Strasbourg: Ils sèchent l’école car ils ne peuvent pas payer leurs abonnements de transport

TRANSPORT A Strasbourg, certains parents acceptent que leurs enfants n’aillent pas à l’école car ils n’arrivent pas à leur payer leurs abonnements de transport en début de mois

Nils Wilcke
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Le nouveau billet de la CTS rechargeable et sans contact. Strasbourg le 18 avril 2018.
Le nouveau billet de la CTS rechargeable et sans contact. Strasbourg le 18 avril 2018. — G. Varela / 20 Minutes
  • A Strasbourg, certaines familles indiquent être dans l’incapacité de payer l’abonnement de transport mensuel et par conséquent d’envoyer leurs enfants à l’école.
  • En cause, le prélèvement mensuel de la compagnie de transport strasbourgeois qui tombe autour du 5 du mois, avant le versement des minima sociaux.
  • Consciente du problème, la CTS réfléchit à une solution de postpaiement.

C’est un sujet difficile, voire tabou pour certaines familles à Strasbourg et dans le Bas-Rhin. Au début du mois, au moment de renouveler leur abonnement au tram et au bus, certaines d’entre elles sont dans l’incapacité de payer et d’envoyer leurs enfants à l' école.

« On a des parents qui nous font remonter ce genre de difficultés en début de mois », indique Sophie Djokaj, parent d’élève et membre du collectif pour la gratuité des transports qui vient de se constituer à Strasbourg. En cause, les délais de prélèvement mis en place par la compagnie de transports strasbourgeois (CTS). Le prélèvement automatique tombe le 5 du mois. Problème, les prestations sociales, elles, sont souvent versées le 6 ou le 7, à cause notamment des délais bancaires.

« Il avait peur de se faire prendre »

Les parents qui ont accepté de témoigner de cette situation ont préféré garder l’anonymat. « On a un peu honte, confie une mère de famille qui habite en périphérie de Strasbourg. Envoyer ses enfants à l’école, c’est le minimum mais parfois, on n’y arrive pas. On est trop juste », ajoute-t-elle.

Le sujet s’invite aussi lors des sorties scolaires en primaire ou au collège. Une autre maman raconte avoir prêté sa carte de déplacement à son fils de 9 ans car elle n’avait pas les moyens de lui payer un aller-retour. Ce qui est interdit par le règlement de la CTS, qui stipule que les abonnements sont nominatifs. « Il avait peur de se faire prendre, il est rentré la boule au ventre », témoigne cette mère de famille. La CTS a intensifié les contrôles à bord des trams depuis l’année dernière pour lutter contre la fraude.

« Le coût des transports est un vrai problème, abonde un membre de l’équipe éducative d’un lycée de Strasbourg. Certains de nos élèves sont à cinq euros près ». Pour ces « sécheurs » un peu particuliers, professeurs et membres de l’administration font preuve de mansuétude. Il arrive même que les enseignants mettent à la poche pour aider leurs élèves financièrement. « Une quinzaine d’entre eux » serait concernée, rien que pour la filière professionnelle de cet établissement, selon nos informations.

Vers un système de postpaiement ?

Il y a bien une tarification sociale mise en place par la CTS en 2009, basée sur les quotients familiaux. Ces derniers viennent d'être revalorisés, après dix ans de stagnation. Quatre gammes de prix sont disponibles. L’abonnement le plus modeste étant à 3,40 euros pour les moins de 25 ans et les plus de 65 ans. « 55 % des abonnés de la CTS payent 14.50 euros par mois ou moins », rappelle à 20 Minutes Alain Fontanel, premier adjoint au maire de Strasbourg et président du conseil d’administration de la CTS.

« On réfléchit à un système de postpaiement pour éviter ces situations de blocage en début de mois mais cela implique le respect du paiement après usage », poursuit l’élu. Sa crainte ? Que les abonnements ne soient pas réglés après avoir été mis à disposition par la CTS.

« Il faut trouver l’équilibre entre la réalité sociale que vivent certains de nos concitoyens et le financement de notre réseau de transport », ajoute Alain Fontanel, qui met en avant les coûts de l’extension du tram pour justifier la hausse du prix du billet. Le collectif pour la gratuité des transports demande un moratoire sur les contrôles à bord des trams en début de mois pour permettre aux jeunes concernés de voyager en toute sérénité.