DIAGNOSTICLes cas de cancer du poumon explosent chez les femmes

Cancer du poumon : Les cas explosent chez les femmes, des fumeuses invitées à se faire dépister

DIAGNOSTICParmi les personnes atteintes d'un cancer du poumon, 16% étaient des femmes en 2000, 24,3% en 2010 et 34,6% en 2020
Le cancer du poumon est le cancer le plus mortel
Le cancer du poumon est le cancer le plus mortel - SIPA / Jaubert
20 Minutes avec agences

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Le cancer du poumon risque de devenir d’ici quelques années une véritable « pandémie » chez les femmes, invitées en ce moment en France à se faire dépister​ dans le cadre d’une expérimentation, avant une éventuelle généralisation. « Le cancer du poumon n’est plus une maladie d’hommes » : tel est le principal constat d’une étude présentée en janvier au congrès de pneumologie de langue française.

Réalisée tous les dix ans depuis 2000, elle mesure l’évolution de ces cancers pris en charge et diagnostiqués dans les centres non-universitaires en France. « Ce qu’on a constaté en 2020, c’est une augmentation très nette du contingent féminin dans le cancer du poumon », explique à son coordinateur, le pneumologue Didier Debieuvre (chef de service, GHRMSA-Mulhouse). « On est passé de 16 % de femmes [parmi les personnes] atteintes d’un cancer du poumon en 2000 à 24,3 % en 2010 et 34,6 % en 2020 ».

La crainte d’une « véritable pandémie »

Chez les moins de 50 ans, la parité est presque atteinte puisque 41,1 % des patients sont désormais des femmes. En cause, le développement du tabagisme féminin à partir des années 1960, le tabac étant à l’origine de ces cancers dans plus de 87 % des cas dans la population globale et 75 % chez la femme. Si, aux Etats-Unis, le cancer du poumon est déjà devenu la première cause de mortalité par cancer chez la femme, « on s’attend à ce que ce soit le cas en France d’ici peu », prévient le Dr Debieuvre, qui redoute une « véritable pandémie ».

Or ces cancers restent diagnostiqués trop tard, bien souvent au stade métastatique (58 % des cas), ce qui réduit considérablement les chances de survie. Plusieurs études ont démontré les bénéfices d’un dépistage par scanner. Aux Etats-Unis, l’augmentation de la détection précoce du cancer du poumon depuis 2014 a sauvé environ 10.100 vies, souligne une étude parue ce mercredi dans le British Medical Journal. En France, ce cancer n’est pas concerné par le dépistage organisé, comme c’est le cas du cancer du sein, du côlon ou encore de l’utérus, proposé systématiquement à l’ensemble d’une population cible.

« Surdiagnostic »

Les autorités sanitaires craignent essentiellement un risque de « surdiagnostic » : repérer des tumeurs qui n’évolueraient pas en cancer et donc imposer des traitements lourds et inutiles. Elles ont récemment entrouvert la voie à une généralisation possible. Dans un avis rendu en février, la Haute Autorité de santé (HAS) a encouragé « la mise en place d’expérimentations en vie réelle avant d’envisager le déploiement d’un programme de dépistage organisé à large échelle ».

Dans ce contexte, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) vient de lancer une étude pilote (intitulée « Cascade ») qui consiste à inviter 2.400 fumeuses ou ex-fumeuses, âgées de 50 à 74 ans, à se faire dépister. Elles doivent être originaires de Paris, Rennes, Grenoble ou Béthune, et ne pas présenter de symptômes de la maladie car il s’agit de faire de la prévention. « Durant deux ans, elles se verront proposer trois scanners à faible dose de rayons et un suivi médical », détaille Marie-Pierre Revel, cheffe de service à l’hôpital Cochin, qui supervise ce projet.

« Aide au sevrage »

« En France comme en Espagne, la situation épidémiologique chez les femmes est extrêmement inquiétante avec une hausse du taux de mortalité due à ce cancer de 3 % tous les ans », insiste-t-elle, justifiant le choix d’une cible exclusivement féminine. Plusieurs études ont montré que le scanner permet de détecter très tôt des petites tumeurs débutantes, réduisant considérablement le risque de décès. Chez les femmes, il serait diminué de 59 % huit ans après le début du dépistage.

L’objectif n’est donc pas tant de démontrer l’intérêt du dépistage, mais plutôt de déterminer quelles pourraient être les modalités d’un dispositif plus massif, s’il était décidé. « Une des questions concerne la lecture des scanners : peut-elle être faite par un seul radiologue, formé et aidé d’un logiciel d’intelligence artificielle ? », illustre par exemple Marie-Pierre Revel. Pour le moment, quelque 500 femmes se sont manifestées pour participer au dépistage. Cette invitation est aussi l’occasion de proposer « une aide au sevrage ». Il faut arriver à « débanaliser le fait de fumer », conclut Marie-Pierre Revel.

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