats du monde de Tokyo chez les moins de 78kg...
L’allure est clairement nonchalante. Mains dans les poches, claquettes et survet’ relevé à hauteur des mollets. Il n’y a qu’en dehors d’un tatami qu’Audrey Tcheumeo avance sans se presser. La judoka de Villemonble réserve son explosivité et son regard guerrier à ses adversaires, jeudi, pour les championnats du monde de Tokyo. «J’aime la bagarre, me battre, voir les meufs et les torturer», lance celle qui ne cache rien de son côté «garçon manqué». A 20 ans, Audrey Tcheumeo parle haut et a bien conscience de détonner dans l’univers «propret» et reservé du judo. Il y a encore cinq ans, la jeune femme n’avait d’ailleurs jamais enfilé un kimono. Jusqu’au jour où, un peu par hasard, un copain du quartier de Bondy la traîne dans un dojo.
«Je galérais en bas de chez moi. Un de mes amis m’a dit: "Tchou, viens on va faire du judo". Je lui ai dit: "Tu m’as bien vue?" J’étais réticente. Ce n’était vraiment pas mon univers, le respect, tout ça. Au début, je n’ai pas trop aimé…» Rapidement, son premier entraîneur, Omar, la pousse à persévérer. «J’étais ceinture blanche et il m’a donné une ceinture verte pour faire une compétition. Il m’a dit, vas-y, on verra après.» La jeune fille termine deuxième des championnats de France chez les moins de 78kg et bluffe tous les entraîneurs nationaux.
«Le foot, ça ne paie pas beaucoup»
Dans les murs de l’Insep, personne ne se souvient d’une progression aussi rapide. «Sa trajectoire est vraiment impressionnante, reconnaît Martine Dupond, responsable de l’équipe féminine. Elle a de grosses qualités physiques et une combativité hors norme. Evidemment, en cinq ans, on ne peut pas être performante dans tous les secteurs techniques. Elle a une immense marge de progression.» En attendant, Tcheumeo est déjà la numéro 2 de l’équipe de France, derrière Céline Lebrun. Pas si mal pour une athlète qui pourrait aussi évoluer dans une équipe de football de haut niveau.
«En fait, j’aurais dû aller à Juvisy (L1 féminine). Mais le foot, ça ne paie pas beaucoup et on n’est pas trop connue. Alors autant percer dans un autre sport.» Avant d’enchaîner les ippons, celle qui «kiffe» Andy Murray a donc tout testé. Tennis, football, hand et même un peu de boxe. «Si je n’avais pas trouvé le judo, je serais dans mon univers. Je ne sais pas si j’aurais mal tourné. Peut-être que oui. J’étais rebelle. Têtue à l’école. J’ai fait des conneries mais je me suis calmée.» Dans le groupe France, «Tchou» reste pourtant la bonne camarade avec qui on peut blaguer. «C’est une folle, piaffe Pénélope Bonna, titulaire chez les moins de 52kg. Si tu veux rire, tu vas avec elle. Elle est naturelle, spontanée. Un peu fatigante parfois quand tu as envie de te reposer.» Sur un tatami, il paraît que cela fonctionne aussi.