Strasbourg: Les microbrasseries doivent-elles craindre l'arrivée de la Fischer d'Heineken 100% alsacienne?
ECONOMIE Avec le lancement de la «Fischer aux trois houblons alsaciens», le mastodonte Heineken vient jouer sur la «hype» de la bière locale. Au grand dam des brasseries artisanales ? «20 Minutes» fait le point…
La bière n’échappe pas à la tendance. Depuis quelques années déjà, côté consommation, la mode revient au local. Et aujourd’hui, même les mastodontes s’y mettent. Avec sa « Fischer trois houblons alsaciens » lancée mercredi, le groupe Heineken, plus grand brasseur français, se laisse aussi tenter par cette hype.
Présentée « 100 % alsacienne », la nouvelle Fischer vise donc à renforcer l’ancrage de la marque. En ciblant de nouveaux consommateurs ? La question se pose, avec un atout local que l’on imagine plutôt tenu jusque-là par les nombreuses brasseries artisanales de la région. Alors, le marché de la « bière faite à la maison » est-il mis sous pression ?
Une nouvelle participation à l’attrait grandissant pour la bière
« Mais ce créneau n’appartient à aucune brasserie », coupe d’emblée Eric Trossat, le créateur bas-rhinois d’Uberach et désormais président des brasseurs d’Alsace. Suivi de son confrère Christian Artzner, de la Perle : « On peut être artisan et travailler avec des ingrédients étrangers, ou être industriel et travailler avec des produits de proximité. »
A leurs yeux, l’idée des leaders participe plutôt un peu plus au redéveloppement de la bière en France, comme en atteste une belle croissance ces dernières années. « L’intérêt est de plus en plus grand, on le voit dans les manifestations, dans les bars, illustre Benjamin Pastwa de la Bendorf. Les gens s’intéressent au local et aux goûts nouveaux. »
Des retombées même possibles pour les petites brasseries
Devant des perspectives jugées encore énormes, cette nouvelle Fischer offrirait ainsi une émulation nouvelle afin d’aider le milieu à se dynamiser encore. « Il y a une demande qui nous est favorable, il y a de la place pour tous », embraye Pascal Sabrié, président de Heineken France stratégiquement implanté en Alsace, dans le Nord et à Marseille
Le créneau n’est d’ailleurs pas exactement le même. « On fait un travail très qualitatif sur les matières premières bios pour avoir un produit artisanal et respectueux de l’environnement », justifie Benjamin Pastwa. Loin de la concurrence, l’ensemble des acteurs interrogés insistent plutôt sur la complémentarité des gros et des petits.
Avec un intérêt commun pour l’avenir : « Ces groupes restent les premiers acteurs du marché et pourraient amener les consommateurs de bières traditionnelles de toute la France à l’artisanale, reprend Eric Trossat. Et ce sont des gens que l’on ne pourrait peut-être jamais toucher. » Dans ce cas, les microbrasseries pourraient profiter des retombées.
L’innovation côté houblons possible par l’investissement des gros
Et pas seulement côté clientèle. Car les petites brasseries ont aujourd’hui du mal à faire parvenir toutes leurs matières premières d’Alsace. Passant par une des grosses malteries françaises, la Bendorf fait par exemple venir son orge biologique de la Beauce, au sud de Paris. « Il faudrait en faire avoir sa propre malterie », termine Benjamin Pastwa.
Sauf que les microbrasseries, dont la volonté est essentiellement pourtant de se rapprocher du 100 % local, ne produisent pas d’assez gros volumes. La situation est enfin la même avec les houblons, dont les différentes variétés ne sont pour certains par assez nombreuses en Alsace pour proposer suffisamment d’arômes différents.
Président du Comptoir Agricole - qui représente tous les producteurs de houblon d’Alsace et 96 % de la production française - partenaire de Fischer, Marc Moser contextualise : « Il nous faut des années de recherche pour créer une variété. » L’innovation passe par les gros moyens d’investissement. Mais elle reviendra ensuite à tous.