JO 2024: Mike Lee, l'homme de l'ombre indispensable à la candidature de Paris
JEUX OLYMPIQUES Le Britannique, qui avait notamment participé à la victoire de Londres en 2012 face à Paris, est un communicant aussi discret que redoutable dans le monde du sport...
C’est une opportunité unique. Et donc un moment crucial. Pour la première fois depuis le lancement de la campagne pour l’obtention des Jeux olympiques, il y a deux ans déjà, Paris-2024 va pouvoir parler à tous les membres du CIO et à toutes les Fédérations internationales en même temps. Ça se passera mardi prochain à Lausanne, et que l’on parte sur une double attribution 2024-2028 ou non, ça ne change rien : c’est le dernier grand rendez-vous avant le vote décisif de Lima, le 13 septembre.
Il ne va pas falloir se rater sur la présentation, bien sûr, mais on a presque envie de dire que ce ne sera pas là l’essentiel. A ce stade, le projet parisien, comme celui de son rival Los Angeles, est connu de tous, dans ses moindres détails. Non, avoir tous les médias du monde, tous les dirigeants qui comptent dans le monde du sport et toutes les personnes qui auront une voix à donner à Lima sous la main, c’est surtout l’occasion de bosser le relationnel en coulisses. Battu à ce petit jeu pour 2012, Paris dispose cette fois d’un atout majeur : celui qui précisément avait contribué à sa défaite, le Britannique Mike Lee.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur « Monsieur mauvais coups », comme les Français l’avaient surnommé après l’échec de Singapour en 2005. On dit de cet ancien attaché de presse de Tony Blair, impliqué dans les candidatures gagnantes de Rio 2016 (JO d’été), Pyeongchang 2018 (JO d’hiver) ou du Qatar 2022 (Mondial de football), qu’il sait tout sur tout le monde, grâce à ses puissants réseaux et aux minutieuses enquêtes de son agence Vero Communications.
Evidemment, vous ne lui ferez jamais dire ça. Joint au téléphone, il explique : « Je ne fais pas de lobbying, ça ne fait pas partie de mon expertise. Je connais des gens au sein du CIO, dans les fédérations internationales, mais mon job ce n’est pas d’aller les voir et de leur dire de voter pour Paris. Ça, c’est le job de Tony [Estanguet], de Bernard [Lapasset] et de Anne Hidalgo. Je n’ai jamais fait ça, même avec Londres. Je ne suis pas impliqué dans ce boulot de convaincre les gens ».
Quel est-il, alors, son rôle dans la candidature parisienne ? « C’est d’apporter des conseils sur la campagne, sur les messages à faire passer, c’est travailler au plus près des médias, énumère-t-il. En résumé, c’est tout ce qui concerne la communication et la stratégie. Je m’assure que les messages qui passent sont les bons, et qu’ils passent partout dans le monde ».
« Il connaît le mouvement olympique, il maîtrise l’approche qu’il faut en avoir »
Impossible d’entrer plus dans le détail, de connaître précisément ses interlocuteurs et ses méthodes. On touche là à l’obscure tambouille qui fait toute la saveur du Britannique. Et sa renommée. Au-delà des nuances et du nom que l’on veut donner à ça, l’homme est doué, en tout cas. « Nul ne saurait contester son expertise du mouvement olympique. Il le connaît très bien, il maîtrise l’approche qu’il faut en avoir. C’est quelqu’un de très professionnel, sa plus-value est incontestable et incontestée. C’est un atout non négligeable pour Paris », estime Jean-Christophe Rolland, seul Français à présider une grande Fédération internationale - celle d’aviron - et soutien de la candidature parisienne.
Quand on lui parle de Mike Lee, l’ancien champion olympique en deux de pointe sans barreur à Sydney a immédiatement une anecdote qui lui revient. Elle date d’un déjeuner, il y a quelques années, alors qu’il travaillait pour EDF en partenariat avec le comité d’organisation des Jeux de Londres 2012. Il raconte : « Moi, j’étais sur les parties techniques, les détails. A un moment, je lui dis "ah mais entre ce qu’il y a dans le dossier de candidature et l’organisation, il y a des choses qui ne pourront pas tenir, qui seront remises en cause". Et il m’avait répondu en souriant "mais le but d’une candidature, c’est de gagner. Ensuite on ferme le livre et on en rouvre un autre" ». Sous-entendu, on réfléchit à comment on l’emporte d’abord, et on voit ce qu’on peut vraiment faire ensuite.
Il ne faut pas forcément y voir de l’inconscience, ou de l’inconsistance. C’est juste que sa raison de vivre, c’est de faire gagner les gens qui l’engagent. « Je demande souvent à Mike si je dois l’embrasser ou lui donner un marron. Car parfois, j’ai le sentiment d’être le jouet de sa manœuvre et de son désir de gagner », avait dit un jour dans L’Equipe Bernard Lapasset, l’homme qui l’a convaincu de venir aider Paris.
Qu’elle soit bluffée ou intriguée par ce côté winner, la presse anglaise ne manque pas de petits noms pour Mike Lee : the wizard (« le sorcier »), the guru (« le gourou »), the bid expert (« l’expert des candidatures »). Lui répond qu’il fait juste partie d’une équipe, d’un projet. « J’apporte mon expérience dans les discussions. Je sais comment mener à une victoire, et j’ose croire que je comprends le monde du sport, de l’olympisme, des candidatures, dit-il. Pour arriver à vos fins, vous devez penser stratégie, vous ne pouvez pas vous permettre de prendre jour après jour. Penser à tout ça, c’est ce que j’aime. »
Si Paris atteint son objectif d’être désigné pour l’organisation des Jeux de 2024, il ne faudra pas dire que c’est grâce à lui et son équipe. « Vous savez, les consultants, les conseillers, ce ne sont pas eux qui font gagner un vote, assure le Britannique. C’est le comité de candidature et ses leaders. » Imparable. Mais comme on dit au sein de Paris-2024, dans cette dernière ligne droite qui s’annonce serrée, « il y aura bien besoin de tout le monde ». C’est un euphémisme.