Fessenheim: Et les voisins allemands, que pensent-ils de la plus vieille centrale française?
NUCLEAIRE Habitués à vivre à proximité de la centrale, les riverains allemands ne sont pas forcément inquiets, mais attendent la fermeture de la plus vieille installation française…
En descendant la plaine du Rhin, de Karlsruhe à Bâle, l’autoroute 5 passe à un kilomètre seulement de la centrale nucléaire de Fessenheim. Pourtant, sur l’aire toute proche, l’avenir de la plus vieille installation française de ce type n’est pas tellement un sujet de discussion. Depuis près de 40 ans, les riverains allemands ont appris à vivre avec.
« On le sait, mais on n’y pense pas, confie Philipp, pas particulièrement antinucléaire, à la caisse de la station essence. Après, elle est très âgée, c’est sûr. Une nouvelle serait peut-être plus sûre, mais ça veut dire quoi, plus sûre ? » Dans un pays où la sortie du nucléaire est annoncée d’ici 2022, beaucoup attendent néanmoins la fermeture de Fessenheim.
« La population n’est jamais prise en compte »
Alors que le conseil d’administration d’EDF pourrait finalement l’acter ce jeudi, les plus âgés sont peut-être les premiers à le souhaiter. Dans le village le plus proche de Bremgarten, en cette fin d’hiver, Tobias, à la caserne des pompiers, est plutôt fataliste : « On ne peut jamais être sûr de la sécurité, c’est le même problème depuis longtemps… »
Ses enfants, sa femme, sa famille vivent ici à proximité. Alors Fessenheim, il ne l’oublie jamais totalement. « En France, c’est une question énergique, embraye Volkeu, son collègue. Mais la population n’est pas prise en compte, encore moins de l’autre côté du Rhin. Ça dure, il y a eu des manifestations, mais ils nous rient au nez. »
« Fessenheim est proche, il y a des problèmes de temps en temps… »
Dans la boulangerie d’Eschbach, à peine plus loin, Brigitte, la cinquantaine, n’en discute jamais vraiment avec ses clients. Mais elle y pense. « Ma fille est née un an après Tchernobyl, je ne l’ai jamais vraiment oublié, justifie-t-elle. C’est juste à côté, et puis il y a des problèmes de temps en temps… Elle pourrait être remplacée par une autre industrie. »
Comme elle, sa voisine, coiffeuse du même âge et aux panneaux solaires sur son toit a du mal à comprendre pourquoi le problème de l’énergie n’est pas pris plus largement en compte en France.
« D’autres sources sont plus raisonnées, ajoute encore une fleuriste, mesurée, du côté d’Heitersheim. En tout cas, il serait mieux que cette centrale s’arrête. Pour le futur, pour nos enfants… »
« Le danger est réel, les problèmes techniques sont des faits »
Arrivé il y a trois ans à la tête du service de la protection de l’environnement de Fribourg, plus grosse cité voisine, Klaus von Zahn a pris l’habitude de vanter les mérites de sa nouvelle ville. « Avec un seul bémol, le danger réel que représente Fessenheim, et c’est loin d’être théorique, les problèmes techniques sont des faits. »
Ville allemande verte par excellence, la position de la municipalité est claire. « La sécurité n’est plus suffisante, embraye Klaus von Zahn. Nous ne comprenons pas pourquoi elle a été encore et encore prolongée ces dernières années. » S’il n’oublie pas les déceptions passées, il voit ce jeudi comme la plus grande chance d’assister enfin à sa fermeture, qui prendra quand même plusieurs mois.