« On ne parle plus que de ça »... Oberhoffen-sur-Moder sous le choc après le meurtre de Sylvia Auchter
REPORTAGE La commune du nord du Bas-Rhin avait déjà été le théâtre d'un féminicide en 2015
- Dimanche soir, Sylvia Auchter a été tuée de plusieurs coups de couteau par son mari, Jacky Walter à Oberhoffen-sur-Moder, dans le Bas-Rhin.
- Certains voisins étaient au courant des violences subies par Sylvia Auchter, d’autres ignoraient que cette mère de famille qui travaillait à l’hôpital de Bischwiller s’était déjà ouverte des souffrances endurées.
- « 20 Minutes » est allé à la rencontre des voisins de la victime et des habitants d'Oberhoffen-sur-Moder, village d’environ 3.500 habitants qui avait déjà été le théâtre d’un meurtre de femme en 2015.
De notre envoyé spécial à Oberhoffen-sur-Moder (Bas-Rhin),
« C’était une amie… » Adossée à sa voiture, Julie* est encore sous le choc. Dimanche soir vers 23h30, sa voisine, Sylvia Auchter a été tuée de plusieurs coups de couteaux par son mari, Jacky Walter. Le drame s'est produit presque sous les yeux de la jeune femme. Juste là, dans la petite cour située devant l’appartement du couple, à Oberhoffen-sur-Moder, en Alsace.
« Avec ma coloc, on y est allé dès qu’on a entendu les cris », poursuit Julie. Les cris étaient ceux de la fille de la victime, Stella Guitton, qui venait d’arriver avec son compagnon et un proche. « On a essayé de les aider à soigner Sylvia mais il n’y avait plus rien à faire. C’était affreux et pendant ce temps-là, il nous regardait. Il venait de la tuer mais n’a rien fait. Il a appelé la police et a décapsulé sa bière devant nous. Sans scrupule. »
« Jamais on n’aurait imaginé ça »
L’auteur présumé des faits a ensuite tenté de se suicider, avant d’être maîtrisé et embarqué par les gendarmes. « C’était un monsieur assez grand, se rappelle Nicole, une autre habitante de la rue du Camp. Nous n’avions pas de rapport avec lui, ni avec madame. Sauf une fois, quand mon mari avait déchargé un camion un peu tard. Il nous avait dit des mots pas très gentils et le ton était vite monté d’un cran. Je ne dis que c’était quelqu’un qui faisait peur mais il était froid. L’été, ça gueulait un peu, on pensait qu’il buvait. Mais avec le froid, on n’entendait plus rien. Jamais on n’aurait imaginé ça… »
A la pizzeria d’à-côté non plus. « Je n’avais jamais rien vu ni entendu, c’était simplement des clients qui venaient manger de temps en temps, soupire Fernando. J’avais encore échangé jeudi soir à propos des travaux dans la rue. Une discussion normale. On croit toujours que ce genre de trucs arrive ailleurs, mais non. On ne parle plus que de ça aujourd’hui. » Dans la rue, un passant renchérit en voyant notre carnet de notes : « Je pense savoir pourquoi vous êtes là… Je ne les connaissais mais c’est moche ce qu’il s’est passé. Et ça touche tout le monde ici, on est dans un petit village. »
Un bourg d’environ 3.500 habitants qui avait déjà été le théâtre d’un féminicide en 2015. Le dimanche 8 novembre de cette année-là, Elisabeth Hoerth avait été tuée par son mari dont elle vivait séparée. « C’était pratiquement à la même date en plus, c’est affolant, réagit Laurence*, croisée à la sortie de l’ école et particulièrement sensible au sujet. J’ai moi-même vécu deux ans avec un homme qui m’insultait et me battait tous les jours. Les forces de l’ordre n’agissent pas assez vite. J’avais dû déposer une vingtaine de mains courantes et cinq plaintes avant de réussir à partir, grâce à des amis. Là, elle n’a pas eu le temps. »
Le déménagement de Sylvia Auchter était prévu, selon sa voisine Julie*. « Ils étaient en instance de divorce et elle attendait le jugement en décembre pour s’en aller. Leur appartement était en vente, il y avait même eu une visite samedi. On lui a proposé de venir à la maison en attendant, mais elle avait refusé. A sa fille aussi. Elle ne voulait pas être un boulet. »
« On savait ce qu’il passait »
Celle qui travaillait à l’hôpital de Bischwiller s’était pourtant ouverte des souffrances endurées. « Elle échangeait pas mal par textos avec ma coloc, on savait ce qu’il passait. Mais on n’a jamais rien entendu, ni vu, car elle n’avait rien au visage ni sur les bras, poursuit Julie. C’était connu dans le quartier, tout simplement parce que les gendarmes venaient régulièrement. Ils étaient encore passés trois jours avant. »
Cette visite des gendarmes n’avait pas alerté Sophie, qui vit à moins de cent mètres de chez la victime. « Dimanche, j’ai d’abord pensé à un suicide en voyant les secours puis on a su. Depuis, j’en ai un peu discuté avec mes enfants… Ma fille m’a dit "Je veux être célibataire toute ma vie". Que voulez-vous répondre à ça ? »
*les prénoms ont été modifiés