Comment Jeffrey Dahmer, l’un des serials killer les plus terrifiants de l’histoire, est-il devenu un mème ?

morbide Vidéos Tik Tok humoristiques, mèmes, t-shirts à son effigie ou encore soirées spéciales… La figure de Jeffrey Dahmer, serial killer cannibale, semble passionner Internet, quitte à tomber dans le glauque

Pauline Ferrari
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Evan Peters dans le rôle-titre de la série « Monstre, l'Histoire de Jeffrey Dahmer »
Evan Peters dans le rôle-titre de la série « Monstre, l'Histoire de Jeffrey Dahmer » — Netflix
  • Sur les réseaux sociaux, Instagram et TikTok en tête, les vidéos parodiant ou faisant référence au tueur en série Jeffrey Dahmer explosent
  • Le tueur en série fait l’objet d’une mini-série réalisée par Ryan Murphy, qui bat tous les records d’audience depuis son lancement
  • Obsession morbide, syndrome du sauveur et humour noir : les tueurs en série ont toujours fasciné Internet

C’est une des séries les plus regardées sur Netflix, qui a cumulé 500 millions d’heures de visionnage durant les 28 premiers jours de sa diffusion et a suscité beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux : Monstre, l’Histoire de Jeffrey Dahmer, série de fiction autour de la vie et des crimes du serial killer surnommé Le Cannibale de Milwaukee a battu tous les records. Pour rappel, Jeffrey Dahmer (interprété dans la mini-série de Ryan Murphy par l’acteur Evan Peters) est un tueur en série, décédé en 1994, qui a assassiné 17 jeunes hommes gays dans les années 1980, pour la plupart afro-américains.

Rapidement, la figure de Jeffrey Dahmer et l’univers qui y est associé (dont ses instruments de torture, ou son cannibalisme) sont devenus viraux en ligne : mèmes en pagaille, vidéos parodiques sur TikTok, vente de produits à l’effigie du tueur en série, explosion des ventes de déguisement en vue d’Halloween… Au point que même l’ancien ministre des transports, Jean-Baptiste Djebbari, y fasse référence dans une vidéo Tik Tok pour parler du 49.3, suscitant un bad buzz au passage. Sonya Lwu, qui tient une chaîne YouTube spécialisée sur les affaires criminelles et la criminologie, a l’impression que « les gens déconnectent avec le réel parce que c’est une série et non un documentaire, et à un aucun moment on n’indique que la série est inspirée de faits réels ». Avant d’ajouter : « le problème d’Internet, c’est que des choses deviennent virales et que tout le monde vient y rajouter son grain de sel, même sous couvert de maladresse ».


La fascination pour les tueurs en série, un phénomène loin d’être nouveau

Une maladresse qui peut aller loin, comme le Complex Club, boîte de nuit d’Aix-en-Provence, qui a décidé de dédier toute une soirée au tueur en série à l’occasion d’Halloween. Dans un montage relayé sur son compte Instagram, le club montrait des images de véritables victimes du meurtrier ainsi que des scènes de crime ensanglantées. Une communication et un thème macabre qui ont valu au club des centaines de messages d’insultes sur les réseaux sociaux. « Les gens tombent des nues avec ça, mais la fascination pour les serials killer a toujours existé : quand on regarde Ted Bundy ou même Landru en France… Dahmer était déjà un mème avant la série » explique Sonya Lwu. Y compris avant la production de la mini-série par Ryan Murphy, des tueurs en série comme Jeffrey Dahmer avaient déjà leurs mèmes. « Je pense que ça fait partie d’un mécanisme de défense sur ce genre d’actes horribles, c’est un humour très noir qui permet de souffler sur ce type de sujets » analyse l’experte en criminologie.




Mais comme d’habitude sur Internet, le succès soudain de la série a surpris tout le monde, y compris les créateurs de contenus « True Crime », spécialisés en affaires criminelles. « J’ai ressenti la même chose après la sortie de Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile, le biopic sur Ted Bundy (joué par Zac Efron, N.D.L.R.), mais en plus accentué » s’étonne Sonya Lwu. La série semble avoir touché un large public, y compris pas forcément fans d’affaires criminelles. « Soit les gens ont adoré, soit ils ont détesté, mais personne n’est resté indifférent » ajoute Sonya Lwu. Comme beaucoup de séries, celle de Ryan Murphy a bénéficié d’une popularité en effet boule de neige, où tout le monde s’est mis à la regarder en même temps. Un succès auquel il faut ajouter sa sortie à quelques semaines d’Halloween…

Syndrome du Saint-Bernard et un récit qui oublie parfois les victimes

Comme le rappelle Sonya Lwu, la fascination parfois obsessionnelle pour les tueurs en série ne date pas d’hier. Elle donne l’exemple de Richard Ramirez, un tueur en série surnommé Le Traqueur, ayant commis une dizaine de viols et 14 meurtres à Los Angeles et San Francisco en 1985. Condamné à la peine de mort, il a reçu, comme beaucoup d’autres tueurs en série, des dizaines de lettres d’amour de jeunes filles. « Je raccroche beaucoup ça aux femmes, avec un peu la volonté de protéger ces personnes. C’est ce que j’appelle le syndrome du Saint-Bernard : on va s’identifier à l’outsider, au mec incompris, en se disant que s’il avait reçu plus d’amour, ça irait mieux » développe la spécialiste en criminologie.



Certaines vidéos ou messages sur les réseaux sociaux se centrent même sur un argumentaire visant à « excuser » Dahmer, sans tenir compte des victimes et de ce qu’elles ont pu subir. Dans le cas de la mini-série de Ryan Murphy, les familles des victimes n’ont pas été consultées. Si de manière globale, les récits autour des tueurs de série se centrent beaucoup autour d’une certaine romantisation des auteurs de violence, Sonya Lwu a été assez étonnée du traitement fait par la série. « Les premiers épisodes sont très centrés sur lui, et plus tu avances, plus il y a une énorme place qui est faite aux victimes et leurs familles. La série ne parle pas tant de Dahmer » ajoute-t-elle. Si les reproches des familles de victimes à Ryan Murphy sont légitimes, « la série n’est pas le pire truc que j’ai pu voir en ce qui concerne le traitement des victimes ». À quelques jours d’Halloween, la polémique autour de la figure de Dahmer semble continuer…