ACCUEILLa protection de l’enfance sous tension pour placer les enfants en danger

La protection de l’enfance « sous tension » pour placer les enfants en danger

ACCUEILLes départements alertent sur une situation « intenable » et « explosive » avant l’été
Charlotte Caubel, secrétaire d'Etat à l'Enfance, à l'Assemblée nationale.
Charlotte Caubel, secrétaire d'Etat à l'Enfance, à l'Assemblée nationale. - Bertrand Guay / AFP
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Confrontés à une hausse des placements d’enfants en danger et à un afflux de mineurs isolés étrangers, les départements alertent sur une situation « intenable » et « explosive » avant l’été dans le secteur de la protection de l’enfance.

Cette double pression complique leurs efforts pour se conformer à la loi Taquet de protection de l’enfance qui prévoit de ne plus recourir aux hôtels pour les héberger à partir de février 2024. Une mesure prise lorsqu’un jeune de l’aide sociale à l’enfance (ASE) en avait poignardé à mort un autre dans un hôtel en banlieue parisienne en 2019.

L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait estimé en 2021 que plus de 7.500 jeunes de l’ASE étaient hébergés en hôtels.

« Situation intenable »

Un décret d’application provisoire pour limiter, voire interdire dès maintenant, dans certains départements, l’hébergement à l’hôtel, est attendu. Si tout le monde est d’accord pour éviter l’hôtel, y parvenir s’avère plus compliqué avec la hausse du nombre de jeunes placés sous la protection de l’ASE, gérée par les départements, selon l’Assemblée des départements de France (ADF).

La secrétaire d’Etat à l’Enfance Charlotte Caubel reconnaît auprès de l’AFP « une très forte pression sur la protection de l’enfance, avec une augmentation des placements. Cela résulte de nos efforts pour libérer la parole sur les violences faites aux enfants et d’une augmentation des arrivées de mineurs non accompagnés, dont le nombre revient au niveau d’avant la crise sanitaire ».

« Les services de l’ASE sont sous tension. La situation est intenable et explosive », met en garde François Sauvadet, président de l’ADF. « Un tiers des mineurs confiés à l’ASE requerraient un suivi pédopsychiatrique. Or il y a une insuffisance de moyens. Les services sont saturés » sur fond de pénurie de soins en santé mentale, ajoute-t-il.

Flux de mineurs venus d’Italie

A cela s’ajoute un afflux de mineurs non accompagnés (MNA) dans les départements frontaliers de l’Italie. Les Alpes-Maritimes ont vu arriver « 2.600 MNA supplémentaires depuis le début de l’année et ne peuvent pas faire face à cet afflux. Dans toute la France, c’est 5.000 MNA en plus depuis le début de l’année. Dans mon département, la Côte-d’Or, une hausse de 30 % », explique M. Sauvadet.

Depuis les départements frontaliers, les MNA sont en effet répartis dans tous les départements selon une « clé de répartition ». Fin 2021, 20.000 MNA étaient pris en charge par l’ASE, selon l’ADF qui en prévoit 30.000 fin 2023, car le plus gros des arrivées a généralement lieu pendant l’été.

Les maires « pas toujours enclins » à l’accueil

S’ils sont jugés mineurs, ils sont confiés à la protection de l’enfance. Pendant l’évaluation de leur minorité, ils sont pris en charge par les départements. « Les mineurs isolés arrivent par vagues et les départements ne peuvent s’adapter en temps réel », relève l’ADF.

« Pour évaluer leur minorité, nous sommes passés en un an de quatre évaluateurs à 40, en demandant à des employés d’autres services sociaux de venir en renfort aux services de l’enfance, en travaillant weekends et jours fériés », explique Christine Teixeira, directrice générale adjointe chargée du développement des solidarités humaines au conseil départemental des Alpes-Maritimes.

« On mobilise tous les sites imaginables : hôtels, gymnase, fort militaire désaffecté. Mais dans un département touristique, ce n’est pas évident de les héberger dans des hôtels et campings. Et les maires ne sont pas toujours enclins à les accueillir », note Teixeira.

« Embolie des capacités d’accueil »

Le président de l’ADF fait état d’une « embolie des capacités d’accueil » en France, qui « compromet » selon lui les « capacités à mettre en œuvre la protection de l’enfance », alors que la prise en charge d’un MNA est évaluée à 50.000 euros par an.

Sur fond de débat sur une prochaine loi sur l’immigration, l’ADF a appelé l’Etat, dans un communiqué mi-juin, à « renforcer les moyens de la police et de la gendarmerie pour gérer les flux aux frontières ».

Les départements demandent que l’Etat « prenne en charge ces jeunes pendant la période d’évaluation de leur minorité », ajoute Sauvadet, arguant que « la politique migratoire relève de l’Etat, pas des départements ». Ils réclament aussi de sursoir à l’interdiction de placement en hôtel tant que cette pression migratoire se maintient.

Sans revenir sur l’objectif de renoncer aux hôtels pour 2024, le gouvernement est prêt à discuter du délai d’entrée en vigueur du dispositif transitoire et a « renforcé les moyens de contrôle à la frontière depuis plusieurs semaines », indique Charlotte Caubel.

Sujets liés