L'Australien Craig Wright est-il l'inventeur de Bitcoin ou un gros mytho?
TECHNOLOGIE Il a fourni des preuves à la BBC, mais selon plusieurs experts, ça sent l'arnaque...
Craig Wright est-il Satoshi Nakamoto ? Ou, en des termes plus compréhensibles, cet entrepreneur australien est-il, comme il l’affirme désormais, l’inventeur de la monnaie virtuelle Bitcoin – et le propriétaire d’une fortune valant plus de 400 millions de dollars ? Il y a six mois, une fuite douteuse n’avait pas convaincu la communauté. Mais lundi, Craig Wright s’est officiellement « outé » en fournissant des preuves plutôt convaincantes à un baron respecté de Bitcoin et à plusieurs médias, dont la BBC et The Economist. Malgré tout, de gros doutes subsistent. Comme dirait Mulder, la vérité est – sans doute – ailleurs.
- La moitié de la preuve n’est pas vérifiable
Le test de paternité est complexe. Wright doit prouver qu’il possède la clé cryptographique utilisée par Satoshi Nakamoto pour signer ses messages en 2009. Et qu’il contrôle les « blocs » originels des premières transactions Bitcoin. L’Australien a publié sur son blog une preuve pour le bloc n°9 mais refuse de faire de même pour le bloc n°1. « Je ne vais pas me soumettre à d’interminables vérifications », explique-t-il à The Economist. «Il n'a pas fourni de preuve cryptographique vérifiable par le public. Ses réponses sont louches. Je ne vois pas de méthode plus alambiquée que celle qu'il a choisie pour prouver qu'il est Satoshi», confie à 20 Minutes Jerry Brito, directeur de recherche cryptographique pour le groupe Coin Center. Selon lui, Wright a «un déficit de crédibilité que son comportement n'aide pas à combler».
- Il y a des problèmes avec la preuve vérifiable
Selon le développeur Will Shackleton, le code fourni par Wright a un problème de syntaxe qui permet de contourner le protocole cryptographique SSL. Traduction : la preuve semble valide mais elle ne l’est pas forcément.
Après avoir passé la journée à analyser tous les éléments, le chercheur Dan Kaminsky est catégorique : « C’est une arnaque. » Selon lui, Wright a utilisé une portion publique de la clé de Nakamoto et n’a fourni que des preuves partielles pour camoufler son subterfuge.
- Les doutes de décembre sont toujours là
En décembre, lorsque Gizmodo et Wired ont publié leur enquête, basée sur des documents apparemment piratés, de nombreux problèmes avaient été signalés. En vrac :
- Craig Wright a modifié des vieux billets sur son blog pour ajouter des éléments semblant prouver qu’il est l’inventeur de Bitcoin.
- Il s’est inventé deux doctorats et plusieurs certificats sur sa page LinkedIn.
- Il a antidaté une clé cryptographique PGP.
- Le fabricant de superordinateurs SGI a démenti avoir vendu deux modèles à l’une des entreprises de Wright.
- Mais le successeur de Satoshi Nakamoto est convaincu
Gavin Andresen est l’informaticien qui a repris le flambeau de la maintenance du système Bitcoin après la disparition de Nakamoto – il a depuis passé le bâton. Andresen s’est rendu à Londres et a assisté à la démonstration de Wright à la BBC. « Je crois que Craig Steven Wright est la personne qui a inventé Bitcoin », écrit-il (il a précisé lundi soir, lors d’une conférence, que son compte n’avait pas été piraté). Sur Reddit, il explique qu’il a choisi un message lui-même, que Wright « a signé avec la clé du bloc n°1 ». Andresen a ensuite copié la signature sur une clé USB vierge et l’a validée sur un PC portable tout neuf.
Le problème, c’est qu’il n’a pas pu garder l’ordinateur, apparemment car Wright avait peur d’une fuite. Du coup, il n’est pas exclu que l’Australien, qui a la réputation d’être un expert manipulateur, ait réussi à tromper l’expert lors d’une démonstration live, tel un magicien. Pourquoi Craig Wright n’utilise-t-il pas l’un des premiers bitcoins minés pour acheter une pizza et ainsi balayer tous les doutes ? Il affirme qu’ils sont désormais contrôlés par un fonds et qu’ils sont bloqués. Pratique. Bref, l’enquête continue.