Vous avez interviewé Martine Daoust pour «La Réforme... Oui mais sans rien changer!»
VOS QUESTIONS L'ancienne rectrice de l'académie de Poitiers vous a répondu...
[Le chat est terminé]
J’ai essayé, dans ce livre, de raconter ce qu’on ne dit jamais.
Il est temps de valoriser le travail qui est fait dans les classes et de repenser le rôle de l’enseignant dans l’Ecole, ses tâches, son action dans l’accompagnement des élèves les plus en difficulté, bref, de changer le statut des enseignants.
Il nous faut construire une école qui transmet les fondamentaux (lire, écrire, compter, comprendre) et surtout qui donne aux élèves qui en sortent les outils nécessaires à l’insertion professionnelle.
Ce sont les plus fragiles qui en ont besoin.
UnkleDark: Concernant la formation (ESPÉ). Les enseignants sont les mêmes qu’à l’IUFM. Je note, pour en faire partie, les mêmes manquements à la formation. Les enseignants de primaire ne sont presque pas sollicités. J’en atteste, les profs d’IUFM (pardon ESPÉ), refusent de travailler en binôme comme prévu. On a parlé de refondation. Pourtant, lorsque l’on «refonde», on efface l'existant pour le refaire complètement. Là, on maquille, on «customise»... Quand entreprendra-t-on une VRAIE refondation?
Je me pose les mêmes questions que vous…
Ce sont ceux qui n’ont jamais vu les élèves -ou depuis si longtemps- qui enseignent! Allez comprendre…
Christian: Pourquoi, à nombre d’élèves égal, la France dépense deux fois plus que les autres pays de l’Europe pour des résultats moindres? Il faut dégraisser le mammouth!
Le gouvernement précédent a essayé…
Voyez le résultat! Il faudra vous en souvenir!
CelineG: Les recteurs d'académie, sont souvent nommés en fonction du gouvernement en place. Vous semblez avoir quitté votre poste peu après mai 2012. Trouvez-vous normal que la fonction d'un recteur soit, au même titre qu'un préfet, directement dépendante de l’Etat et des personnes en place? Ne regrettez-vous pas ce côté un peu trop "politique" lié à votre ancien poste?
Les recteurs représentent les ministres de l’éducation et de la recherche. Ils sont en poste pour défendre et soutenir la politique des ministres qu’ils représentent…
Autant être en accord et défendre des actions auxquelles ont croit, non?
Ce n’est pas un corps administratif comme les préfets.
UnkleDark: Bonjour. Les récentes réformes sur le temps de travail pour les élèves étaient judicieuses car oui, les élèves travaillent trop. Pourtant, on ajoute à leur journée de classe des activités (beaucoup de parents ne peuvent pas les reprendre plus tôt) et les élèves sont pénalisés sur leurs anciennes activités. Mon enfant pouvait se rendre à la musique le mercredi matin. Maintenant, ce n’est pas possible. Idem pour le mardi soir, car ce n’est pas possible. Quel paradoxe!
On va confier les élèves à des associations dont la légitimité pédagogique reste à démontrer… Les enfants ont surtout besoin de sommeil.
On ne peut pas d’un côté dire qu’ils n’apprennent pas assez et de l’autre leur proposer des activités qui n’ont rien à voir avec l’apprentissage.
D’autant plus que ces nouvelles activités sont payantes!
On passe de cours d’apprentissages gratuits à des loisirs payants!
LucySky2: Bonjour. Faut-il réellement modifier les rythmes scolaires? Les élèves travaillent-ils trop? Les enseignants sont-ils vraiment tous motivés? Et que dire de l'absentéisme des profs, souvent élevé?
En tous cas, réformer l’école en commençant par les rythmes, de cette façon, manque de dimension.
Nous avions essayé: école le matin, sport l’après midi, cela ne marchait pas mal. Pourquoi l’avoir supprimé?
thulixm: Dans le département où j’habite, les cours du mercredi matin ont repris. L’idée est bonne à la base. Pourtant, les enfants commencent plus tard, et finissent plus tôt. C’est difficile de s’organiser. Nous devons utiliser la garderie, qui est payante. Alors, le rythme scolaire est-il, avec cette réformette, réellement adapté?
Et oui, et les faire sortir plus tôt de l’école ne signifie pas les faire coucher plus tôt!
Mais les confier à des associations dont la légitimité pédagogique reste à démontrer...
Farlo6: Vous semblez critiquer l'attitude de certains syndicats. Est-il possible d'approfondir? Ciblez-vous l'immobilisme? Avez-vous une anecdote à nous raconter?
Les anecdotes sont largement décrites dans le livre…
Ce serait un peu long à tout raconter ici.
Au final, chaque modification d’organisation, de programme est source de grèves et de manifestations, mêmes bénéfiques pour les élèves.
Le meilleur exemple est la réforme du bac professionnel, tellement décriée et qui maintenant a valorisé la voie professionnelle. Cette réforme est à présent acceptée par tout le monde.
Boisvert: A part les enfants et l'école, qui est concerné par les rythmes scolaires? Par exemple, les hôteliers sont contents des longues vacances, l'Église catholique voulait une période pour le catéchisme... Est-ce encore le cas? Quels autres acteurs y a-t-il?
Et bien les associations qui vont s’occuper des enfants après l’école et qui vont se faire payer par les mairies... gagnant-perdant!
Elmanito: Y-a-t-il vraiment des différences au niveau de la qualité d'éducation entre milieu rural et urbain? Que faire pour lutter contre l'échec scolaire en banlieue?
Il n’y a pas forcément des différences de qualité, mais d’accès à l’information en milieu rural.
L’échec scolaire, c’est très complexe… Certains enfants ne supportent plus l’école et on n’a rien d’autre à leur proposer.
Ils ont besoin de plus de temps, de plus d’attention. L’apprentissage à 16 ans vient d’être supprimé, donc les gamins qui s’ennuient sont obligés de rester à l’école.
Nicomède: L'école est devenue peu à peu, un espace de défoulement. Au début des années 80, on a commencé à parler d' «incivilités». En fait, seuls quelques médias osaient aborder le sujet. Tollé général des idéologues, des syndicats d'enseignants, et des enseignants eux-mêmes qui n'auraient, sous aucun prétexte, voulu admettre qu'ils rencontraient des difficultés dans la gestion de leur classe. Qu’en pensez-vous?
Je pense qu’il faut restaurer l’autorité, revaloriser les enseignants, le métier d’enseignant de façon à le faire respecter et de façon à mettre le savoir au centre du système.
Maintenant, il faut oser parler des problèmes pour trouver des solutions.
Nicomede: Bonjour, mon constat est le même que le vôtre. L’École, propriété des enseignants et, depuis quelques décennies, des parents, jouet des politiques car très médiatisée et donc très utile pour paraître au devant de la scène, est un chef-d’œuvre en (grand) péril. Sous couvert de servir l'intérêt des élèves, elle n'a fait que servir des idéologies. Qu’en pensez-vous?
C’est vrai, nous sommes dans un modèle de cogestion et on ne parle que de ce qui ne va pas, sans aucune stratégie de valorisation.
Il faut penser que dans les classes il y a les élèves... Et si on faisait de l’école à l’école!
Etital: Pourquoi les jeunes professeurs sont-ils toujours obligés d'errer dans leur académie pendant des années pour se retrouver dans les établissements très difficiles avant d'avoir un poste fixe convenable au bout de seulement 10 ans? Ne risque-t-il donc pas d'avoir une crise de la vocation sous peu?
La crise des vocations, c’est fait….
Il n’y a aucune stratégie de relations humaines. Ce sont des fichiers sous Excel qui font les promotions…
On évolue non pas en fonction de son investissement personnel mais en fonction du temps resté au même échelon.
Et les vieux? Ils refusent de lâcher leurs postes...
Carol Styl: Enfin quelqu'un qui reconnaît les failles du système! Merci! Faut-il attendre la retraite pour que des professionnels fassent enfin leur «coming-out»?
Il est préférable de faire le coming-out en pleine activité, non? A chacun de s’emparer des failles pour essayer de les combler et de faire évoluer...
LauraSio: Pourquoi ne pas s'inspirer des méthodes des pays scandinaves, où le bien-être de l'élève est toujours mis en avant. Avec la suppression du redoublement par exemple. Ce système est glorifié par chaque gouvernement, mais une fois en place, ils ne font rien… Qu’en pensez-vous?
Je pense que les modèles sont difficilement transposables d’une culture à l’autre (Modes de vie différents, habitudes de travail différentes des parents…).
Par contre, il est indispensable de travailler sur la qualité de vie dans les établissements, paramètre totalement ignoré jusqu’à présent dans les projets éducatifs.
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Présentation du chat:
L'éducation nationale est-elle en péril? Avec La Réforme... Oui, mais sans rien changer!, Martine Daoust livre un témoignage sans concession sur une école «repliée sur elle-même», qui pense bien faire, mais qui reste «coupée du monde, figée, réticente à toute évolution».
Déplorant tour à tour les «incroyables résistances» au plus petit changement de la part d'une «majorité» d'enseignants et le corporatisme ambiant, entretenu par des syndicats «archaïques», l’ancienne rectrice n’en oublie pas de relever les bons points du système, comme la motivation d'un bon nombre des acteurs de l'école.