Vincent Lavenu: «Si les coureurs dérapent, ce n'est pas une question d'argent»

INTERVIEW Le manager de la formation AG2R La Mondiale tient à ce que le cas Valjavec ne soit pas assimilé à une dérive d'équipe...

Propos recueillis par Romain Scotto
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Le manager de l'équipe cycliste AG2R Vincent Lavenu, lors de la présentation de son équipe le 23 janvier 2007 à Paris.
Le manager de l'équipe cycliste AG2R Vincent Lavenu, lors de la présentation de son équipe le 23 janvier 2007 à Paris. — F.Fife/AFP

Convaincu de dopage à partir des  irrégularités de son passeport biologique, Tadej Valjavec ne fait plus partie de  la formation AG2R. L’équipe française a immédiatement mis à pied son coureur  slovène. A Vincent Lavenu, le manager de la formation, de gérer les conséquences  de ce dérapage…

Quel sentiment vous anime  aujourd’hui? Etes-vous toujours en colère contre votre coureur…

Oui, même si la colère n’amène à rien. Ça ne fait pas  avancer le schmilblick. On ne dirige pas une équipe, une entreprise de 50  personnes pour apprendre des mauvaises nouvelles comme ça. Ce qu’on veut, c’est  défendre l’image d’une équipe combative attachée aux valeurs du sport. On  ressent un sentiment de trahison évidemment. C’est comme un boxeur qui prend un  coup et qui met un genou à terre. On est dans les cordes mais il faut se  relever. C’est difficile. Moi, je ne dors pas bien la nuit.


Avez-vous parlé avec votre coureur?  Que vous a-t-il dit?

Je l’ai eu au téléphone hier (lundi). Son discours est  de dire qu’il n’a pas eu l’occasion de prouver sa bonne fois auprès des experts.  Il a eu un courrier auquel il a répondu mais on ne lui a pas permis de présenter  ses arguments. Voilà, c’est sa défense. Nous, on ne se positionne pas en défense  du coureur mais en respect des règles mises en place par la fédération. C’est à  lui de se défendre.


Quel genre de coureur est Tadej  Valjavec?

C’était un coureur qui ciblait ses objectifs et qui  prenait du temps pour s’entraîner. Il ne courrait pas énormément. C’est un  garçon qui devait faire 75 jours de course par an, ce qui n’est pas énorme. Un  coureur endurant, spécialiste des courses par étapes, pas un puncheur.


S’entraînait-il dans son coin ou en  groupe?

Je ne sais pas. En Slovénie, il a sûrement des  coéquipiers. Quand on faisait des stages, il était convié et il venait. Il  s’entraînait seul, oui, mais comme les autres. Les Français aussi. Vous les avez  sous la main en compétition et lors des stages. Mais le Breton qui habite à  800 km,  il s’entraîne tout seul. Chacun s’entraîne un peu dans son coin. Quand bien même  on les aurait sous la main, ça ne changerait rien aux bonnes ou mauvaises  intentions du coureur. S’il veut tricher il ne va pas prévenir tous ses  coéquipiers.

Vous n’avez pas le regret de ne pas  avoir discuté avant avec lui?

On parle souvent avec eux, la communication est  permanente. On les regroupe souvent. En stages, tous les sujets éthiques sont  évoqués. Les contrats sont bétonnés par rapport à ça. Le coureur qui vient dans  une équipe française sait à quoi il s’attend. Malgré toutes les précautions  qu’on prend, vous pouvez toujours avoir un garçon qui déraille. Il faut savoir  pourquoi. Voir son contexte familial, son histoire, sa vie. Je ne pense même pas  que ce soit une question d’argent s’il dérape. Les gars ont cette envie  d’atteindre des sommets au risque de ne pas respecter les règles. Ça fait partie  d’un contexte. On réduit les risques, mais ce n’est pas une  assurance-vie.


En incitant les coureurs à habiter  dans la même région, comme vous le faites avec les jeunes vous limitez les  risques de dérapage…

Parfois on force les coureurs à rester dans la région  Rhône-Alpes, par exemple. Mais si vous faites une proposition à un coureur  allemand ou belge, s’il a cinq ou six offres, vous êtes le seul à lui dire  d’habiter à Chambéry et bien, le mec, il ne vient pas, c’est sûr. Le contexte  familial du coureur est important. Il ne va pas laisser les gosses à la maison,  sa femme alors qu’il part 130 jours par an. On n’est pas dans le foot. Les  contrats ne sont pas les mêmes.


Après Paco Mancebo qui n’avait pu  prendre le départ du Tour il y a cinq ans pour votre équipe, y a-t-il un risque  à recruter des coureurs étrangers?

La question que l’on se pose, c’est qu’est ce qu’on fait  avec les leaders? Aujourd’hui j’aurais tendance à penser qu’on va se séparer de  beaucoup de coureurs venus de pays de l’Est. Parce qu’ils représentent un  danger. Quand on l’a recruté en 2007 on lui a demandé ses prises de sang et son  carnet de santé tout de suite. C’est systématique. Valjavec avait envoyé très  vite, dans la semaine tous ses éléments médicaux. Ce qui est rassurant. Parfois,  vous demandez à un coureur et il attend. Dans les paramètres biologiques, rien  ne laissait apparaître que ce coureur avait des variations douteuses.


Pour l’équipe quelles peuvent être  les conséquences d’une telle affaire?

L’image de l’équipe en prend un coup, les autres  coéquipiers se sentent trahis aussi. On garde une attitude volontariste. Quand  je téléphone au sponsor pour lui annoncer ce type de nouvelles, ça m’angoisse  passablement. En interne, il doit gérer cette mauvaise nouvelle. On est tous  inquiets de la façon dont ça peut être interprété au sein de l’entreprise qui  nous parraine, bien sûr. Mais il ne faut pas qu’on assimile ça à une dérive  d’équipe.