Emeutes de 2005: Un embrasement médiatique?
TELEVISION Dans «Emeutes en banlieue: la mécanique infernale», Canal+ revient sur les émeutes de 2005, et leur traitement médiatique...
Julien Daguerre est un journaliste sympa. Lorsqu’on l’interroge sur la façon dont les médias ont travaillé lors des émeutes de Clichy-sous-bois (Seine-Saint-Denis) en 2005, il précise «ne pas être là pour donner des leçons ou régler des comptes avec une corporation. Il ne s’agit pas de dire que c’est la faute des médias. Mais de comprendre dans quelle mesure le traitement médiatique a, en 2005, de manière volontaire ou pas, participé, comme d’autres ingrédients, à ce que la situation explose». Il détaille cela dans le Spécial Investigation «Emeutes en banlieue: la mécanique infernale» ce lundi soir à 22h30 sur Canal+. Il a aussi expliqué, plus précisément à 20 Minutes, certains travers médiatiques.
Le «journalisme pizza»
Parmi les journalistes interrogés par Julien Daguerre de l'agence Press and co, au cours de son enquête, Thierry Vildary de France 3 Paris Ile-de-France. Il s’est rendu à Clichy-sous-bois dès le lendemain de la mort de Zyed et Bouna. Et a observé comment certains de ses confères travaillaient. «On ne demande pas au reporter sur le terrain de voir ou de faire remonter des informations mais de rechercher les infos qu’on a décidé d’avoir. On lui dit, le reportage ce sera chorizo, anchois, poivrons donc il part sur le terrain chercher du chorizo, des anchois, du poivron. Si jamais il y a de l’olive et du poulet, on lui dit non, on avait commandé chorizo, anchois, poivrons, rapporte-nous ça». De ces pratiques, il est resté des traces. «Cela n’a pas été facile de venir, explique Julien Daguerre. La défiance est grande envers les médias dans les quartiers. 2005 a laissé des traces très négatives.»
Discours dominant
Il y a le problème des pratiques sur le terrain. Et puis, celles aussi, très bien documentées par Julien Daguerre du discours unilatéral. «Quand les journaux télévisés relayent le drame, tous, explique le documentaire, de façon écrasante, relayent le discours officiel.» Celui qui dans un premier temps du ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, au Premier ministre, va faire des deux jeunes qui rentraient d’un match de foot «des cambrioleurs».
A l’inverse, lorsque les médias mettent la main sur la vidéo d’un groupe de policiers passant un jeune à tabac, France 2 hésite longuement avant de la diffuser. Arlette Chabot vient s’en expliquer devant Julien Daguerre plaidant «le souci de responsabilité». Mais David Dufresne, alors rédacteur en chef d’iTélé, estime qu’ici politiques et habitants des banlieues ne sont pas traités équitablement: «Il est injuste de prendre tant de précautions quand il s’agit du pouvoir et si peu lorsqu’il s’agit du contre pouvoir.»
Emeutes novembre 2005 par sicilien64
Les journalistes plus intéressés par la politique que le social
Enfin, «la raison par laquelle certains médias ont participé à l’embrasement, c’est parce ce que ce qui les intéressait c’était ce que faisait Nicolas Sarkozy. On était à 18 mois de l’élection présidentielle et que tous les journalistes savaient pertinemment qu’il était candidat. Deux ados meurent dans des conditions douteuses, mais ce n’est pas de cela dont on parle. C’est comme si à un moment, on les avait privés des vraies raisons qui les avaient poussés à descendre dans la rue». Ces raisons, Julien Daguerre, lui, les expose très clairement dans son enquête. A voir.