L’ex-employeur de Didier Raoult se défend de toute inaction face au controversé professeur

« ni juge ni juré » Le président de l’université Aix-Marseille affirme avoir pris dès 2020 ses « responsabilités » pour garantir l’éthique de l’IHU

20 Minutes avec AFP
Didier Raoult, retraité, «n'a pas de bureau approprié à l'IHU ni de laboratoire», assure son ancien employeur.
Didier Raoult, retraité, «n'a pas de bureau approprié à l'IHU ni de laboratoire», assure son ancien employeur. — Christophe SIMON
  • « Je ne veux pas que l’université soit taxée d’inaction », répond Eric Berton, son président, après la tribune de seize sociétés savantes de médecine.
  • « Dès juin 2020, nous avons lancé une enquête de probité et d’intégrité scientifique », affirme le président de l’université d’Aix-Marseille.

Le président de l’université d’Aix-Marseille, ex-employeur de Didier Raoult, se défend de toute inaction face au controversé professeur et assure auprès de l’AFP avoir pris dès 2020 ses « responsabilités » pour garantir « l’intégrité juridique et éthique » de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection.

« Je ne veux pas que l’université soit taxée d’inaction », répond Eric Berton, après une tribune dans Le Monde dans laquelle 16 sociétés savantes de médecine ont regretté « l’absence de réaction des institutions » face aux traitements prescrits par les équipes de l’IHU aux patients atteints de Covid-19, sans preuve d’efficacité et au mépris des recommandations officielles.

Ces sociétés savantes ont dénoncé ce qu’elles qualifient de « plus grand essai thérapeutique "sauvage" connu ». Cette tribune réagissait à la mise en ligne d’un pre-print – une version non relue par des pairs ni publiée dans une revue scientifique – de l’étude de Didier Raoult sur plus de 30.000 patients Covid soignés à Marseille dans l’institut qu’il a dirigé jusqu’à l’été 2022. Etude concluant que l’administration d’hydroxychloroquine (ou d’ivermectine) a réduit la mortalité des patients Covid.

« Battage médiatique »

Cette mise en ligne « n’est pas une bonne chose », insiste Eric Berton, qui s’exprime officiellement pour la première fois, en constatant le « battage médiatique » des derniers jours. Cela « ne sert pas la réputation » de l’IHU, qui a besoin de retrouver de la « sérénité ». Et, craint-il, cela pourrait même retarder l’autorisation de l’agence du médicament pour que l’IHU puisse reprendre des essais cliniques, actuellement suspendus dans l’établissement.

Jusqu’à présent, le président d’Aix-Marseille Université (AMU), plus grande université de France en nombre d’étudiants (80.000), n’avait répondu aux médias que de façon laconique. « Sans en faire de promotion ni de publicité », AMU, un des six membres fondateurs de l’IHU, qui siège à ce titre à son conseil d’administration, « a pris ses responsabilités dès les premiers instants » de la pandémie, assure-t-il aujourd’hui.

Des manquements relevés dans un rapport de 2020

« Dès juin 2020, nous avons lancé une enquête de probité et d’intégrité scientifique », malgré de « nombreux » refus d’experts, qui ne souhaitaient pas y « associer leurs noms », sans doute en raison d’une « certaine appréhension ».

Finalement deux experts, restés anonymes, ont relevé dans un rapport fin 2020 des « manquements en matière d’éthique » sur la première partie des études sur l’hydroxychloroquine. Rapport immédiatement transmis à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), « qui disposent de tout pouvoir en la matière », insiste-t-il.

Avec les syndicats, l’université a également « diligenté » entre 2020 et 2023 des visites des quatre laboratoires de l’IHU dans le cadre des missions du CSE (Conseil économique et social) sur les conditions de travail, dont les résultats ont été transmis aux mêmes services d’inspections. Ces documents ont nourri, selon Eric Berton, le rapport de l’Igas et l’IGESR de septembre 2022, qui avait conclu à une série de dérives médicales, scientifiques et de management, dont plusieurs pourraient « relever d’une qualification pénale ».

Enfin, en 2022, AMU a saisi l’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis) au sujet de huit publications de l’IHU. Son rapport a également souligné des manquements, transmis là aussi aux autorités compétentes.

Des sanctions à venir ?

Aujourd’hui, Didier Raoult, retraité, « n’a pas de bureau approprié à l’IHU ni de laboratoire », assure son ancien employeur. « Il ne peut pas avoir d’autres responsabilités que de terminer les thèses engagées », grâce à son titre de professeur émérite obtenu « d’office en tant que lauréat du grand prix Inserm ».

En tant que professeur des universités - praticien hospitalier, Didier Raoult était employé d’AMU comme des hôpitaux marseillais (AP-HM). Il ne vient plus à l’IHU que « de temps en temps », expliquait récemment un porte-parole de l’Institut.

A la question d’une éventuelle sanction à son encontre, Eric Berton estime que « ce n’est pas (s) on affaire », n’étant « ni juge ni juré ». « L’IHU, ce sont des gens qui ont décidé de passer à autre chose » et les « membres fondateurs sont plus que jamais soudés entre eux ».

S’agissant d’éventuelles sanctions visant les autres signataires de l’étude pre-print, envisagées par le ministre de la Santé, Eric Berton a refusé de s’exprimer, une enquête étant en cours côté justice.

L’information judiciaire ouverte en juillet 2022 à Marseille autour de l’IHU porte à ce stade uniquement sur des faits antérieurs à l’épisode du Covid et aucune poursuite n’a encore été engagée.