«Héritage numérique»: La justice allemande déverrouille l’accès aux données numériques personnelles d’un défunt
LOI NUMERIQUE Ce jeudi, la plus haute juridiction allemande a accordé aux parents d’une jeune fille mineure décédée, l’accès aux contenus et aux conversations privées de son compte Facebook…
L’Allemagne a fait un pas en avant, le reste de l’Europe suivra-t-il ? Ce jeudi, la Cour fédérale de justice de Karlsruhe a donné raison à des parents qui se battaient depuis 2012 contre Facebook afin d’obtenir l’accès au compte de leur fille, tuée par une rame de métro à l’âge de 15 ans. Ne sachant pas s’il s’agissait d’un suicide, ces derniers espéraient trouver dans les conversations de l’adolescente des éléments sur les circonstances de sa mort. De son côté, Facebook affirmait que l’accès aux données de l’adolescente pourrait violer les contenus privés d’autres utilisateurs qui communiquaient avec elle.
« La justice allemande s’est basée sur le droit de succession et l’a considéré dans cette affaire comme supérieur aux autres considérations », explique à 20 Minutes, Bianca Schulz, responsable du Centre Européen des Consommateurs France. Dans ce cas précis, la question de l’héritage numérique a notamment posé problème parce qu’il s’agissait de données personnelles présentes sur un réseau social.
« Les comptes sont liés, la transmission des informations du compte de la personne comme des conversations par exemple, impacte d’autres utilisateurs », explique l’experte. Selon elle, cette décision de justice prise par la plus haute juridiction allemande sera cependant sûrement suivie dans le pays, dans des affaires similaires de parents souhaitant accéder aux données de leur enfant mineur.
Organiser son héritage numérique en amont
Si cette décision a été prise en Allemagne rien n’assure qu’il en serait de même en France. « Un juge pourrait éventuellement s’en inspirer, mais dans cette affaire, le jugement s’est basé sur le droit allemand ». En France, la question de l’accès aux données numériques personnelles d’un défunt est soulevée depuis quelques années déjà. Contrairement aux biens matériels, la succession des données et biens numériques d’un défunt à ses héritiers n’est pas fixée par le Code civil.
Il existe cependant diverses solutions pour décider de ce que deviendront ces données après notre mort. Depuis 2016, l’article 40-1 de la loi Informatique et liberté permet aux internautes de donner à une personne des directives relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de leurs données numériques après leur décès. En l’absence de directives, les héritiers peuvent exercer un droit d’accès, s’il est nécessaire pour le règlement de la succession du défunt ou un droit d’opposition pour procéder à la clôture des comptes utilisateurs du défunt et s’opposer au traitement de leurs données.
« Des entreprises proposent aussi d’organiser votre héritage numérique », indique Bianca Schulz. Les prestations vont du message post mortem envoyé à votre liste de contacts au mail contenant vos codes d’accès transmis à un proche choisi avant votre mort. Sur son site, le Centre Européen des Consommateurs France suggère également de préciser ses volontés en matière d’héritage numérique dans son testament ou tout simplement de sauvegarder ses mots de passe sur une clef USB cryptée à laquelle seuls des proches de confiance auront accès en cas de décès.