témoignage« Ca me hantera toute ma vie »… Un père de famille près de Gaza témoigne

Guerre Hamas - Israël : « Ça me hantera toute ma vie »… Il a vécu l’attaque avec sa femme et leur bébé

témoignageAdrien, 43 ans, se trouvait en vacances samedi à quelques kilomètres de la bande de Gaza, avec sa femme et leur nourrisson, quand l’attaque du Hamas a eu lieu
Une route jonchée de véhicules incendiés et criblés de balles à Sdérot, en Israël, le samedi 7 octobre 2023.
Une route jonchée de véhicules incendiés et criblés de balles à Sdérot, en Israël, le samedi 7 octobre 2023.  - Ohad Zwigenberg / AP/SIPA
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Adrien, un Français de 43 ans, se trouvait en vacances samedi à quelques kilomètres de la bande de Gaza, avec sa femme et leur nourrisson, quand l’attaque du Hamas a eu lieu.
  • Logés dans le kibboutz de Gevim, juste en dessous de Sdérot, ils ont vécu calfeutrés pendant 24 heures avant de se sauver pour rejoindre Tel-Aviv.
  • Le jeune père de famille, qui cherche à regagner la France, a accepté de raconter à 20 Minutes ses quatre dernières journées.

«J’ai surtout pensé à mon enfant », confie Adrien, la voix tremblotante. Le Français se trouvait en vacances à quelques kilomètres de la bande de Gaza, avec sa femme et leur nourrisson, quand l’attaque du Hamas a eu lieu samedi. Logés dans le kibboutz de Gevim, juste en dessous de Sdérot, ils ont vécu calfeutrés pendant 24 heures avant de se sauver pour rejoindre Tel-Aviv. Le jeune père de famille, qui cherche à regagner la France, a accepté de raconter à 20 Minutes ses quatre dernières journées.

Samedi, peu avant 5 heures du matin, Adrien et sa femme recouchent leur bébé de 9 mois, à qui ils viennent de donner le biberon, quand ils entendent une alarme retentir. Briefés par la belle-famille, ils savent ce que cela signifie. Ils savent également qu’étant tout proche de la bande de Gaza, ils n’ont que quinze secondes pour se mettre en sécurité. « On a pris notre enfant et on a couru jusqu’à l’abri de la maison. Dans les secondes qui ont suivi, on a entendu les tirs des missiles d’interception et des missiles tomber au loin. Tout ça est allé très vite. Il y a eu plusieurs vagues de roquettes, ça a sonné de manière quasiment continue pendant plusieurs minutes. »

Nez à nez avec des soldats du Hamas

Pendant ce temps, dans son abri, Adrien scrolle sur son smartphone. Il découvre rapidement l’ampleur de l’attaque du Hamas. « J’ai vu les alertes sur les potentielles intrusions, ce qui était encore plus préoccupant. D’autant qu’à l’extérieur, on pouvait déjà entendre des coups de feu. »

Quelques minutes plus tard, sa femme reçoit un message sur le groupe WhatsApp du kibboutz. Des soldats du Hamas sont à l’entrée du quartier. « Dès la première alerte, des volontaires qui sécurisent le kibboutz sont sortis et se sont retrouvés nez à nez avec des terroristes qui tentaient de rentrer par le portail. Comme ils ont rencontré une résistance, les soldats du Hamas ont préféré partir. Sans cette résistance, le kibboutz de Gevim aurait sûrement fait partie de la sombre liste de ceux ayant été massacrés. » A moins de 9 km de là, celui de Kfar Aza a été la cible d’un massacre d’une vaste ampleur.

Calfeutrés pendant 24 heures

Après l’attaque, le couple reste calfeutré 24 heures dans la maison. « La nuit de samedi à dimanche a été ponctuée par des coups de feu. Il y avait des combats à Sdérot et dans les kibboutz aux alentours. Malgré les volets fermés, on voyait des flashs quand il y avait des assauts. » Le couple n’a désormais plus qu’une idée en tête : se sauver de Gevim pour rejoindre Tel-Aviv, bien plus éloignée de la bande de Gaza.

Le dimanche, alors que les soldats israéliens sécurisent les abords du quartier, la famille profite d’une accalmie pour s’échapper. « En sortant, on a vu les véhicules des volontaires criblés de balles. On aurait dit une scène de film. Il n’y avait pas dix centimètres carrés de tôle qui n’étaient pas perforés. » Le couple décide de faire un détour pour rejoindre Tel-Aviv, car la route vers Sdérot n’est pas encore sécurisée. « Il y avait encore des terroristes dans Sdérot, et la route qui menait jusqu’à Tel-Aviv correspond au couloir survolé par les roquettes, donc il y avait un fort risque que l’une tombe sur cet axe-là. »

« Ce détail me hantera toute ma vie »

La famille choisit de passer par le sud pour remonter ensuite vers Tel-Aviv. « On est passé par la route qu’avaient empruntée les terroristes la veille. Sur des kilomètres, on a vu des véhicules criblés de balles, incendiés, éventrés. Je me souviens très bien d’une voiture sur laquelle on voyait la trace ensanglantée de la main d’une personne qui a sûrement voulu s’extraire pour sauver sa vie. Ce détail me hantera toute mon existence. » Adrien s’estime pourtant chanceux. Quand il a traversé la route, l’armée israélienne venait de récupérer tous les corps jonchant le bitume. « A quelques heures près, on les aurait tous vus. »

La famille a pu rejoindre un kibboutz près de Tel-Aviv. « C’est une autre ambiance. Là, on a 90 secondes pour se mettre à l’abri. C’est quasiment du luxe. Les tirs sont moins denses, moins fréquents. C’est amplement plus supportable. »

Même si Adrien se dit « beaucoup plus serein », le quadragénaire n’a plus qu’un seul objectif : regagner la France au plus vite. « Malheureusement, de nombreuses compagnies aériennes européennes ont annulé leurs vols et tous ceux maintenus sont pris d’assaut. » La famille devrait décoller pour Paris jeudi, mais Adrien redoute que leur vol ne soit annulé. Il le reconnaît, il est encore stressé. Dans sa tête, une seule question : « Comment je vais évacuer mon enfant ? »

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