« Il y a un risque que les talibans reprennent la main »
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général Vincent Desportes
Professeur associé à Science-Po Paris
et ancien patron de l'Ecole de guerre.
François Hollande annonce
le retrait des troupes françaises
en Afghanistan d'ici à la fin
de l'année. Est-ce faisable ?
Le personnel, oui. Mais pas l'équipement. Aujourd'hui, la voie du Pakistan est fermée et celle du Nord, bien qu'ouverte, est longue et onéreuse. Quant à la voie aérienne, le nombre de rotations est limité car il faut louer à des sociétés privées civiles des Antonov et des Iliouchine ou des Lockheed Galaxy à l'armée de l'air américaine. Mais comme tous les alliés montent déjà des plans de rapatriement, le nombre d'avions disponibles est réduit. Le gros du transport français se fera par meroutage, via le Golfe. Il est très probable qu'il sera difficile de tout ramener avant le milieu de l'année 2013, voire fin 2013.
François Hollande a distingué
les troupes combattantes
des effectifs qui resteront sur place
au-delà de 2012 pour assurer
le rapatriement des matériels...
Nous sommes en guerre dans un pays dangereux. Il ne s'agit donc pas de gardiennage de matériel, mais bien de sécurisation par des unités combattantes. Il faudra plusieurs centaines de personnes pour assurer cette mission. Cela dit, on peut cesser les opérations de combat.
N'est-ce pas déjà le cas aujourd'hui ?
Il y en a moins. Mais les soldats ne peuvent rester enfermés dans leurs bases avancées. Il leur faut sortir, notamment pour des missions de renseignement, sans quoi ils seraient en danger.
Si les Français partent,
qui les remplacera pour sécuriser
les zones qu'ils contrôlaient ?
C'est au commandement opérationnel d'en juger. Tous les contingents étant dans une démarche de dégagement, ça va être difficile d'en trouver pour remplacer l'armée française. Dans ce cas, comme en Surobi, ça sera à l'ANA (Armée nationale afghane) de prendre le relais. Si on attend que la situation se stabilise, on ne partira jamais. Mais il y a évidemment un risque que les talibans reprennent la main. En tout cas, la France doit tenir ses engagements vis-à-vis de l'Alliance. L'effort en faveur de l'ANA peut être budgétaire, mais aussi fourni en termes de formation tactique et opérationnelle, d'équipement donné ou encore d'aide à la formation des techniciens, des logisticiens et des maintenanciers. Propos recueillis par Alexandre Sulzer