Sport: quand la télévision change les règles du jeu
Kimonos de couleur imposés aux judokas, matchs en cinq sets gagnants de onze points pour les pongistes ou second faux départ éliminatoire sur les pistes d’athlétisme, le sport évolue... sous influence cathodique. « Avide de spectaculaire, la télé est responsable de ces changements », explique Bernard Leconte, auteur de Sports et télévision (éd. L’Harmattan). Une prime à la mise en scène et à la proximité avec les compétiteurs qui va crescendo. Et a fait l’objet d’un débat la semaine dernière à Monaco lors du 16e Sportel, rendez-vous des pros du sport et de la télé. Récente preuve de la soumission du sport aux attentes des chaînes : depuis septembre, les matchs de squash se dénouent en 11 points contre 21 auparavant. « Les parties étaient trop longues à retransmettre », justifie Bertrand Bonnefoy, directeur technique national, qui espère ainsi attirer les diffuseurs. Le basket, lui aussi, s’adapte pour décrocher son visa télé. « Cette année, les noms des joueurs de Pro A figurent sur leurs maillots. Et nous réfléchissons à d’autres aménagements, en concertation avec les instances dirigeantes », explique Pierre Fraidenraich, responsable des opérations basket de TPS. Propos confirmés par René Le Goff, président de la Ligue nationale : « Nous avons tous intérêt à rendre ce sport plus télégénique. » Mais certains diktats passent mal. En escrime ou en ski, les télés aimeraient imposer des masques transparents pour faciliter l’identification des sportifs en plein effort. « Les escrimeurs, habitués aux masques grillagés, craignent que le plastique se fissure sous les assauts », rapporte Frédéric Pietruszka, président de la fédération. Jacky Fourno, délégué de la fédération de ski, ironise : « Sauf à décréter que le ski n’est plus un sport de plein air, difficile de supprimer casques opaques et combinaisons. » Rare dissonance. Car, tel Michel Gadal, directeur technique national de la fédération de tennis de table et « enchanté des modifications entreprises », la plupart des responsables sportifs encouragent ces évolutions. « Ils n’ont pas le choix, nuance Jacques Ferran, membre du comité du Sportel. Les instances du foot, qui n’ont pas besoin de faire leur pub, ne se sont, elles, jamais soumises aux lois de la lucarne. » Alice Coffin