Limitation à 80 km/h: «C’était contre-productif, des routes vont repasser au plus vite à 90 km/h»
INTERVIEW Le président du conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, compte remettre au plus vite la limitation de vitesse à 90 km/h sur certaines routes secondaires après la déclaration d’Edouard Philippe de ne voir « aucun inconvénient » à déroger aux 80 km/h sur celles-ci
- Edouard Philippe a affirmé mercredi sur France Info ne voir à présent « aucun inconvénient » à laisser aux présidents de conseils départementaux la capacité de déroger aux 80 km/h sur les routes secondaires.
- Une opportunité que compte bien saisir au plus vite le président du conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry.
Les 80 km/h, une sortie de route pour le Premier ministre ? Après des mois de pression pour une mesure impopulaire, Edouard Philippe a affirmé mercredi sur France Info ne voir à présent « aucun inconvénient » à laisser aux présidents de conseils départementaux la capacité de déroger aux 80 km/h sur les routes secondaires, comme le prévoit un amendement porté par le groupe LREM à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre a finalement refilé la patate chaude aux élus locaux ajoutant que « si les présidents de conseils départementaux souhaitent prendre leurs responsabilités, je n’y vois aucun inconvénient ».
Edouard Philippe a toutefois posé la condition que cette possibilité soit « systématiquement assortie de mesures » qui garantissent la sécurité des automobilistes. Une annonce qui, dans le Bas-Rhin, répond (enfin) à une attente forte du président du département, Frédéric Bierry. Sollicité par 20 Minutes sur cette « ouverture », l’élu confie sa satisfaction.
Revenir sur les 80 km/h, est-ce une bonne idée ?
On peut entendre qu’un certain nombre de routes soient limitées à 80 km, mais toutes, c’est une aberration. Dès le début nous avons indiqué au gouvernement, à la ministre des Transports, à plusieurs reprises, que ce n’était pas adapté à toutes les routes, qu’il ne fallait pas faire de généralité. J’ai également fait part au préfet, par courrier du 15 avril 2018, de mon souhait de maintenir à 90 km/h la vitesse maximale autorisée sur les routes express du Bas-Rhin. En vain. Le Premier ministre est resté inflexible sur la question. Donc aujourd’hui, je suis satisfait. Certaines routes comme la RD 1420, de Molsheim à Schirmeck, une ligne droite avec une visibilité à 3 km, limitée à 80 km/h, c’était presque dangereux. A 80 km/h, on s’ennuie, c’est là où les gens commencent à regarder leur portable, sont moins attentifs. Quant à ceux qui font 50 km matin et soir pour aller travailler, qui paient leur essence pour finalement passer plus de temps sur la route, ça devient pesant sur leur quotidien. Les remontées sont nombreuses.
Et maintenant ?
Nous gérons 3.420 km de routes secondaires, quelques centaines de kilomètres seulement vont passer à 90 km/h. On va changer celles où cela a du sens et aussi rapidement que possible. Celles qui sont dangereuses, les cols, celles qui sont accidentogènes, évidemment que non. On va réanalyser les choses, les affiner. Nous avons beaucoup investi dans les aménagements de sécurité, les ronds points. En 2018, plus de 41 millions d’euros ont été affectés à l’aménagement, à l’entretien, à l’amélioration et à l’exploitation quotidienne des routes départementales. Seulement quelques départementales pourraient revenir à 90 km/h, celles qui ont certaines caractéristiques géométriques, l’absence d’accès directs pour les riverains, l’interdiction de circulation pour les engins agricoles et les véhicules lents, pourraient revenir à 90 km/h. Je ne peux pas m’engager sur une date, je dois le proposer à mes collègues élus, mais disons que pour la rentrée cela pourrait être envisageable.
Toute la tension sur ce sujet pouvait-elle être évitée ?
Mon interprétation, c’est que c’est une décision prise à Paris, sans suffisamment écouter les élus locaux qui connaissent la situation de leurs territoires. En gros, laisser certaines routes à 90 km/h, c’est ce que j’avais proposé à la ministre des Transports dès le début. Aujourd’hui, on voit bien que la décision d’Edouard Philippe est contrainte et forcée. On voit bien qu’il n’y croit pas. Qu’on nous laisse choisir les routes à 80 km/h, sinon ça n’a pas de sens. L’idée de départ était louable, mais c’est contre-productif. C’est une question d’équilibre et d’intelligence. C’était une décision symbolique pour marquer la lutte contre l’insécurité routière mais imaginer que toutes les situations sont identiques…