Svalbard, l’aventure ultime dans un sanctuaire de nature polaire
GRAND NORD Les micro-croisières ont le vent en poupe. Ce concept de navigation d’exploration sur des navires de petite taille est particulièrement bien adapté à la découverte du Svalbard, de ses fjords glaciaires et de leur seigneur : l’ours polaire
On ne peut pas les rater. Aux trois sorties de Longyearbyen, des panneaux « Attention aux ours polaires » préviennent les téméraires de passage dans ces confins extrêmes : gjelder hele Svalbard (valable partout au Svalbard) ! Au-delà de ces limites, l’archipel norvégien des « Côtes froides » est le royaume d’environ 3.500 plantigrades aussi puissants qu’imprévisibles. Longyearbyen, la colonie humaine la plus septentrionale de la planète, ne regroupe, quant à elle, que 1.600 âmes qui ont fait de l’ours leur mascotte. D’avril à septembre, lorsque le soleil de minuit fait grimper le thermomètre au-dessus de zéro, cette « capitale » devient le point de départ de croisières d’exception autour du Spitzberg, l’île principale du Svalbard, à la rencontre de sa nature arctique et de son superprédateur emblématique.
Une église, deux musées, des boutiques détaxées et quelques pubs permettent aux douze passagers du MV Togo de patienter à Longyearbyen avant l’embarquement. Reconverti en bateau d’expédition polaire, cet ancien navire de pêche affrété par Secret Atlas est capable de s’introduire dans des fjords inaccessibles aux bateaux de taille conventionnelle. Le concept de micro-croisière défendu par la compagnie est basé sur cette capacité d’approche ainsi que sur la flexibilité du parcours. Au départ du périple, le chef d’expédition Andreas Umbreit n’a qu’une seule certitude : le sens de la circumnavigation. « La suite du programme dépendra des souhaits du groupe, des opportunités d’observations et surtout des aléas climatiques… » Chaque voyage du Togo dessine ainsi, au fil des jours, un itinéraire unique.
Une terre convoitée
De par leur situation géographique, à mi-chemin entre les îles russes de François-Joseph et le Groenland, par 78 degrés de latitude Nord, les solitudes glacées du Svalbard attisent depuis longtemps l’appétit d’hommes aux motivations diverses. Chasseurs de baleines, trappeurs, explorateurs, mineurs, stratèges et scientifiques se sont tour à tour installés dans ce Far West polaire.
Le Spitzberg doit son nom d’« Île aux montagnes pointues » au Hollandais Willem Barentsz qui la découvrit en 1596. Les navigateurs, qui l’explorèrent ensuite, relatèrent l’abondance des cétacés dans ses fjords profonds. À une époque où l’Europe s’éclairait à l’huile, il n’en fallut pas plus pour déclencher de gigantesques campagnes de chasse, massacrant baleines et morses jusqu’à leur quasi disparition.
Au XIXe siècle, l’archipel toujours libre de souveraineté fut également un camp de base pour de retentissantes expéditions à la conquête du pôle Nord, distant d’à peine mille kilomètres. Ce n’est qu’en 1920 que le « Traité concernant le Spitzberg » attribua l’administration de l’archipel à la Norvège. Le permafrost du Svalbard renfermant un charbon d’excellente qualité, une clause du traité autorisait chacune des nations signataires à y installer une concession d’exploitation. Depuis, la valeur de ce minerai polluant s’est effondrée, mais la Russie maintient toujours à grands frais sa présence à Barentsburg. Une halte insolite pour les passagers du Togo qui peuvent y déguster la bière brassée la plus au nord du monde, sous le regard imperturbable de Lénine.
Les lois de la nature
Bien que la présence russe à Barentsburg soit aujourd’hui plus géopolitique qu’économique, le Svalbard reste un sanctuaire naturel totalement démilitarisé. Le territoire compte trois parcs nationaux et une quinzaine de réserves ornithologiques. Depuis 1993, l’archipel possède aussi son université où les biologistes, géologues, glaciologues et géophysiciens du monde entier sont invités à étudier le milieu polaire. Depuis le Togo, les excursions quotidiennes en zodiac sont autant d’occasions pour des observations naturalistes. Quelque 165 espèces de plantes attirent une trentaine de variétés d’oiseaux migrateurs, comme les guillemots, les macareux, les sternes ou encore les fulmars qui semblent s’amuser à surfer sur les courants d’air créés par le navire.
Les randonnées à terre, à l’assaut des moraines permettent de prendre un peu de hauteur. Aucun sentier n’est tracé sur cette terre vierge où l’on chemine à petits pas prudents sur des amas de roches explosées par le gel. Mais les efforts sont récompensés par le spectacle de glaciers dont les séracs se déclinent en d’infinies variations de bleu. Les entrailles de ces géants conservent des poussières, des pollens, de l’eau et de l’air datant de plusieurs milliers d’années. Autant de fragments d’éternité qui finissent inexorablement par se dissoudre dans l’océan. Pionnier du tourisme au Svalbard, Andreas Umbreit le constate : « Certains glaciers ont reculé de plusieurs centaines de mètres depuis mon arrivée dans la région en 1986 ».
Le réchauffement climatique, particulièrement sensible à ces latitudes, affecte aussi la banquise, si importante dans le mode de vie des ours polaires. Certains d’entre eux y passent la plus grande partie de leur vie à chasser le phoque. Cette année, le Togo doit voguer au-delà de l’archipel, jusqu’à 81 degrés Nord pour enfin apercevoir ce roi de l’Arctique affalé sur son trône de glace. Celui-ci est repu. Son museau sanguinolent trahit un récent festin de viande fraîche. Quelques photos pour immortaliser la rencontre et les passagers frigorifiés doivent déjà se réfugier dans la chaleur du bateau. Car il en va ainsi dans cette région aussi belle qu’inhospitalière. La même règle s’impose à tous les êtres vivants : survivre.
Y aller
Le Svalbard n’est pas membre de l’espace Schengen. Son accès nécessite donc la présentation d’un passeport valide et, depuis juillet 2021, d’un certificat Covid européen. À l’aéroport de Longyearbyen, un ours blanc plus vrai que nature met d’emblée les voyageurs dans l’ambiance ! La destination est desservie plusieurs fois par semaine, en 3 heures seulement au départ d’Oslo, mais à des horaires qui nécessitent souvent de patienter une nuit, à l’aller comme au retour.
Situé à deux minutes chrono du Terminal international, le Radisson Blu Airport Oslo Gardermoen est l’adresse la plus pratique pour passer ces nuits de transit en toute sérénité. Ses vastes chambres au décor élégant et bien équipées sont propices au repos. À l’heure du petit-déjeuner, un immense buffet permet d’envisager son voyage avec le plein d’énergie.
Micro-croisières
Avec un maximum de douze passagers à bord, les voyages du MV Togo entrent dans la catégorie des micro-croisières d’expédition. Au Svalbard, cette formule de circuits intimistes est la spécialité de Secret Atlas. Cette jeune compagnie anglo-italienne, fondée par deux passionnés des latitudes polaires, propose ainsi des expériences uniques dans un esprit d’exploration.
Loin des routes empruntées par les bateaux de plus grande capacité, les itinéraires du Togo sont conçus pour éprouver au plus près la réalité de l’Arctique. Son faible nombre de passagers garantit des transferts rapides en zodiac vers le rivage pour profiter plus longtemps de la vie sauvage, sans la déranger. En effet, ces voyages en petits groupes ont un impact réduit sur l’environnement. Ils favorisent par ailleurs la convivialité tout en maintenant un haut niveau d’exigence sanitaire.
Deux types de circuits sont proposés, de 9 ou de 15 jours, avec certains départs dédiés aux photographes. Aucune dépense n’est à prévoir à bord du Togo. Tout est inclus, des savoureux repas aux boissons et gâteaux partagés dans le confortable salon à chaque retour d’excursion. À noter qu’aucune connexion à internet n’est à espérer dans ces confins du monde.