Covid-19 : Tout savoir sur la nouvelle « affaire Didier Raoult » (et les anciennes)

RECOUCOU L’ex-directeur de l’IHU est de retour sur la scène médiatique après la publication d’une tribune du monde médicale l’accusant d’avoir mené, en testant « son protocole » sur 30.000 personnes, « le plus grand essai thérapeutique ''sauvage'' connu »

Alexandre Vella
— 
Didier Raoult pose sous son portrait, tenant un livre qu'il a lui-même écrit.
Didier Raoult pose sous son portrait, tenant un livre qu'il a lui-même écrit. — Christophe SIMON
  • Après la publication d’une tribune mettant une nouvelle fois en cause ses méthodes scientifiques, Didier Raoult réapparaît sur la scène médiatique.
  • Cette tribune intervient en réaction à la publication, en avril, d’une étude preprint réalisée sur 30.000 patients par Didier Raoult et ses équipes et supposée démontrer l’efficacité de son protocole de soin à base d’hydroxychloroquine.
  • 20 minutes fait le point sur cette nouvelle « affaire Raoult » (et les précédentes).

Il a rendu les clés de l’IHU en septembre 2022, mais ne désarme pas. Didier Raoult est de retour sur le devant de la scène après la publication ce dimanche dans le journal Le Monde d’une tribune l’accusant d’avoir mené, en testant son protocole sur plus de 30.000 personnes, « le plus grand essai thérapeutique ''sauvage'' connu à ce jour ». 20 Minutes fait le point sur cette nouvelle controverse concernant Didier Raoult (et revient sur les précédentes).

Pourquoi cette tribune ?

Cette tribune, cosignée notamment par la Société française de pharmacologie et de thérapeutique, la Société de pathologie infectieuse de langue française et le professeur Alain Fisher, président de l’Académie des sciences réagit à la publication début avril par Didier Raoult et ses équipes d’une étude « preprint », c’est-à-dire sans relecture par des pairs, portant sur 30.423 patients malades du Covid-19 et pris en charge à l’IHU de Marseille en mars 2020 et décembre 2021.

Les signataires considèrent que « les normes éthiques et scientifiques » de la recherche thérapeutique y « ont été largement enfreintes ». Ils dénoncent ainsi « la prescription systématique aux patients atteints du Covid-19, quels que soient leur âge et leurs symptômes, de médicaments aussi variés que l’hydroxychloroquine, le zinc, l’ivermectine ou l’azithromycine, sur des ordonnances préimprimées ». Des prescriptions « réalisées en dehors de toute autorisation de mise sur le marché » et « poursuivies, ce qui est plus grave, pendant plus d’un an après la démonstration formelle de leur inefficacité », écrivent-ils, appelant les autorités à réagir. Selon les auteurs de ce texte, cette étude, menée « en dehors de tout cadre éthique ou juridique », constituerait « vraisemblablement le plus grand essai thérapeutique ''sauvage'' connu à ce jour ».

Que dit l’étude publiée début avril ?

Dans son autobiographie parue également début avril, Didier Raoult annonce la publication et les résultats de cette étude aux données collectées « sous contrôle d’huissier » (P. 212) afin de « déjouer les différentes stratégies mises en place pour dévaluer [leur] travail ». Celle-ci fait part d’un taux de mortalité chez ses patients de 1.77 % et conclut que « l’hydroxychloroquine, seule ou combinée (à d’autres molécules de son protocole), était associée à une protection significative contre les décès ».

Pour étayer cette recherche qui devait à bien des égards sonner la revanche de son protocole, la mortalité enregistrée dans ses services a été comparée aux données de l’Insee. Dans son livre, il en donne une version vulgarisée de la conclusion : « la combinaison hydroxychloroquine/azithromycine est associée à une mortalité au moins cinq fois inférieure à celle des autres thérapeutiques, y compris l’azithromycine seule. L’ivermectine/azithromycine donne des résultats elle aussi, mais nettement moins significatifs que l’hydroxychloroquine », soutient Didier Raoult au chapitre 11, Le Covid ou la prophétie autoréalisatrice.

Quelles sont les réactions ?

Invité de BFM TV ce mardi matin, Didier Raoult s’est défendu d’avoir réalisé « un essai thérapeutique », préférant parler « d’une étude observationnelle » qui « servira pour l’Histoire », selon son habituelle modestie. Bien que la prescription d’hydroxychloroquine eut été interdite par Haut conseil à la santé publique le 27 mai 2020, le professeur marseillais a estimé que cette interdiction était « une décision politique mais qui n’engage [ait] pas la responsabilité personnelle des médecins » et qu’il avait de ce fait « parfaitement le droit, mais aussi les autres, de prescrire de l’hydroxychloroquine ».

Côté politique, Olivier Véran, ministre de la Santé durant la crise sanitaire et actuel porte-parole du gouvernement, a répété « que l’hydroxychloroquine n’a jamais marché contre le coronavirus », souhaitant que les autorités soient saisies « si les conditions de réalisation d’essais cliniques n’ont pas été respectées ». Le sénateur écologiste Bernard Jomier, médecin généraliste de formation, a pour sa part annoncé ce mardi avoir saisi la procureure de la République de Marseille.

Une nouvelle « affaire Raoult » ?

Si Dominique Laurens, la procureure de la République de Marseille, devait ouvrir une instruction judiciaire, il s’agirait du second « dossier Raoult » sur les bureaux des magistrats du pôle de santé de publique. En septembre 2022, après la remise de rapports de l’Agence nationale de sécurité des médicaments (Ansm) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la gestion de l’IHU, une première enquête a été ouverte. Mais plus que sur les conditions de la réalisation de l’étude dont les résultats viennent d’être présentés, cette enquête se penche sur un autre essai thérapeutique porté sur la tuberculose et jugé « sauvage ». Le volet détaillé par le rapport de l’Igas fait, quant à lui, état de pressions sur le personnel et les médecins de l’IHU non-alignés sur la position Raoult, pointant diverses pratiques « pouvant relever de qualifications pénales ».

Plus anecdotique, Didier Raoult est déjà allé devant les tribunaux, après avoir déposé plainte pour diffamation contre sa consœur Karine Lacombe qui avait soutenu que « des actions en justice [contre Didier Raoult] pour mensonge devant la commission parlementaire sont en cours ». Une accusation dont elle a été relaxée en novembre 2022 au titre de la bonne foi, et non pour la véracité de ses propos.

Et Didier Raoult dans sa riposte judiciaire ne s’arrête pas là. En avril 2022, il avait à l’occasion d’une conférence de presse organisée à l’IHU en compagnie de deux de ses avocats annoncé le dépôt de plusieurs plaintes, visant notamment Mediapart, qui avait révélé le rapport l’Ansm, mais aussi François Crémieux, le directeur général de l’AP-HM pour une publication dans le journal de l’institution et des personnes « internes à l’AP-HM » soupçonnées d’avoir frauduleusement accédé à son dossier médical et à celui de sa femme.