Challenge Jeopardy: Watson, le superordinateur d'IBM, est «capable d'apprendre par lui-même»

INTERVIEW De lundi à mercredi, la machine défie les humains...

Propos recueillis par Philippe Berry (à Los Angeles)
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Watson, le superordinateur d'IBM, face à deux champions du jeu Jeopardy
Watson, le superordinateur d'IBM, face à deux champions du jeu Jeopardy — AP/SIPA/S.WENIG

Dernière info: A l'issue de la première manche de lundi soir, Watson est à égalité avec un candidat à 5.000 dollars, tandis que l'autre n'a amassé que 2.000 dollars. 

En 1997, Deep Blue venait à bout du champion du monde d'échecs Gary Kasparov. De lundi à mercredi, Watson, son petit fils, défie deux champions humains à Jeopardy pour un challenge encore plus complexe: la maîtrise du langage naturel. David Gontek, qui fait partie de la vingtaine d'ingénieurs du projet, revient pour 20minutes.fr sur le défi et ses enjeux.



 

Watson est-il vraiment un simple ordinateur?

C'est un superordinateur qui dispose d'un processeur à environ 3.000 cœurs. Il fonctionne grâce à dix 10 racks de serveurs IBM 750 (de la taille d'un frigo chacun ndr). Il est capable d'analyser et de répondre à une question de Jeopardy en quelques secondes quand il faudrait deux heures à votre ordinateur.

Comment «apprend-on» à une machine à analyser le langage naturel?

Avec beaucoup d'algorithmes. On découpe une phrase par groupes de mots, analyse la fonction de chacun séparément ainsi que des uns par rapports aux autres. Le sens d'un mot est souvent directement affecté par ceux qui l'entourent. Pour Jeopardy, surtout dans le cas de jeu de mots, il faut également réussir à établir une connexion de sens entre deux phrases ou deux mots. C'est parfois subtile. Un indice comme «armée colorée» peut être une métaphore pour «armée rouge», une «ville sainte», pour «Saint Louis» etc.

Comment cherche-t-il les réponses?

On l'a nourri avec des millions de documents, des dictionnaires, des encyclopédies, la Bible, beaucoup de Shakespeare. Une fois la question analysée, il lance tous ses algorithmes en parallèle. Pour chaque réponse, il calcule le pourcentage de sa certitude. S'il n'est pas suffisamment sûr de lui, il ne buzz pas.

C'est donc une approche purement statistique?

Pas seulement. Pendant toute la phase de préparation, Watson a «appris» de ses échecs. S'il se trompe sur une réponse en ayant utilisé tel algorithme, il lui fera moins confiance à l'avenir pour une autre question similaire. La plus grande réussite, c'est qu'il est capable d’analyser tout seul les documents qu'on lui a fourni et de décider s'ils contiennent des connaissances potentiellement utiles pour Jeopardy.

Watson est-il intelligent?

Oui et non. Il est intelligent mais pas conscient. Il est intelligent dans le sens où il peut accomplir des tâches dont nous ne sommes pas capables. Il est également capable d'apprendre par lui-même sans que nous ayons besoin de formater les documents dans un langage machine structuré, ce qui nécessiterait une lourde intervention humaine en amont (comme le moteur Wolfram Alpha, ndr). Mais il ne fait que suivre les algorithmes que nous avons programmés.

Pour quelles applications pratiques?

Nous nous concentrons sur le domaine médical. Pour réaliser un diagnostique différentiel, Watson est capable d'écumer toutes les publications, les cas précédents et de faire gagner un temps fou. Des applications côté business, notamment pour des prises de décision rationnelles, ont sans doute de l'avenir.

Est-on loin d'une machine véritablement pensante?

Très, très loin. Ce n'est pas qu'une simple question de puissance de calcul et d'algorithme. Il faudra une percée technologique autre part. Le Graal est souvent à tort de se diriger vers une machine intelligente. Nous cherchons juste à en créer une utile.