Les Canaries déploient une prodigieuse variété de paysages au large du Sahara
EVASION De massifs volcaniques en villages pittoresques, les îles Canaries rehaussent de touches culturelles l’un des plus beaux tableaux de la nature
Les Canaries sont des îles paradoxales, à la fois sublimes et inquiétantes. À quelques encablures des côtes africaines, l’archipel espagnol est une œuvre d’Art volcanique à la beauté diabolique. Les mythes de l’Antiquité racontent que ces « îles Fortunées » auraient été façonnées par des Atlantes très inspirés. Dans leur frénésie créative, ces colosses légendaires auraient utilisé toutes les couleurs à leur disposition pour concevoir ici les panoramas les plus exubérants. En effet, très peu d’endroits sur la planète possèdent une telle concentration de sites exceptionnels.
Moins portés sur les fables poétiques, les conquistadors espagnols mirent quasiment tout le XVe siècle à prendre possession de ces sept îles farouchement défendues par des indigènes aux origines berbères. Avec la colonisation, le mystère des Canaries s’estompa, et leurs splendeurs furent mieux connues. Toutes différentes, les unes sculptées par l’océan et les alizés, les autres par le souffle chaud du Sahara, ces îles partagent néanmoins un atout essentiel : un climat subtropical extraordinairement doux et régulier. S’il existe un pays de l’éternel printemps, c’est bien celui-là.
Tenerife, la rousse
Célèbre pour ses stations balnéaires vouées à l’hédonisme de masse, la plus vaste île des Canaries est également très prisée des voyageurs actifs, amateurs de grands espaces. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, son parc national du Teide est le plus fréquenté d’Europe ! Impressionnés par le gigantisme de ce stratovolcan posé sur l’océan, les premiers navigateurs y voyaient le mythique Atlas soutenant la voûte céleste. Culminant à 3.718 m, le pic flamboyant du Teide émerge d’une immense caldeira aux contours chaotiques, que l’on visite entre coulées de lave figées et cheminées de fées.
Mais Tenerife possède bien d’autres merveilles naturelles et culturelles. La moitié de son territoire est classé en zones protégées. Loin des foules de la côte sud, les parcs ruraux Anaga et Teno déroulent une gamme extravagante de paysages et comptent chacun de nombreux sentiers de randonnée parfaitement entretenus. Entre ces deux massifs primitifs, la partie nord de l’île est, quant à elle, ponctuée de vieilles cités prestigieuses où il fait bon flâner, comme La Orotava, Garrachico, et surtout La Laguna, dont l’architecture inspira celle de La Havane, à Cuba.
Gomera, la verte
Les Canaries sont à la flore mondiale ce que les Galápagos sont à la faune. Elles comptent à elles seules plus d’espèces endémiques que tous les pays d’Europe réunis ! Désignée « réserve de biosphère » par l’Unesco, La Gomera illustre cette invraisemblable luxuriance. Dans l’ombre de sa grande voisine Tenerife, cette petite île circulaire reste peu fréquentée. On y vient surtout pour randonner parmi des arbres courbés sous le poids de la mousse.
Sur les hauteurs centrales hérissées de pics basaltiques, le parc national de Garajonay est un dôme de verdure perpétuellement nimbé de brumes épaisses. Cette humidité nourrit une forêt primaire de lauriers : une laurisylve dans laquelle s’épanouissent des bruyères géantes, hayas, genévriers et fougères. Une fois sortis du brouillard et de ses sortilèges, les nombreux sentiers de l’île proposent aux plus sportifs de dévaler les barrancos, souvent aménagés en terrasses. Ces étroites vallées encaissées plongent vers des rivages également chargés d’histoire. La Gomera fut en effet la dernière halte de Christophe Colomb avant sa découverte du Nouveau Monde.
Fuerteventura, la blonde
L’île de la « Bonne Aventure » doit son nom au gentilhomme normand Jean de Béthencourt, qui entreprit la conquête des Canaries au nom du roi d’Espagne en 1402. Son fief colonial, Betancuria, fait aujourd’hui figure d’oasis esseulé dans un environnement décharné et brûlant. Fuerteventura est la plus vieille île de l’archipel. La plus aride aussi. Érodée pendant des millénaires, elle n’a plus de relief assez haut pour retenir les nuages et leur précieuse humidité.
Ce « squelette d’île », selon l’expression du philosophe Miguel de Unamuno, est poncé par les vents chauds qui déposent sur ses rives le sable du Sahara tout proche. Sur la côte nord, le parc naturel de Corralejo est un véritable petit désert dont les vagues de dunes dorées ondulent à perte de vue. Au total, Fuerteventura compte 150 km de plages. Exposées aux déferlements océaniques ou protégées par des remparts naturels de roches, elles sont toutes plus photogéniques les unes que les autres ! Dans le parc naturel de Jandia, celle de Cofete est la plus longue de toutes : 15 km de sable immaculé, gardés seulement par quelques chèvres solitaires.
Lanzarote, la brune
La plus énigmatique des Canaries n’est qu’à quelques brasses des plages exubérantes de Fuerteventura. Mais sur Lanzarote, mieux vaut rester discret. Car ici, les volcans viennent tout juste de s’endormir. On en dénombre près de 300 sur l’île, dont une trentaine dans le parc national de Timanfaya. Assoupies depuis 1824, ces « montagnes de feu » restent menaçantes.
Aux abords du restaurant El Diablo, conçu par l’incontournable artiste local César Manrique, il suffit de mettre la main au sol pour sentir gargouiller les entrailles de la terre. Tout autour, la campagne n’est que chaos : monticules de scories coupantes, failles béantes, crevasses incandescentes… Enracinés dans cette apocalypse minérale, les habitants de Lanzarote sont des modèles de résilience. Leurs maisons blanches se dressent fièrement au milieu d’inextricables labyrinthes de lave noire. Leur ingéniosité a même rendu le sol fertile dans la vallée de La Geria. Abrités derrière des murets de pierre semi-circulaires, des pieds de vigne verdoyants émergent, tel un mirage, d’un océan de cendres. Ultime prodige esthétique auquel les Atlantes n’avaient même pas pensé !
Y aller
Plusieurs compagnies à bas coût desservent les différents aéroports internationaux des Canaries pour moins de 100 euros AR. On se déplace ensuite d’île en île en ferry ou en petit avion à hélices. Louer une voiture est recommandé pour s’aventurer hors des sentiers battus. Prudence toutefois sur les routes de montagne aux lacets vertigineux !
Se loger
Installé dans un ancien palais de la capitale historique de Tenerife, l’hôtel de charme Laguna Nivaria est idéalement situé pour rayonner sur l’île. Sur La Gomera, le confortable hôtel Gran Rey étale, quant à lui, sa longue façade face aux couchers de soleil. Également posé sur la plage, le Royal Palm de Fuerteventura est un resort haut de gamme, réservés aux adultes. Les familles opteront plutôt pour un complexe d’appartements avec piscine, comme celui de Villa Canaima sur Lanzarote.
À voir
Entre les falaises basaltiques des îles Canaries, les profondeurs océaniques sont fréquentées par des calamars dont raffolent les cétacés globicéphales, dits aussi baleines pilotes. Cette population « résidente » de plusieurs dizaines de familles se laisse volontiers approcher par les voiliers de Tenerife et les catamarans de La Gomera. À l’occasion d’une excursion sur ce type de petites embarcations, il n’est pas rare d’apercevoir aussi tortues marines, grands dauphins, cachalots et rorquals de Bryde.
Renseignements
L’office de tourisme des Canaries propose une bonne introduction à la destination.