Salon de l’agriculture 2023 : « Les hausses de prix, ce n’est pas fini », prévient le patron de l’agriculture bretonne
Alimentation Président de la chambre d’agriculture de Bretagne, André Sergent rappelle que les agriculteurs ont subi de plein fouet la hausse des prix de l’énergie et doivent continuer à vivre de leur profession
- Le Salon de l’agriculture s’ouvre à Paris ce samedi dans un contexte d’inflation après une année où la question de la souveraineté alimentaire s’est beaucoup posée.
- Le président de la chambre d’agriculture de Bretagne estime que la France doit produire plus si elle veut continuer de nourrir ses habitants.
- Selon André Sergent, une meilleure autonomie du pays permettrait de limiter l’inflation, qui s’annonce encore en hausse pour les consommateurs.
Il coche à lui seul plusieurs cases du bingo de l’agriculture bretonne. Éleveur de vaches laitières, André Sergent est également éleveur de porcs et « énergiculteur » puisqu’il produit du gaz et de l’électricité sur son imposante ferme de Beuzec-Cap-Sizun, dans le Finistère. Président de la chambre régionale d’agriculture, l’homme est évidemment membre de la puissante FNSEA. Adepte d’une agriculture conventionnelle « capable de nourrir », il n’est pas réputé pour son engagement environnemental mais défend avec vigueur la production française. Alors que s’ouvre le Salon de l’agriculture à Paris, 20 Minutes a rencontré le patron de la première région agricole française. L’occasion de parler d’inflation, de souveraineté alimentaire et du choix des consommateurs.
Vous évoquiez vos craintes pour votre profession alors que la guerre en Ukraine venait d’éclater. Qu’en est-il un an plus tard ?
On sent que l’on peut se préparer à une embellie. Le contexte devrait être plus favorable en 2023 pour les agriculteurs, notamment sur le plan des prix. Il y a des signes d’espoir. En conventionnel, le lait est parfois monté à plus de 500 euros les 1.000 litres. En trente ans de métier, je n’avais jamais vu ça.
Michel-Edouard Leclerc annonce « un deuxième trimestre rouge » avec des hausses de prix de 12 à 14 %. Vous pensez comme lui ?
Je le crains oui. Je pense que les hausses de prix, ce n’est pas fini. En 2022, l’inflation des produits alimentaires a atteint 13,2 %. On a pu constater les dangers que l’on avait à être dépendant de tel ou tel marché. On a aussi vu les coûts de l’énergie flamber. Dans certains secteurs comme celui des œufs, les charges ont augmenté de 45 % en trois ans. Le prix de vente a donc augmenté et on a vu le comportement des consommateurs changer. Les gens achètent moins et achètent moins cher. On ne peut pas dicter leur comportement.
Pourquoi ce changement de comportement ?
Il y a deux ans, nous avons eu un effet Covid-19 où l’on a vu que l’alimentation était essentielle. On cuisinait plus, on avait du temps et la part de l’alimentation dans le budget avait progressé. Tout ça s’est vite dégradé, notamment en raison de la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, les consommateurs cherchent avant tout les prix. Notre agriculture doit rester accessible pour que les gens puissent l’acheter, elle doit produire. Savez-vous que la moitié des volailles consommées en France sont importées ? Si on ne fait rien, ce sera pareil pour nos vaches, nos œufs. C’est à nous de mettre en avant notre production française et bretonne. On se tromperait si on allait trop vite vers le bio et les labels. La réalité du marché, c’est que les consommateurs s’en sont détournés pour des produits moins chers.
Pensez-vous qu’il faut alléger les contraintes comme vous l’aviez demandé l’an dernier face à la menace d’une famine ?
Je ne dis pas qu’il faut faire comme avant sur les produits phytosanitaires mais j’aimerais qu’on ne cumule pas les interdits. On a des éleveurs bretons qui ont vendu leurs cages pour faire de l’élevage en plein air, parce que c’était une demande sociétale. Mais ça a un coût. Et qu’est-ce que l’on voit arriver en France ? Des œufs pondus ailleurs en Europe dans les mêmes cages que l’on a vendues. C’est la même chose avec les cerisiers qu’on a arrachés il y a quelques années. Mais les Français continuent à manger des cerises. C’est qu’elles viennent d’ailleurs, traitées avec des produits qui nous sont aujourd’hui interdits. Si ce n’est pas produit en France, alors cela viendra d’ailleurs. C’est le paradoxe de nos attentes sociétales.
La profession a de grosses difficultés de recrutement. Le Salon de l’agriculture peut-il vous servir à attirer les jeunes générations vers vos métiers ?
Il le faut. Les jeunes, on les a, mais il faut leur donner envie de faire ces métiers. Il en va de notre souveraineté alimentaire. Dans le Finistère, j’ai vu des coopératives qui ne trouvaient personne pour ramasser les légumes, donc les légumes, ils restaient dans les champs. Vous imaginez ? La main-d’œuvre est devenue un facteur déterminant de nos métiers. Les attentes des jeunes ont aussi changé. Il faut leur garantir qu’ils pourront vivre de leur métier mais ce n’est pas suffisant. Il faut engager une transition agroécologique qui prenne en compte leurs aspirations. Ils sont comme notre société, ils aspirent à avoir du temps libre, une famille. Mais je reste persuadé que nos métiers ont de l’avenir. Parce que l’alimentation reste essentielle. La France doit garder sa souveraineté pour être moins dépendante des facteurs extérieurs.