Rebecca Manzoni rend hommage aux « Music Queens » et à leurs combats dans une série animée

TUBES Dans un roman graphique et à travers les épisodes d’une série animée sur Arte, la journaliste musicale met en lumière les tubes d’artistes féminines qui ont marqué l’histoire du rock, de la pop ou encore du punk

Clio Weickert
La chanteuse Caroline Loeb est l'une des « Music queens » de Rebecca Manzoni sur Arte et en bande dessinée.
La chanteuse Caroline Loeb est l'une des « Music queens » de Rebecca Manzoni sur Arte et en bande dessinée. — La Générale de Production
  • « Music Queens : Une histoire du girl power et de la pop… en chansons ! » est un roman graphique paru le 17 mai et une série animée de vingt épisodes diffusée sur Arte depuis le lundi 5 juin.
  • Coécrit par Rebecca Manzoni et Emilie Valentin, illustré par Leslie Plée, ce double projet met à l’honneur les chanteuses qui ont marqué l’histoire de la musique.
  • A travers ces grands tubes de la chanson, elles montrent aussi comment ces artistes se sont battues pour les droits des femmes et se sont inscrites dans une démarche féministe.

Quel combat s’élève de Ain’t got no, I got life de Nina Simone ? Quelle renaissance se cache derrière The Ballad of Lucy Jordan de Marianne Faifthfull ? Quel droit fondamental a inspiré Non, tu n’as pas de nom d’Anne Sylvestre ? Ces cartons musicaux, leurs messages et leurs interprètes, la journaliste et productrice Rebecca Manzoni les met à l’honneur dans Music Queens : Une histoire du girl power et de la pop… en chansons !. Un projet coécrit avec Emilie Valentin qui se décline en papier et à la télé : dans un roman graphique paru le 17 mai chez Bayard Graphic et en série animée diffusée quotidiennement à 20h50 depuis le 5 juin sur Arte.

Dans chacun des épisodes (la BD en compte dix, la série vingt de 3 minutes), Rebecca Manzoni s’attarde sur l’un des tubes de ces reines qui ont profondément marqué l’histoire de la musique. Des chansons qui nous font danser et que l’on entonne à tue-tête, mais qui racontent aussi une époque et témoignent de la place des femmes dans la société. C’est aussi un hommage aux caractères bien trempés de ces artistes, à leur audace, leur créativité et leur vulnérabilité. Avec toujours ce fil rouge les reliant les unes aux autres : la lutte contre les injonctions patriarcales et la célébration de toutes les féminités.

« Les femmes ont apporté une contribution fondamentale »

Croquées par l’illustratrice Leslie Plée (autrice notamment de Moi vivant, vous n’aurez jamais de pauses) et incarnée vocalement dans la série par Izïa Higelin et Aïssa Maïga, ces chanteuses viennent du rock, du punk, de la country ou de la pop. « L’ambition était de proposer différents registres musicaux et plusieurs générations d’artistes », explique Rebecca Manzoni à 20 Minutes. On y retrouve Janis Joplin avec l’histoire de Piece of my heart, Patti Smith avec Gloria. Le tube It’s Raining Men des Weather Girls a lui aussi son épisode, tout comme Juice de Lizzo, Rebel girl de Bikini Kill ou encore Balance ton quoi d’Angèle. En voix off, la journaliste revient sur le contexte historique de la naissance de ces chansons, le parcours des chanteuses mais aussi leur place dans l’industrie musicale.

« Les femmes ont apporté une contribution fondamentale à ces genres musicaux, estime-t-elle. C’est passionnant ce qui se passe en ce moment, le fait de reconnaître enfin l’apport des femmes dans le cinéma, dans la littérature, la peinture… Ça participe de ce mouvement-là et c’est extrêmement excitant ». La musique punk y tient notamment une belle place avec l’artiste déjantée Nina Hagen ou avec le mouvement des Riot grrrl qui s’est épanoui dans les années 1990 à Olympia dans l’État de Washington aux Etats-Unis.

« Sans Debbie Harry, pas de Madonna »

Au-delà de l’apport musical, toutes ces artistes s’inscrivent plus globalement dans la lutte pour le droit des femmes. « Les chansons choisies devaient permettre aussi d’aborder différents angles du féminisme, précise Rebecca Manzoni. Pas seulement sur l’égalité entre les femmes et les hommes mais aussi sur le fait d’être noire et d’être une femme, sur le body positivisme, sur la question queer, sur la sexualité… Toutes ces artistes racontent aussi une féminité multiple ». On (re) découvre notamment comment Queen Latifah s’est attaquée à la misogynie dans le rap, Dolly Parton au harcèlement au travail ou encore Beth Ditto à la lesbophobie. « Ce qui est très puissant, c’est qu’une chanson qu’on fredonne sans y penser peut se révéler porteuse d’un message assez révolutionnaire, voire militant. On peut ne pas s’en rendre compte mais l’ambition de la série c’est de dire "vous voyez ce que vous écoutez ? Ça compte dans l’histoire des femmes, donc dans l’histoire de l’humanité" », développe la créatrice de la série.

Le souhait de Music Queens est aussi de mettre en lumière les liens qui les relient les unes aux autres. « C’est raconter une généalogie du féminisme et montrer les pionnières, affirme Rebecca Manzoni. Sans Debbie Harry, pas de Madonna. S’il y a très peu de points communs musicaux entre Angèle et Anne Sylvestre, je pense que dans la liberté d’expression qu’Angèle assume aujourd’hui, Anne Sylvestre y est pour quelque chose. C’est aussi raconter l’histoire de ces femmes qui se sont passé le relais plus ou moins directement, par le biais de la musique et de ce qu’elles ont représenté ».

« Vous faire écouter un tube différemment »

« De toutes les matières, c’est la ouate qu’elle préfère. Passive, elle est pensive en négligé de soie. C’est la ouate ! » Dans chaque épisode sur Arte, la série vous invite à un petit karaoké improvisé dans votre canapé, en diffusant pendant le générique de fin les paroles de la chanson abordée. Il y a notamment ce tube entêtant de Caroline Loeb en 1987 dont le sens peut échapper aux plus jeunes. Plus qu’une simple ode à la paresse, C’est la ouate est un instantané de la gueule de bois des années 1980. « C’est la mélancolie des lendemains qui déchantent », explique la voix de la narratrice, évoquant cette décennie marquée par la fête mais aussi par l’épidémie du sida et les catastrophes nucléaires. Un « hymne anti wonder woman » que vous ne fredonnerez plus de la même façon.

« La promesse de la série c’est de vous faire écouter un tube différemment, affirme Rebecca Manzoni. Selon l’âge qu’on a, il y a des chansons qu’on connaît plus ou moins ou qu’on croit connaître. C’est aussi rendre hommage à la puissance de la chanson populaire pour faire changer le regard qu’on porte sur les femmes et l’oreille qu’on leur prête. » Pari tenu et l’on espère déjà une deuxième saison.