POLLUTIONFeu vert de l’Etat au confinement « illimité » des déchets à Stocamine

Alsace : L’État donne son feu vert au confinement « illimité » des déchets à Stocamine

POLLUTIONMalgré de nombreuses oppositions, la préfecture du Haut-Rhin a autorisé par arrêté la prolongation « illimitée » du stockage de 42.000 tonnes de déchets dangereux à Stocamine, dans le Haut-Rhin
Le site de Stocamine à Wittelsheim (illustration).
Le site de Stocamine à Wittelsheim (illustration). - SEBASTIEN BOZON / AFP
Thibaut Gagnepain

T.G. avec AFP

Est-ce la fin du feuilleton Stocamine ? Sans doute que l’Etat l’espère. La préfecture du Haut-Rhin a autorisé, par arrêté préfectoral, la prolongation « illimitée » du stockage de 42.000 tonnes de déchets dangereux à Stocamine, ouvrant ainsi la voie au confinement des déchets sous le béton. Et ce, malgré l’opposition d’élus et de la population locale.

L’arrêté a été signé jeudi par le préfet Thierry Queffélec. Le stockage des déchets (mercure, amiante, arsenic…) dans cette ancienne mine de potasse à Wittelsheim, avait initialement été présenté comme « réversible » et autorisé en 1997 pour une durée de trente ans.

La société MDPA (Mines de Potasse d’Alsace), qui gère le site et dont l’Etat est l’unique actionnaire, se prépare donc à relancer les travaux visant à confiner l’ensemble des déchets sous le béton. La construction des premiers barrages avait été suspendue à deux reprises par la justice administrative après des recours de l’association écologiste Alsace Nature et de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA).

Plus de trois ans de chantier

Le chantier doit durer 42 mois, selon l’arrêté préfectoral, et marquer la fin de vingt ans de tergiversations. Depuis l’incendie d’un bloc de déchets, censés être non inflammables, en septembre 2002, la conduite à tenir à Stocamine a fait l’objet de nombreuses hésitations politiques, entre le scénario d’une sortie des déchets, difficile à réaliser techniquement, et celui d’un confinement définitif contesté pour les risques de pollution qu’il engendre sur la nappe phréatique d’Alsace, la plus grande d’Europe.

Selon l’arrêté préfectoral, le confinement « aura pour effet de retarder sur une très longue période cette éventuelle remontée de substances dangereuses depuis le stockage vers la nappe d’Alsace ». Cette remontée de « saumure contaminée » serait limitée « à 0,7 m3/an », une quantité permettant d’assurer « une protection efficace de la nappe », affirme la préfecture.

Localement, ça coince

Le projet suscite néanmoins une forte opposition locale, et une énième manifestation a été organisée à Wittelsheim pour réclamer le déstockage le 23 septembre. Au printemps, une enquête publique avait recueilli 98 % d’avis défavorables au confinement des déchets. « Les avis favorables au projet se comptent sur les doigts de la main », notait le rapport d’enquête. Les trois concertations préalables, en 2010-2011, 2013-2014 et 2016, avaient également recueilli des avis majoritairement défavorables.

Cet arrêté préfectoral est la traduction juridique de la décision politique, prise par l’ancienne ministre de la Transition écologique Barbara Pompili en 2021, de ne pas retirer les déchets entreposés. Décision confirmée mi-septembre par son successeur Christophe Béchu.

« Je regrette que le temps passé en atermoiements par l’Etat, depuis plus d’une vingtaine d’années, aboutisse à ce type de décision unilatérale », avait réagi Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace, après les propos de M. Béchu. « Il aurait été possible de déstocker l’ensemble des déchets si l’Etat avait traité le sujet avec la diligence et les moyens nécessaires il y a quelques années. »

L’association Alsace Nature avait, elle, répliqué le 18 septembre par le dépôt d’une nouvelle plainte contre la société MDPA et ses dirigeants, pour « faux », « escroquerie » et défaut de maintenance de la mine. Le parquet de Strasbourg a ouvert une enquête, confiée à l’Oclaesp (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique). Une autre enquête est actuellement menée par le parquet de Strasbourg sur la nature des déchets entreposés. Elle s’oriente vers une conclusion de prescription des faits.

Sujets liés