Tour de France: Wiggins, ce fêtard devenu favori du Tour
CYCLISME Le leader de l'équipe Sky s'est transformé en quelques saisons...
S’il sortait une nouvelle édition de La métamorphose, Franz Kafka pourrait illustrer la couverture de son roman par une photo de Bradley Wiggins plutôt qu’un cancrelat. En terme d’évolution athlétique et de changements d’objectifs, on ne fait pas mieux que le cas «Wiggo» dans le cyclisme. Ancien poursuiteur, le leader de l’équipe Sky aborde pour la première fois le Tour de France dans la peau d’un favori, dix ans après ses débuts sur la route.
Huit kilos en moins
Dans le peloton, personne n’aurait imaginé qu’un rouleur comme lui, biberonné à la piste, où il a raflé trois titres olympiques, puisse un jour viser ouvertement la victoire sur la Grande boucle. Une épreuve où il faut savoir se placer et résister à la chaleur et à l’enchaînement des cols. «Quand il était chez nous, les gars disent qu’il faisait les courses un peu comme ça. Un peu tête en l’air. Il n’exploitait pas du tout son potentiel. Maintenant, c’est différent. Il a laissé la piste de côté pour se préparer sérieusement», note Vincent Villerius, son entraîneur chez Cofidis en 2006.
Roger Legeay, qui l’a connu en 2004 au Crédit agricole, se souvient d’un coureur obnubilé par ses chronos, à qui les courses à étapes donnaient la nausée. D’autres parlent d’un coureur entêté, difficile à joindre au téléphone. En fait, le changement est intervenu après les Jeux de Pékin, année où il a perdu huit kilos pour acquérir un coup de pédale plus «pantaniesque». «Il était un peu cochonou, avec de la rillette sur les fesses, un peu rondelard des jambes», se souvient Martial Gayant. Le directeur sportif adjoint à la FDJ a vu débarquer l’échalas britannique il y a dix ans dans l’équipe aux côtés d’Eisel, Cooke ou McGee. Au sein du groupe, ses imitations sont restées célèbres. «Il aurait pu faire un one-man show là-dessus. Il a un humour très anglais», enchaîne Gayant.
«Quand on a dit boîte, il a dit: “ça c’est mon truc”»
Le Picard se souvient aussi du jour où «Brad», encore néo-pro, a payé sa première tournée. «Il était une heure du matin et à un moment donné on finit en boîte à Auxerre, se rappelle Gayant. Une belle boîte avec trois pistes de dance, la guinguette, l’ambiance rétro et la techno. Quand on a dit boîte, il a dit: “ça c’est mon truc, c’est ma tasse de thé”. Parce que monsieur, en période hivernale, était DJ. Et vas-y que je te joue de la musique sur les platines.» L’une des légendes urbaines du peloton dit même qu’à l’époque, Wiggins faisait partie des 50 meilleurs DJ anglais.
Ce soir-là, Wiggins a donc enflammé la Bourgogne. «Mais maintenant il s’est calmé. Il a une petite femme, deux enfants». Ben et Isabella, dont les noms sont tatoués sur son poitrail. Sur l’épaule, il arbore un fantôme assez terrifiant, semblable à un «détraqueur» du monde d’Harry Potter. Mais à la veille du départ de Liège, c’est bien lui qui effraie tous ses adversaires.