Aéronautique : Comment économiser du titane pour alléger le coût (et l’empreinte carbone) des avions ?
STRATEGIQUE Alors que les cours du titane, un matériau indispensable dans la fabrication des avions, flambent, une équipe de recherche toulousaine a mis au point un procédé pour économiser 30% de ce métal rare et pas très green
- Les avions ne peuvent se passer du solide titane, dont les cours flambent sous les effets de la pandémie et de la guerre en Ukraine et dont la Russie est un gros extracteur.
- A Toulouse, l’équipe de projet « Mama » vient de dévoiler à point nommé un nouveau procédé de fabrication des pièces d’avion économisant 30 % de ce métal rare.
- Si ces pièces au coût allégé sont certifiées, Airbus les utilisera d’abord sur l'A350.
Un Airbus A350 contient 15 % de titane, en particulier dans ses « pièces critiques », celles qui doivent être absolument robustes, comme les mâts de réacteur ou les arceaux de fuselage. Or le cours de ce métal aussi inoxydable que compliqué à extraire a flambé de 50 % en trois ans et de 38 % rien que depuis le début de l’année. Par ailleurs, 22 % des importations européennes viennent de Russie, 45 % de Chine. Voilà pourquoi « Mama »* a eu du flair. Lancé en 2018, bien avant la pandémie et la guerre en Ukraine, ce projet scientifique de l’Institut de recherche technologique (IRT) Saint-Exupéry de Toulouse visait à faire baisser le coût des pièces en titane des aérostructures de « 30 à 40 % ». Pour « une aviation plus frugale, qui concilie économie et écologie », précise Nadia Pellefigue, vice-présidente en charge de l’Innovation de la région, partenaire financier de Mama.
« Très hautes températures »
Un peu moins de quatre ans après, et à point nommé vu le contexte international, l’équipe vient de dévoiler son premier « démonstrateur » en alliage de titane, une reproduction à taille réelle d’un tronçon de cadre de fuselage d’un Airbus A350. La pièce, qu’il faut photographier de loin pour cause d’espionnage industriel, est strictement identique à l’originale. Elle a évidemment la même forme, pèse exactement le même poids. Pourtant, assure Simon Perusin, responsable du pôle matériaux à l’IRT, elle a permis « d’économiser 30 % de titane ». En fait, l’économie de métal a été réalisée en amont, dans le « matriçage » comme disent les spécialistes, bref dans l’élaboration des ébauches et dans le procédé de fabrication. Les tests ont été faits sur des presses de l’usine Aubert & Duval de Pamiers en Ariège. Le titane a été fondu pour la première fois à « très haute température », au-dessus des 1.000 °C, « permettant un écoulement facilité du métal lors de sa mise en forme ». L’idée est de produire des ébauches plus fines, plus proches de la pièce finale, et donc de réduire les « copeaux » et les gaspillages de titane.
Il reste maintenant aux pièces expérimentales à passer l’étape des contrôles drastiques des autorités de la sécurité aérienne pour vérifier qu’elles ont les mêmes propriétés mécaniques que leurs modèles. Mais les premiers tests sont « très bons ».
Et Airbus se frotte les mains. « On espère pouvoir utiliser ces pièces dès 2025-2026 sur l'A350 puis sur l'A320 », indique Damien Proust, responsable de l’ingénierie de la propulsion chez l’avionneur.
* Metallic Advances Materials for Aeronautics.