Bordeaux : « Une paire de baskets Zèta c’est 3 kg de déchets recyclés, dont du marc de raisin », explique la fondatrice de la marque
INTERVIEW Laure Babin, jeune diplômée bordelaise en commerce, vient de créer sa marque de baskets Zèta en lien avec l’entreprise italienne Végéa qui produit du « cuir » de raisin. Les précommandes ont été un succès et le site marchand sera lancé d’ici un mois
- Une jeune Bordelaise vient de lancer une marque de baskets fabriquées à partir de déchets recyclés dont du marc de raisin issu de la viticulture.
- Sa campagne de précommandes a très bien fonctionné et le site marchand sera opérationnel d’ici un mois.
- Elle propose aussi à ses clients de lui renvoyer les paires usagées en échange d’un bon d’achat pour les recycler en combustible vert.
Destiné à être jeté par les viticulteurs, le marc de raisin (qui désigne les résidus secs après le pressurage des grappes) pourrait bien se retrouver à vos pieds. Diplômée d’un Master en Buisness Développement, Laure Babin, 23 ans, a eu l’idée de l’incorporer à la fabrication de sa marque de baskets zéro déchets Zèta, lancée le 7 septembre dernier.
Elle a bénéficié de l’accompagnement de l'incubateur de l'université Ubee lab pendant un an pour se lancer et va bientôt intégrer une pépinière bordelaise pour accélérer le développement de son produit. Elle répond aux questions de 20 Minutes sur la conception de ces chaussures hors normes.
D’où part l’idée d’utiliser des résidus issus de la viticulture ?
J’ai toujours été passionnée de mode : tous mes stages je les ai faits dans le secteur du textile et des chaussures. La ligne directrice de mon projet était vraiment de créer une paire de baskets uniquement à partir de produits recyclés. Alors, quand je suis tombée sur le cuir de raisin, fabriqué à partir de déchets de la production viticole dans la région de Milan, je me suis dit que ça collait aux valeurs zéro déchet que je voulais véhiculer avec Zèta et cela faisait aussi sens du cuir de raisin dans la région bordelaise.
Comment fait-on du cuir de raisin et pourquoi appelle-t-on ça du cuir ?
Le marc de raisin est déshydraté puis broyé et ensuite intégré à d’autres matériaux recyclés (plastique, coton, caoutchouc et liège). On y ajoute des huiles végétales et tout ça va être mélangé, chauffé puis étalé en une plaque qui sera teinte puis découpée pour en faire au final des rouleaux de cuir.
On ne devrait pas l’appeler cuir parce qu’il n’y a pas d’origine animale mais l’entreprise italienne Végéa qui a mis au point ce matériau et qui en détient le brevet utilise cette formule car elle est plus simple à comprendre pour le consommateur. Cela ressemble visuellement à du cuir, il présente un aspect grainé et il est très souple.
Quelle est la proportion de marc de raisin et est-ce que 100 % des matériaux sont des déchets recyclés ?
Il faut 2,5 kg de marc de raisin pour faire un m² de cuir de raisin. Et une paire de Zèta, c’est 3 kg de déchets recyclés au total. On a été obligé d’incorporer 15 % de caoutchouc neuf en plus des chutes de caoutchouc pour la semelle extérieure car sinon le produit ne résistait pas à la cuisson.
Les résidus de raisin viennent-ils de la région de Bordeaux ?
Vegea s’approvisionne déjà auprès de vignerons dans la région de Milan et a déjà un système bien rodé donc on ne peut pas intervenir en termes de logistique. Mais on a reçu beaucoup de demandes de domaines de Bordeaux et d’ailleurs en France car ils ont un vrai intérêt à cette réutilisation du marc de raisin, dont ils jettent des tonnes et des tonnes chaque année. On verra ce qu’on peut faire, il est trop tôt pour en dire plus pour l’instant.
Et où sont fabriquées les baskets ?
Les chaussures sont confectionnées dans un atelier familial au Portugal qui a fait des tests de résistance sur le cuir de raisin. Cela nous a pris huit mois d’échanges pour affiner le produit, j’ai redessiné plusieurs fois les baskets et la conclusion a été probante : c’est une super alternative au cuir !
La commercialisation a commencé le 7 septembre avec une campagne de crowdfunding qui a permis de recueillir 2.700 commandes alors qu’on avait besoin de 100 paires et que je rêvais qu’on atteigne 500. Les gens ont été très réceptifs. Le projet arrive à un bon moment où on repense nos pratiques de consommation.
Avez-vous dessiné le modèle vous-même ?
Oui c’est le modèle alpha. Je l’ai voulu simple unisexe et qui peut correspondre à tous les âges. On le trouve en cinq coloris. Il est disponible uniquement en ligne et le sera dans quelques points de vente en France et Europe, courant 2021. Le prix de revient est assez élevé car le cuir de raisin, assez peu utilisé, coûte cher et il y a un vrai processus de transformation. Le prix de vente est de 129 euros la paire de baskets. Un nouveau modèle, tout noir, sera proposé dans environ un mois en même temps que le lancement du site marchand.
Et vous avez aussi prévu la prise en charge de la fin de vie de vos chaussures. Expliquez-nous.
On voulait que les chaussures soient recyclables jusqu’à la fin, on ne voulait pas que ce soit un déchet supplémentaire. On propose aux clients de nous les renvoyer gratuitement contre un bon achat lorsqu’elles sont usées. Nous les collecterons pour les envoyer à l’entreprise Gebetex, en Normandie, qui se charge de les recycler en combustible vert. Elles seront broyées avec d’autres déchets textiles. On a voulu anticiper la fin de vie du produit au maximum.